Jean-François Marmontel (1723 – 1799)
Issu d’une famille pauvre, Marmontel fait cependant ses études chez les Jésuites de Mauriac. Une fois achevée sa rhétorique, on veut le placer chez un marchand de Clermont-Ferrand, mais il refuse et parvient à survivre et à faire sa philosophie en servant de répétiteur à de jeunes élèves. Il perd alors son père, et cet événement réduit sa famille au désespoir et à la misère, ainsi qu’il le raconte dans ses Mémoires. Il promet de l’en tirer, et s’installe à Toulouse, où il est pendant plus de seize ans professeur de philosophie du séminaire des Bernardins, envoyant aux siens une partie de son salaire.
Il présente au concours de l’Académie des Jeux floraux une ode sur
l’Invention de la poudre à canon, qui n’est pas distinguée. « Je fus
outré, écrit-il, et dans mon indignation j’écrivis à Voltaire et lui
criai vengeance en lui envoyant mon ouvrage [...] Il me fit une de ces réponses
qu’il tournait avec tant de grâce et dont il était si libéral. Ce qui me flatta
beaucoup plus encore que sa lettre, ce fut l’envoi d’un exemplaire de ses œuvres
corrigé de sa main, dont il me fit présent. » Cet échange marque le début,
entre les deux hommes d’une amitié qui dure trente-cinq ans, sans le moindre
nuage.
Marmontel persévère auprès des Jeux floraux, et finit par remporter les trois
prix en 1745. Il envisage de s’inscrire à la faculté de théologie, mais Voltaire
lui conseille de venir plutôt à Paris. La vente d’une lyre d’argent, que lui a
décernée l’Académie de Montauban, permet de subvenir aux frais du voyage.
À Paris, il connaît d’abord une situation matérielle extrêmement difficile. Il
essaie, mais sans succès, de lancer un journal de littérature intitulé
l’Observateur littéraire. Il est sauvé par l’Académie française qui lui
décerne en 1746 son prix de poésie sur le sujet suivant : « la Gloire de Louis
XIV perpétuée dans le Roi son successeur ». Voltaire part aux devants de la Cour
à Fontainebleau avec quelques douzaines d’exemplaires du poème de Marmontel. « À
son retour, raconte Marmontel, il me remplit mon chapeau d’écus, en me
disant que c’était le produit de la vente de mon poème. »
Désormais tiré d’affaires, Marmontel témoigne de sa reconnaissance à son ami en rédigeant, toujours en 1746, une élogieuse préface pour une édition de La Henriade, préface souvent reprise en tête d’éditions ultérieures de ce poème. L’année suivante, il remporte de nouveau le prix de poésie de l’Académie sur le sujet : « la Clémence de Louis XIV est une des vertus de son auguste successeur ».
Le 5 février 1748, il donne sa première tragédie, Denys le tyran, pièce
authentiquement originale et qui remporte un grand succès : elle a du mouvement,
de l’action, et la peinture de la tyrannie et de son châtiment, bien dans
l’esprit du temps, intéressa le public. Sa pièce suivante, Aristomène
(1749), a également du succès grâce au talent de Mlle Clairon.
En revanche, Cléopâtre (1750) tombe, et est l’occasion d’un mot resté
fameux : au dernier acte, un aspic mécanique, fabriqué par Vaucanson, sort d’un
panier pour aller mordre le sein de la reine d’Égypte ; un spectateur s’écrie « Je
suis de l’avis de l’aspic », déclenchant l’hilarité générale. La pièce
suivante, Les Héraclides (1752), tombe également en raison, selon les
amis de Marmontel, de l’état d’ébriété de Mademoiselle Dumesnil, dans le rôle de
Déjanire. Quant à Égyptus (1753), elle n’a qu’une seule représentation.
Après ce nouvel échec, Marmontel renonce à la tragédie.
Grâce à la protection de Mme de
Pompadour, il obtient en 1753 une place de secrétaire des Bâtiments du Roi. Il
est appelé à conseiller le Roi pour la distribution des pensions accordées sur
le Mercure de France et fait attribuer le privilège de ce périodique à
Louis de Boissy, à qui il succède en 1758. C’est dans le Mercure qu’il
publie ses Contes moraux, qui rencontrent un immense succès.
Chez Marie-Thérèse Geoffrin, il récite une satire contre le duc d'Aumont dont il
refuse de dénoncer l’auteur, ce qui lui vaut d’être emprisonné onze jours à la
Bastille et lui fait perdre le privilège du Mercure.
En 1760, l’Académie française distingue son Épître aux poètes sur les
charmes de l’étude et, en 1763, elle l’élit au nombre de ses membres.
En 1767, il publie son roman Bélisaire, qui est censuré par la Sorbonne
en raison du chapitre XV, qui vante la tolérance religieuse. L’archevêque de
Paris, Mgr Christophe de
Beaumont, condamne l’ouvrage dans un mandement qu’il fait lire au prône de
toutes les églises du diocèse. Cette censure et ces condamnations ne font que
contribuer au succès de l’ouvrage, que défendent les Philosophes.
Marmontel est nommé historiographe de France en 1771. Il prend le parti de
Niccolò Vito Piccinni dans la querelle qui l’oppose à Christoph Willibald Gluck,
et compose contre ses adversaires une satire en onze chants intitulée
Polymnie. Il publie Les Incas (1778), roman qui stigmatise
l’esclavage et remporte également un vif succès. À la mort de D’Alembert en
1783, il devient Secrétaire perpétuel de l’Académie française. Lors de la
création du Lycée en 1786, il reçoit la chaire d’histoire. En 1787, il rassemble
un volume, sous le titre d’Éléments de littérature, les articles qu’il a
publiés dans l’Encyclopédie, en les étendant et en les améliorant.
Sous la Révolution, après la suppression des académies, il se retire près
d’Évreux. Sous le Directoire, il est nommé au Conseil des Anciens par les
électeurs de l’Eure. Se rangeant parmi les modérés, il est proscrit au 18
fructidor, mais il n’est pas déporté et rentre dans sa retraite à Habloville
(hameau de Saint-Aubin). Il ne tarde pas à mourir, en 1799.