Jean-Baptiste Dubos (1670 − 1742)
Fils d’un marchand échevin de Beauvais, Dubos fait ses premières études dans sa ville natale avant de venir les achever à Paris où il étudie la théologie, puis le droit public. Après avoir été reçu bachelier de Sorbonne en 1691, il entre dans les bureaux de Jean-Baptiste Colbert de Torcy qui le charge de missions secrètes auprès de diverses cours de l’Europe, en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en Hollande. S’en étant acquitté en négociateur habile et ayant pris une part importante aux traités conclus à Utrecht, Bade et Radstadt, le régent et le cardinal Dubois firent le même usage, avec le même succès, de ses talents. Ses services furent récompensés par des bénéfices et des pensions, et enfin par l’abbaye de Notre-Dame de Ressons près de Beauvais, après quoi il abandonna la politique pour se consacrer à l’histoire.
En 1720, il est élu membre de l’Académie française où il remplace, deux ans plus tard, André Dacier au poste de secrétaire perpétuel.
Chargé des négociations de paix lors de la guerre de Hollande qui oppose la France et ses alliés aux pays qui formeront plus tard la Quadruple-Alliance, l’abbé Dubos publie en 1703 Les Interests de l'Angleterre mal entendus dans la guerre présente, dont certains chapitres contiennent des révélations que les Hollandais mettront à profit, ce qui a fait dire à certains que son livre aurait dû être nommé Les Intérêts de l'Angleterre mal entendus par l'abbé Dubos. Il s’agit probablement d’un ouvrage de commande fait sur ordre de la cour de France qui lui avait fourni les mémoires. Dubos y fait, sur l’Angleterre, des prédictions funestes qui ne se sont pas réalisées mais il y prédit également que les colonies britanniques en Amérique se révolteraient un jour contre leurs maîtres.
Dans son Histoire critique de l’établissement de la monarchie française dans les Gaules, parue en 1734 et réédité en 1742, l’abbé Dubos ne parcourt que les deux premiers siècles de cette monarchie dont il montre les commencements et réfute les idées de Boulainvilliers. Avec de savantes recherches, des réflexions profondes et des raisonnements judicieux, il y met en évidence le fait que, dès le commencement, les rois de France ont été absolus et que le royaume a toujours été héréditaire. Dans cet ouvrage plein de principes de droits publics et d’excellents raisonnements politiques au style diffus, l’abbé Dubos a traité en maître la question de la loi salique d’où il s’ensuivrait que cette loi était non une loi écrite mais une coutume aussi ancienne que la monarchie. Ayant également tenté de démontrer que les Francs pénétrèrent la Gaule, non en conquérants, mais à l’invite des Gaulois, Montesquieu réfutera cette thèse dans son Esprit des lois (chapitre XXX) : « mes idées sont perpétuellement contraires aux siennes ; et que, s’il a trouvé la vérité, je ne l’ai pas trouvée. […] Monsieur l’abbé Dubos veut ôter toute espèce d’idée que les Francs soient entrés dans les Gaules en conquérants : selon lui, nos rois, appelés par les peuples, n’ont fait que se mettre à la place, et succéder aux droits des empereurs romains. »
Parues pour la première fois en 1719 et souvent rééditées, les Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture de l’abbé Dubos ont marqué un tournant dans la pensée esthétique et exerceront une influence considérable sur le développement de l’art théâtral et de la musique tout au long du siècle des Lumières.