Jean le Rond d'Alembert (1717 – 1783)

 

 

Fruit d’un amour illégitime entre la célèbre femme de lettres et salonnière Claudine Guérin de Tencin et le chevalier Louis-Camus Destouches, commissaire d’artillerie, D’Alembert naît le 16 novembre 1717 à Paris. Le lendemain, il est abandonné par sa mère qui le fait porter par un serviteur sur les escaliers de la chapelle Saint-Jean-le-Rond attenant à la tour nord de Notre-Dame de Paris. Comme le veut la coutume, il est nommé du nom du saint protecteur de la chapelle et devient Jean Le Rond. Il est d’abord placé à l’hospice des Enfants-Trouvés, mais son père le retrouve rapidement et le place dans une famille d’adoption. Bien qu’il ne reconnaisse pas officiellement sa paternité, le chevalier Destouches veille secrètement à son éducation en lui accordant une pension et le visite quelquefois chez sa nourrice, Madame Rousseau, la fameuse « vitrière » chez qui il vivra jusqu’à ses cinquante ans.

À douze ans, il entra au Collège des Quatre-Nations. Il y fit de brillantes études, obtint le baccalauréat en arts, puis suivit les cours de l’École de Droit. Il s’était d’abord inscrit sous le nom de Daremberg, puis il le change en D’Alembert, nom qu’il conservera toute sa vie. Refusant de s’inscrire au barreau, il entreprit des études de médecine, puis les abandonna également.

À 22 ans, en 1739, il présenta à l’Académie des Sciences, son premier travail en mathématiques sur des erreurs qu’il avait décelées dans l’Analyse démontrée, ouvrage publié en 1708 par Charles-René Reynaud avec lequel D’Alembert avait lui-même étudié les bases des mathématiques. Dès 1742, à 24 ans, il est nommé adjoint de la section d’Astronomie de l’Académie des sciences où son grand rival en mathématiques et en physique fut Alexis Clairaut. En 1743, il publia son célèbre Traité de Dynamique, qui dans l’histoire de la mécanique représente l’étape qu’il fallait franchir entre l’œuvre de Newton et celle de Lagrange. En 1746, il est élu associé géomètre.

Il entra à l’Académie de Berlin à 28 ans.

La suite de sa carrière à l’Académie des Sciences fut moins brillante. Nommé pensionnaire surnuméraire en 1756, ce n'est qu'en 1765, à 47 ans, qu’il devint pensionnaire.

Ami de Voltaire et constamment mêlé aux controverses passionnées de ce temps, il était un habitué des salons parisiens, notamment ceux de Marie-Thérèse Geoffrin, de Marie du Deffand et de Julie de Lespinasse.

C’est là qu’il rencontra Denis Diderot, en 1746. L'année suivante, ils prennent conjointement la tête de L'Encyclopédie. En 1751, après cinq ans de travail de plus de deux cents contributeurs, paraissait le premier tome de l’encyclopédie dont D’Alembert rédigea le Discours préliminaire.

En 1754, D’Alembert est élu membre de l’Académie française, dont il deviendra le secrétaire perpétuel le 9 avril 1772. L'année 1754 voit également la parution de l’article « Genève » dans l'Encyclopédie, pour lequel il fut attaqué par Jean-Jacques Rousseau. Après une série de crises, la publication de l'Encyclopédie est suspendue de 1757 à 1759. D'Alembert, prudent, se retira de l’entreprise, en 1757, après s’être fâché avec Diderot.

Jusqu’à sa mort il continua ses travaux scientifiques et disparut au faîte de sa célébrité, prenant ainsi une revanche éclatante sur sa naissance misérable.

Il quitta la maison familiale en 1765 pour vivre un amour platonique et difficile avec l’écrivaine Julie de Lespinasse, qui disparut en 1776.

 

En Physique

Il étudia le problème des trois corps et les équinoxes, dans le mémoire publié en 1749 sur la précession des équinoxes. Ce phénomène, dont la période est de 26 000 ans, avait été constaté par Hipparque dans l’Antiquité. Newton avait compris que la cause de ce phénomène résidait dans l’action des forces de gravitation sur le corps non rigoureusement sphérique qu’est le globe terrestre. Mais c’est à D’Alembert qu’il revint de pousser les calculs et d’obtenir des résultats numériques en accord avec l’observation. D’Alembert fit également progresser le difficile problème que constituait pour les astronomes l’explication du mouvement lunaire. En ce sens, il est le précurseur de la Mécanique céleste de Laplace.

En 1743 dans le Traité de dynamique dans lequel il énonce le principe de la quantité de mouvement, qui est parfois appelé principe de d'Alembert.

« Si l’on considère un système de points matériels liés entre eux de manière que leurs masses acquièrent des vitesses respectives différentes selon qu’elles se meuvent librement ou solidairement, les quantités de mouvements gagnées ou perdues dans le système sont égales. »

Ce principe a servi de base au développement de la mécanique analytique. D’Alembert considère le cas général d’un système mécanique qui évolue en restant soumis à des liaisons; il montre que les forces de liaison s’équilibrant, il doit y avoir équivalence entre les forces réelles qui impriment son mouvement au système et les forces qu’il faudrait mettre en œuvre si les liaisons n’existaient pas. Ce faisant, il éliminait les forces de liaison, dont les formes sont généralement inconnues, et, ramenait, d’une certaine manière, le problème de la dynamique envisagé à une question d’équilibre, c’est-à-dire de statique. Cela permettait de ramener tout problème de statique à l’application d’un principe général, qu’on nommait alors le « principe des vitesses virtuelles ». Ce faisant, D’Alembert jetait les bases sur lesquelles Lagrange allait bâtir l’édifice grandiose de la Mécanique céleste.

Il étudia aussi les équations différentielles et les équations à dérivées partielles.

En hydrodynamique, on lui doit d’avoir démontré le paradoxe qui porte son nom : il montra que, d’après les solutions les plus simples des équations hydrodynamiques, un corps devrait pouvoir progresser dans un fluide sans éprouver aucune résistance ou, ce qui revient au même, qu’une pile de pont plongée dans le cours d’un fleuve ne devait subir de sa part aucune poussée. C’était obtenir un résultat contraire à l’intuition et à l’expérience. Il fallut attendre la théorie des sillages, qui substitue aux solutions continues simples de l’hydrodynamique, des solutions de surfaces de discontinuités et mouvements tourbillonnaires, pour venir à bout de cette difficulté qu’avait soulevée D’Alembert.

Il est également à l’origine de l’équation de d'Alembert.