Jean de La Fontaine (1621 − 1695)
Jean de La Fontaine passe ses premières années à Château-Thierry dans l'hôtel particulier que ses parents, Charles de La Fontaine et Françoise Pidoux, ont acheté en 1617 au moment de leur mariage. Le poète gardera cette maison jusqu'en 1676. Classée monument historique en 1886, la demeure du Fabuliste abrite aujourd'hui le Musée Jean de La Fontaine.
Années de formation (1641-1658)
On dispose de
très peu d'informations sur les années de formation de Jean de La Fontaine. On
sait qu'il a étudié au collège de Château-Thierry jusqu'en troisième où il
apprit surtout le latin, mais n'étudia pas le grec. En 1641, il entre à
l'Oratoire. Mais dès 1642, il quitte cette carrière religieuse, préférant lire
L'Astrée, d’Honoré d'Urfé, et Rabelais, plutôt que Saint Augustin.
Il reprend des études de droit et fréquente un cercle de jeunes poètes : les
chevaliers de la table ronde, où il rencontre Pellisson, François Charpentier,
Tallemant des Réaux, et Antoine de Rambouillet de La Sablière, qui épousera la
future protectrice du poète Marguerite de La Sablière. Il obtient en 1649, un
diplôme d’avocat au parlement de Paris. Entre temps, en 1647, son père lui
organise un mariage de complaisance avec Marie Héricart, alors âgée de 14 ans et
demi, qui lui donne un fils, Charles. Il se lasse très vite de son épouse qu'il
délaisse. Ses fréquentations parisiennes, pour ce que l'on en sait, sont celles
des sociétés précieuses et libertines de l'époque.
En 1652, La Fontaine acquiert la charge de maître particulier triennal des eaux
et des forêts du duché de Château-Thierry, à laquelle se cumule celle de son
père à la mort de celui-ci. Tâche dont on soupçonne La Fontaine de ne guère
s'occuper avec passion ni assiduité et qu’il revendit intégralement en 1672.
C'est aussi qu'il amorce une carrière de poète par la publication d'un premier
texte, une comédie adaptée de Térence, L'Eunuque, en 1654, qui passe
totalement inaperçue.
Au service de Fouquet (1658-1663)
En 1658, il entre au service de Fouquet, Surintendant des Finances, auquel, outre une série de poèmes de circonstances prévus par contrat - une "pension poétique" - il dédie le poème épique Adonis tiré d'Ovide et élabore un texte composite à la gloire du domaine de son patron, le Songe de Vaux, qui restera inachevé, car Fouquet est arrêté sur ordre de Louis XIV ; La Fontaine écrit en faveur de son patron en 1662, l’Ode au Roi puis l’Élégie aux nymphes de Vaux. Certains biographes ont soutenu que cette défense de Fouquet lui avait valu la haine de Jean-Baptiste Colbert, puis celle de Louis XIV lui-même, sans que l'on ne dispose de témoignages clairs à ce sujet. On ne sait pas exactement si son voyage en Limousin en 1663 est un exil ordonné par l'administration Louis XIV, ou une décision librement consentie d'accompagner son oncle Jannart, lui exilé. Il tire de ce déplacement une Relation d’un Voyage de Paris en Limousin : il s'agit d'un récit de voyage sous forme de lettres en vers et en prose adressées à son épouse, publié de façon posthume.
L'apogée de l'activité littéraire (1664-1679)
En 1664, il passe
au service de la duchesse de Bouillon et de la duchesse d’Orléans. La Fontaine
partage alors son temps entre Paris et Château-Thierry en qualité de gentilhomme
- ce qui assure son anoblissement. C'est le moment où La Fontaine fait une
entrée remarquée sur la scène littéraire publique avec un premier conte, tiré de
l'Arioste, Joconde. Cette réécriture suscite en effet une petite querelle
littéraire, sous forme d'une compétition avec la traduction qu'en a proposée
Bouillon peu de temps avant ; le débat porte sur la liberté dont peut disposer
le conteur par rapport à son modèle : là où le texte de Bouillon est extrêmement
fidèle, voire parfois littéral, celui de La Fontaine s'écarte à plusieurs
reprises du récit du Roland furieux. La Dissertation sur Joconde, qu'on
attribue traditionnellement à Boileau, tranche le débat magistralement à
l'avantage du conte de La Fontaine.
Deux recueils de contes et nouvelles en vers se succèdent alors, en 1665 et
1666, dont les canevas licencieux sont tirés notamment de Boccace et des Cent
nouvelles. Continuation de cette expérience narrative mais sous une autre
forme brève, cette fois de tradition morale, les Fables choisies et mises en
vers, dédiées au Grand Dauphin, paraissent en 1668.
En 1669, La Fontaine ajoute un nouveau genre à son activité en publiant le roman
Les amours de Psyché et de Cupidon, qui suscite une relative
incompréhension au vu de sa forme inédite : mélange de prose et de vers, de
récit mythologique - cette fois tiré d'Apulée - et de conversations littéraires,
le texte contrevient à des principes élémentaires de l'esthétique classique.
C'est à partir de la fiction des "quatre amis" que met en scène ce roman qu'on a
spéculé sur l'amitié qui unirait La Fontaine, Molière, Boileau et Racine, sans
grande preuve : si La Fontaine est lié de façon éloignée à la famille de Racine,
leurs relations sont épisodiques ; les rapports avec Molière ne sont pas connus
si tant est qu'ils existent ; quant à Boileau, il n'y a guère de trace d'une
telle amitié.
Après sa participation à un Recueil de poésies chrétiennes et diverses
édité en 1670 par Port-Royal, La Fontaine publie successivement, en 1671, un
troisième recueil de Contes et nouvelles en vers, et un recueil bigarré,
contenant des contes, des fables, des poèmes de l'époque de Fouquet, des
élégies, sous le titre de Fables nouvelles et autres poésies.
En 1672 meurt la Duchesse d’Orléans : La Fontaine connaît alors de nouvelles
difficultés financières ; Marguerite de La Sablière l'accueille et l'héberge
quelques mois après, probablement en 1673.
En 1674, La Fontaine se lance dans un nouveau genre : l'opéra, avec un projet de
collaboration avec Jean-Baptiste Lully, qui avorte. C'est l'occasion d'une
violente satire de La Fontaine contre Lully, registre rare dans son œuvre, mais
où il excelle en ce poème intitulé Le Florentin.
La même année, un recueil de Nouveaux Contes est publié - mais cette
fois-ci, sans qu'on sache très bien pourquoi, l'édition est saisie et sa vente
interdite : si La Fontaine avait chargé le trait anticlérical et la licence,
reste que ces contes demeuraient dans la tradition du genre et dans une topique
qui rendait relativement inoffensive leur charge.
Après deux recueils de Contes, c'est à nouveau un recueil de Fables
choisies et mises en vers que publie La Fontaine en 1678 et 1679, cette
fois-ci dédié à Madame de Montespan, maîtresse du Roi : ce sont nos actuels
livres VII à XI des Fables, mais alors numérotés de I à V.
Les années 1680 : autour de l'Académie
Période moins
faste, où les productions sont quantitativement moins importantes, mais non
moins diverses : ainsi, en 1682, La Fontaine publie un "Poème du Quinquina",
poème philosophique dans la manière revendiquée de Lucrèce à l'éloge du nouveau
médicament, et accompagné de deux nouveaux contes.
L'activité littéraire des années 1665-1679 se solde en 1683 par une élection,
néanmoins tumultueuse, à l'Académie française, sans qu'on puisse préciser les
exactes raisons de cette difficulté : on a pu faire l'hypothèse que
l'administration louis-quatorzienne gardait rancune au poète qui avait publié
deux poèmes en faveur de Fouquet lors du procès de celui-ci ; le discours des
opposants à cette entrée de La Fontaine à l'Académie s'appuie quant à lui sur
l'accusation d'immoralité lancée contre les recueils de Contes et nouvelles en
vers. Toujours est-il que La Fontaine, après une vague promesse de ne plus rimer
de contes, est reçu le 2 mai 1684 à l'Académie, où, en sus du remerciement
traditionnel, il prononce un Discours à Madame de La Sablière où il se
définit, en une formule fameuse, comme "papillon du Parnasse".
L'année suivante, l'Académie est encore le cadre d'une nouvelle affaire dans
laquelle est impliqué La Fontaine : Furetière, qui en composant son propre
dictionnaire a passé outre le privilège de la compagnie en cette matière, est
exclu, et lance une série de pamphlets notamment contre La Fontaine, son ancien
ami, qu'il accuse de trahison et contre lequel il reprend l'accusation de
libertinage.
C'est une autre vieille amitié, elle sans rupture, qui donne jour, la même
année, aux Ouvrages de prose et de poésie des sieurs de Maucroix et de La
Fontaine ; le recueil contient des traductions de Platon, Démosthène et
Cicéron par Maucroix et de nouvelles fables et de nouveaux contes de La
Fontaine, qui aura peu attendu pour trousser quelque nouvelle licencieuse.
Nouveau scandale, de plus grande ampleur, à l'Académie : la lecture du poème
Le siècle de Louis Le Grand de Perrault déclenche la Querelle des Anciens et
des Modernes, dans laquelle La Fontaine se range, non sans ambiguïtés, du côté
des Anciens, par une Epître à Monsieur de Soissons, prétexte à une
déclaration de principes littéraires, dont la plus fameuse reste "Mon
imitation n'est point un esclavage".
Les dernières années et les dernières fables (1689-1695)
Une série de
fables est publiée en revue entre 1689 et 1692, qui est rassemblée en 1693 avec
des inédites et celles de 1685, dans un ultime recueil, notre actuel livre XII,
dédié au duc de Bourgogne, fils aîné du Grand Dauphin et à ce titre héritier
présomptif de la Couronne. Entretemps, La Fontaine tombe gravement malade ; on
dispose d'un récit de 1718 du Père Pouget, confesseur de La Fontaine, qui assure
d'une conversion de La Fontaine lors de cette maladie et d'un reniement public
de ses contes devant une délégation de l'Académie. Néanmoins, cet événement ne
figure aucunement sur les registres de l'Académie.
La Fontaine est enterré au cimetière du Père-Lachaise, depuis le transfert de sa
dépouille en 1817, en même temps que celle de Molière.