Joseph de Maistre (1753 − 1821)


Peinture de Karl Vogel von Vogelstein (1810)

À la naissance de Joseph de Maistre, sa famille, originaire du Comté de Nice, était installée en Savoie depuis un siècle environ. Son père était président du Souverain Sénat de Savoie. Aîné de dix enfants, Joseph étudie chez les Jésuites, qui lui inspirent un profond attachement à la religion et le rejet du rationalisme philosophique du XVIIIe siècle. En 1774, il entre dans la magistrature ; il est nommé sénateur en 1788, à l'âge de trente-cinq ans.

Lorsque survient la Révolution française, Joseph de Maistre, qui se trouve à Paris, semble partager l'émotion et l'enthousiasme qui en découlent. Ces réactions changent toutefois très vite, lorsqu'il prend conscience d'une certaine irréversibilité du processus révolutionnaire, et de l'impossibilité de rétablir l'Ancien Régime tel qu'il était avant la Révolution. C’est alors que se renforcent ses idées antidémocratiques et antigallicanes, sa réflexion étant encouragée par la lecture des Réflexions sur la Révolution de France d'Edmund Burke. Maistre s'affirme progressivement comme un ennemi de la Révolution, d'autant que la Savoie est envahie par les armées françaises en 1792.

Il doit alors fuir la Savoie, s'installant à Aoste. En 1793, il est toutefois obligé de revenir en Savoie : il risque en effet, en tant qu'émigré, de se faire confisquer tous ses biens. Il rejoint ensuite Lausanne, où il reste quatre ans et remplit diverses missions pour le compte du duc de Savoie, roi de Sardaigne, tels l'espionnage et le renseignement ; il devait notamment faire venir des Savoisiens et des Piémontais en civil pour accroître l'effectif de l'armée savoisienne, en vue de lutter contre l’armée révolutionnaire. Il reste ainsi à Lausanne jusque 1797, année au cours de laquelle il rejoint Turin.

Fin 1798, la famille de Maistre vit une émigration difficile à Venise, y résidant un an. En 1799, Charles-Emmanuel IV, duc de Savoie et roi de Sardaigne, ordonne à Joseph de Maistre de rejoindre l'île de Sardaigne, lui attribuant le poste de régent de la Chancellerie.

Il sera envoyé trois ans plus tard comme ambassadeur plénipotentiaire à Saint-Pétersbourg. Faiblement soutenu par son gouvernement, que sa franchise gêne parfois, il défend néanmoins les intérêts des Etats de Savoie en Russie avec un certain succès. L'ambassadeur est très apprécié de la bonne société pétersbourgeoise. Pourtant, son séjour en Russie s'achève lorsqu'il est accusé de prosélytisme sous couvert d'immunité diplomatique, accusation s'appliquant plus généralement aux jésuites présents en Russie. Il obtient son rappel à Turin en 1817 : il a alors l'occasion de rendre visite à Louis XVIII à Paris, sur le trajet de Chambéry. Pourtant, bien que toujours fidèle au système monarchique, il est profondément déçu de la Charte concédée par ce dernier, la considérant comme une consécration des conquêtes de la Révolution, alors que Joseph de Maistre attendait l'établissement d'un régime théocratique. Il meurt à Turin le 26 février 1821.

Joseph de Maistre était membre de la loge maçonnique Saint-Jean des Trois Mortiers, à l'Orient de Chambéry, créée en 1749 sous les auspices de la Grande Loge d'Angleterre ; c'est une des premières loges maçonniques créées en Europe continentale (après Paris) ; il entendait concilier son appartenance à la franc-maçonnerie avec une stricte croyance catholique : en outre, il refuse les thèses qui voyaient en la franc-maçonnerie et l'illuminisme les acteurs d'un complot ayant amené à la Révolution. Dès 1774, avec quelques frères de Chambéry avec lesquels il fonde quatre ans plus tard, en 1778, une nouvelle Loge, « La Sincérité », il s'adresse à Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824) à Lyon pour être initié aux enseignements de la maçonnerie illuministe (il est reçu Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte sous le nom de Josephus a Floribus) dans laquelle il puise de nombreux éléments que l'on retrouve ensuite dans son œuvre : providentialisme, prophétisme, réversibilité des peines, etc ; hautement investi dans la vie de cette société initiatique, à la veille du Convent de Wilhelmsbad (1782) il fait d'ailleurs parvenir à Jean-Baptiste Willermoz son célèbre Mémoire au duc de Brunswick. Il entretient par ailleurs une amitié avec Louis-Claude de Saint-Martin, pour lequel il avait une vive admiration, se faisant fort, écrivait-il à sa sœur, « de défendre en tous points l'orthodoxie », d'où son attrait pour le martinisme. Son frère Xavier de Maistre fut également écrivain.