Guerre de succession Espagne (1701−1713)

 

 

La guerre de Succession d'Espagne a opposé de 1701 à 1714 la France et l'Espagne à une coalition européenne. L'enjeu en était le trône d'Espagne et, à travers lui, la domination en Europe. Dernière grande guerre de Louis XIV, elle permit à la France d'installer un monarque français à Madrid : Philippe V, mais avec un pouvoir réduit, et le renoncement, pour lui et pour sa descendance, au trône de France même dans le cas où les autres princes du sang français disparaîtraient. Ces conditions ne permettant pas une union aussi étroite que celle espérée par Louis XIV.
Rappelons que, de nos jours, cette dynastie règne toujours à Madrid.

 novembre 1700, Charles II, roi d'Espagne, meurt sans successeur. Les deux principales familles régnantes d'Europe, celle de France (Bourbons) et celle d'Autriche (Habsbourgs), et toutes deux très apparentées à Charles II, revendiquent alors le trône.

Charles II a légué sa couronne par testament à Philippe, duc d'Anjou, petit-fils du roi de France Louis XIV. Ce dernier est, en effet, par sa mère Anne d'Autriche, petit-fils du roi Philippe III d'Espagne, donc cousin germain de Charles II. Philippe, âgé de 17 ans, va à Madrid où il est couronné sous le nom de Philippe V.

La question de la succession d'Espagne se pose depuis 1665 en raison de l'instabilité psychologique du roi Charles II de Habsbourg (épileptique, hérédosyphilitique, impuissant).

Le dernier testament de Charles II (2 octobre 1700) fait du duc d'Anjou l'héritier unique des Espagnes à la condition expresse que l'héritage ne soit pas divisé : c'est la victoire du parti castillan sur le parti autrichien, qui était incarné par la reine (Marie-Anne de Neubourg). Or Charles II meurt le 1er novembre 1700. Louis XIV est mis au courant le 9 novembre. Il est alors face à un dilemme :

Le Conseil d'en haut, consulté, est partagé :

Madame de Maintenon, consultée en dernier lieu, est d'avis d'accepter. Le roi ne se prononce pas aussitôt : ce n'est qu'après avoir reçu d'autres courriers de Madrid qu'il accepte le testament et présente le duc d'Anjou à la cour sous son nouveau titre, le 16 novembre 1700 : « Messieurs, voici le roi d'Espagne ».

Les avantages de ce choix sont la neutralisation définitive de l'Espagne, grande puissance maritime et coloniale (« il n'y a plus de Pyrénées »). L'Espagne sera de fait l'alliée de la France jusqu'à la Révolution (sauf pendant la guerre de la Quadruple-Alliance, sous l'influence du cardinal Giulio Alberoni, guerre de l'Espagne contre la France et l'Angleterre en 1719 qui a mené à l'échec des fiançailles de la fille de Philippe V avec Louis XV en 1725). Un autre avantage est l'apparente ouverture du marché américain à la France.

Les inconvénients de ce choix sont clairs : toute l'Europe se sent menacée par l'alliance dynastique de la France et de l'Espagne, d’autant plus forte que, par lettres patentes du 1er février 1701, Louis XIV reconnaît le droit de Philippe V à succéder à la couronne de France. La guerre européenne serait donc prévisible.

L'Angleterre (qui a été rejointe pendant la guerre par l'Écosse en 1707 pour devenir la Grande-Bretagne) et les Provinces-Unies, craignant la nouvelle puissance de la France alliée à l'Espagne, forment en 1702 la Grande Alliance de La Haye, sous l'égide de l'Empereur Léopold Ier, avec le concours du Brandebourg, de l'Autriche, du Piémont et du Portugal. Cette alliance durera jusqu'en 1712. Les accords de cette alliance stipulent que l'Angleterre et les Provinces-Unies conserveront toutes les conquêtes qu’ils pourront faire dans les colonies espagnoles, l'Empire se réservant les territoires italiens.

La France a comme alliés l'Espagne et les princes électeurs de Bavière et de Cologne, ainsi que le prétendant d'Angleterre, Jacques III. L'appui du pape Clément XI, qui veut contrer les pays protestants comme l'Angleterre et les Provinces-Unies, est acquis à la France. Jusqu'en 1704, la France conserve l'initiative stratégique.

Mais au cours des années qui suivent, les armées de la coalition, dirigées par le prince Eugène et le duc de Marlborough, remportent de nombreuses victoires sur tous les terrains : la bataille de Blenheim en 1704 fait perdre à la France son champ d'action en Allemagne. En 1706, les batailles de Turin et de Ramillies chassent la France d'Italie du Nord (Valteline) et des Pays-Bas espagnols. La frontière du Nord de la France est menacée : après une retentissante défaite des armées françaises à la bataille d'Audenarde, Lille est prise en août 1708.

En 1708, Louis XIV demande la paix. La coalition exige qu'il retire son soutien à Philippe V et qu'il se charge de déposer lui-même son petit-fils en jetant contre lui l'armée française. Louis XIV refuse ces conditions humiliantes et poursuit la guerre. Il lance un appel aux Français et leur expose la situation (appel du 12 juin 1709). C'est à ce moment que le rapport de forces se met à évoluer. À Malplaquet, l'armée française, bien que vaincue, inflige de telles pertes aux Anglo-Prussiens que ceux-ci doivent se retirer et renoncer à envahir la France. En 1710, à la bataille de Brihuega et à la bataille de Villaviciosa, en Espagne, les forces britanniques et autrichiennes sont écrasées : le trône de Philippe V est sauvé. L'année suivante, à Denain, le maréchal de Villars remporte contre les forces impériales une victoire décisive : Louis XIV repasse à l'offensive dès 1713, lorsque les armées françaises, menées par Villars, repassent le Rhin et prennent Fribourg.

Le coût de la guerre commence à peser chez les coalisés, et la situation politique évolue favorablement pour Louis XIV : en Grande-Bretagne, le pacifisme progresse, les Britanniques supportant mal les lourdes contributions financières nécessaires à l'entretien des forces de la coalition.

En fait, c'est toute l'Europe qui est épuisée. La France, elle aussi, a considérablement souffert des impôts alimentant les combats. L'issue de la guerre ne pourra venir que de la diplomatie. Au congrès d'Utrecht, qui réunit les belligérants depuis janvier 1712, chacun essaie de trouver une sortie honorable. Philippe V conserve le trône d'Espagne. Toutefois Philippe doit renoncer, pour lui et pour sa descendance, au trône de France même dans le cas où les autres princes du sang français disparaîtraient. De la même manière, la France conserve toutes les conquêtes de Louis XIV (Flandre française, Roussillon, Lille, Artois, Franche-Comté, Alsace). En Amérique, la France cède l'Acadie, et rend la Terre-Neuve et la baie d'Hudson à la Grande-Bretagne ; l'Espagne perd le monopole de l'asiento ou Traite des noirs. Les combats cessent définitivement en 1713, après une campagne militaire en Allemagne victorieuse pour Louis XIV. Le 6 mars 1714 est signé le Traité de Rastatt. Ce Traité marque pour l'Autriche un agrandissement de ses États héréditaires au détriment de sa puissance impériale. Mais les Habsbourg renoncent à la couronne d'Espagne et des Amériques. Leur redressement est d'ailleurs factice. Dès 1738, ils céderont Naples et la Sicile à Charles III d'Espagne fils de Philippe V, à l'issue de la fin de la Guerre de Succession de Pologne.

La guerre de succession d'Espagne a profondément marqué l'évolution du rapport des forces entre les puissances européennes. La Grande-Bretagne s'est affirmée comme l'une des puissances majeures en Europe (précieux avantages outre-mer et affirmation de sa suprématie sur les mers). L'Espagne a définitivement rompu avec un passé de deux siècles de liens familiaux avec l'Autriche ; elle devient une puissance secondaire en Europe. Mais la France demeure la première puissance militaire du continent, et son ensemble colonial reste (pour le moment) plus important que celui de la Grande-Bretagne. À Utrecht, la Prusse et le Piémont sont érigés en royaumes, tandis que le traité sanctionne l'affaissement de la puissance économique des Provinces-Unies.