Leonhard Euler (1707 − 1783)

 

 

 

 

Leonhard Euler est né à Bâle, de Paul Euler, un pasteur des Églises réformées et de Marguerite Brucker, la fille d'un pasteur. Il a deux jeunes sœurs du nom d'Anna Maria et de Maria Magdalena. Peu de temps après la naissance de Leonhard, la famille Euler a déménagé de Bâle pour rejoindre la ville de Riehen, où Euler a passé la plupart de son enfance. Paul Euler était un ami de la famille Bernoulli — Jean Bernoulli, qui était alors considéré comme le principal mathématicien européen, pourrait être celui ayant eu la plus grande influence sur le jeune Leonhard. L'éducation officielle d'Euler a commencé tôt à Bâle, où il fut envoyé vivre avec sa grand-mère maternelle. À l'âge de treize ans, il s'est inscrit à l'Université de Bâle, et en 1723, a obtenu son Master of Philosophy grâce à une dissertation qui comparait la philosophie de Descartes à celle de Newton. À cette époque, il recevait tous les samedis après-midi des leçons de Jean Bernoulli, qui a rapidement découvert chez son nouvel élève un incroyable talent pour les mathématiques. Euler a alors commencé à étudier la théologie, le grec et l'hébreu à la demande de son père, afin de devenir un pasteur, mais Jean Bernoulli a convaincu Paul Euler que Leonhard était destiné à devenir un grand mathématicien. En 1727, il participe au concours de l'Académie des sciences de Paris qui consiste à résoudre un problème scientifique. Cette année là, le problème était de trouver la meilleure façon de placer les mâts d'un navire. Il a remporté la deuxième place, derrière Pierre Bouguer, qui est maintenant connu comme le « père de l'architecture navale ». Euler a ensuite gagné ce prestigieux prix annuel douze fois dans sa carrière.

À cette époque, les deux fils de Jean Bernoulli, Daniel et Nicolas, travaillaient à l'Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg. En juillet 1726, Nicolas est mort de l'appendicite, après avoir passé un an en Russie, et quand Daniel a admis les positions de son frère en mathématiques et en physique, il a recommandé que le poste en physiologie qu'il avait laissé vacant soit comblé par son ami Leonhard Euler. En novembre 1726, Euler a accepté avec empressement l'offre, mais a fait le voyage à Saint-Pétersbourg en retard, alors qu'il avait demandé en vain un poste de professeur de physique à l'Université de Bâle.

Euler est arrivé dans la capitale russe le 17 mai 1727. Occupant d'abord un poste au département médical de l'académie, il a ensuie été promu à un poste dans le département mathématiques. Il a logé auprès de Daniel Bernoulli, avec qui il a souvent travaillé en étroite collaboration. Euler maîtrisait alors le russe et s'est installé à Saint-Pétersbourg. Il a également pris un emploi additionnel de médecin dans la marine russe.

L'Académie de Saint-Pétersbourg, créée par Pierre Ier de Russie, était destinée à améliorer l'éducation en Russie et à fermer le fossé scientifique avec l'Europe occidentale. En conséquence, elle a été particulièrement intéressante pour les étudiants étrangers comme Euler. L'académie possède suffisamment de ressources financières et une bibliothèque complète tirée de la bibliothèque privée de Pierre Ier et de la noblesse russe. Très peu d'étudiants étaient inscrits dans l'académie, de façon à diminuer la charge des professeurs, à mettre l'accent sur la recherche et à offrir à son corps professoral à la fois le temps et la liberté de poursuivre des questions scientifiques.

Catherine Ire de Russie, qui poursuivait la politique progressive de son défunt mari, est décédée le jour de l'arrivée d'Euler. La noblesse russe a alors pris le pouvoir lors de l'ascension de Pierre II de Russie, âgé de douze ans. La noblesse se méfiait des chercheurs étrangers, et a ainsi réduit le financement et a causé d'autres difficultés à Euler et à ses collègues.

Les conditions se sont légèrement améliorées à la mort de Pierre II, Euler a donc pu rapidement gravir les échelons dans l'académie, jusqu'à devenir professeur de physique en 1731. Deux ans plus tard, Daniel Bernoulli, qui en avait assez de la censure et de l'hostilité qui se trouvait à Saint-Pétersbourg, est parti à Bâle. Euler lui a succédé à la tête du département de mathématiques.

Le 7 janvier 1734, il épousa Katharina Gsell (1707-1773), fille de Georg Gsell, un peintre. Le jeune couple a acheté une maison sur la Neva. De leurs treize enfants, cinq seulement ont passé l'âge de l'enfance.

Préoccupé par la persistance des troubles en Russie, Euler a quitté Saint-Pétersbourg le 19 juin 1741 pour occuper un poste à l'Académie de Berlin, qui lui a été proposé par Frédéric II de Prusse. Il a vécu pendant vingt-cinq ans à Berlin, où il a écrit plus de 380 articles. À Berlin, il a publié deux célèbres ouvrages : l'Introductio analysin infinitorum (« Introduction à l’analyse des infiniment petits »), un texte sur les fonctions publié en 1748 et Institutiones calculi differentialis (« Traité du calcul différentiel »), publié en 1755 et traitant du calcul différentiel.

En outre, Euler a été demandé pour être le professeur de la princesse d'Anhalt-Dessau, la nièce de Frédéric II. Euler lui a écrit plus de 200 lettres, qui ont ensuite été rassemblées dans un best-seller intitulé Lettres à une princesse d'Allemagne sur divers sujets de physique et de philosophie. Cet ouvrage contient des publications d'Euler sur divers sujets se rapportant à la physique et aux mathématiques, mais également sur des sujets philosophiques. Ce livre est devenu le plus largement lu de tous ses travaux mathématiques, et il a été publié en Europe et aux États-Unis. La popularité des « Lettres » témoigne de la capacité d'Euler à communiquer efficacement sur les questions scientifiques au public, une capacité rare pour un chercheur scientifique.

Malgré l'immense contribution d'Euler au prestige de l'Académie, il a finalement été contraint de quitter Berlin. Cela a été en partie à cause d'un conflit de personnalité avec Frédéric II, qui avait peu de considération pour Euler, en particulier en comparaison au cercle des philosophes du roi allemand. Voltaire a fait partie de ceux qui ont été aux côtés de Frédéric II, et le français a eu une bonne place dans le cercle du roi. Euler, un simple homme religieux et un travailleur acharné, était très classique dans ses convictions et ses goûts. Il a été, à bien des égards, l'opposé de Voltaire. Euler avait une formation limitée en rhétorique, et avait tendance à débattre sur des questions qu'il connaissait peu, faisant de lui une cible fréquente de l'esprit de Voltaire. Frédéric II a également exprimé sa déception vis-à-vis des capacités d'ingénierie d'Euler :

« Je voulais avoir un jet d'eau dans mon jardin : Euler a calculé la force des roues nécessaire afin d'élever l'eau jusqu'à un réservoir, d'où elle doit redescendre à travers des canaux, pour enfin sortir de la fontaine. Mon moulin a été réalisé géométriquement mais ne peut pas élever une goutte d'eau à moins de cinquante pas du réservoir. Vanité des vanités ! Vanité de la géométrie ! »

La vue d'Euler a empiré tout au long de sa carrière dans les mathématiques. Trois ans après avoir souffert d'une fièvre quasi-mortelle en 1735, il est devenu presque aveugle de son œil droit. Euler a plutôt reproché sa condition au travail minutieux qu'il avait effectué en cartographie pour l'Académie de Saint-Pétersbourg. La vue d'Euler de l'œil droit a empiré tout au long de son séjour en Allemagne, si bien que Frédéric II le surnommait « Cyclope ». Euler a ensuite souffert d'une cataracte à son œil gauche, le rendant presque totalement aveugle. Il semble que ce mauvais état ait eu peu d'effet sur sa productivité, Euler ayant compensé son handicap par ses compétences en calcul mental et par sa mémoire eidétique. Par exemple, Euler pouvait répéter l'Énéide de Virgile, du début à la fin, sans hésitation, et pour chaque page de son édition, il pouvait indiquer la ligne qui a été la première et la dernière. Avec l'aide de ses scribes, la productivité d'Euler sur de nombreux domaines d'étude a en fait augmenté. Il a produit en moyenne un document de mathématiques par semaine au cours de l'année 1775.

La situation en Russie s'était grandement améliorée depuis l'accession au trône de Catherine II de Russie, et en 1766, Euler a accepté une invitation à revenir à l'Académie de Saint-Pétersbourg et a passé le reste de sa vie en Russie. Son second séjour dans le pays a été marqué par la tragédie. Un incendie à Saint-Pétersbourg en 1771 lui a coûté son domicile, et a failli lui ôter la vie. En 1773, il a perdu son épouse de 40 ans. Trois ans après la mort de sa femme, Euler s'est marié avec la demi-sœur de celle-ci, Salomé Abigail Gsell (1723-1794). Ce mariage allait durer jusqu'à sa mort.

Le 18 septembre 1783, Euler est décédé à Saint-Pétersbourg, après avoir souffert d'une hémorragie intra-cérébrale, et a été enterré avec son épouse au cimetière luthérien de Smolensk sur l'île Vassilievski (les Soviétiques ont ensuite détruit le cimetière après avoir transféré les restes d'Euler au monastère Alexandre-Nevski). Son éloge funèbre a été écrit pour l'Académie française par le mathématicien et philosophe français Nicolas de Condorcet. Le récit de sa vie, avec une liste de ses œuvres, a été écrit par Nikolaus von Fuss, le beau-fils d'Euler et le secrétaire de l'Académie des sciences de Russie. Nicolas de Condorcet a déclaré :

« … il cessa de calculer et de vivre »

 

 

Entre ses nombreux écrits, presque tous rédigés en latin, on doit remarquer :

-        Mécanique exposée analytiquement, Saint-Pétersbourg, 1736 ;

-        Introduction à l'analyse de l'infini, Lausanne, 1748 ;

-        La Science navale ;

-        Les Institutions de calcul différentiel ;

-        Les Institutions de calcul intégral, 1768 ;

-        Lettres à une princesse d'Allemagne sur divers sujets de physique et de philosophie (princesse d'Anhalt-Dessau, nièce du roi de Prusse), écrites en français, de 1761 à 1762, publiées à Saint-Pétersbourg en 1768, 3 volumes, in-8. Ce dernier ouvrage, où l'auteur traite à la fois de physique, de métaphysique et de logique, a été plusieurs fois réimprimé, notamment à Paris en 1787, par les soins de Nicolas de Condorcet, qui en a retranché les passages antiphilosophiques ; par Jean-Baptiste Labey en 1812, par Antoine-Augustin Cournot en 1842, par Émile-Edmond Saisset en 1843.

 

Euler eut treize enfants, dont huit meurent en bas âge, qui presque tous marchèrent sur ses traces :

Euler fut profondément pieux pendant toute sa vie. L'anecdote (apocryphe ?) dit qu'il défia Denis Diderot à la Cour de Catherine la Grande avec l'affirmation : « Monsieur, eiπ + 1 = 0 donc Dieu existe, répondez ! ».