Joseph Priestley (1733 − 1804)

 

 


Priestley par Ellen Sharples en 1794

 

Joseph Priestley est un théologien, prêtre dissident, philosophe naturel, pédagogue, et théoricien de la politique britannique qui publia plus de 150 ouvrages. Il est aussi connu pour ses travaux de chimiste et de physicien. On lui attribue généralement la découverte de l'oxygène, qu'il a isolé dans son état gazeux, bien que Carl Wilhelm Scheele et Antoine Lavoisier en aient également revendiqué la paternité.

De son vivant, la réputation scientifique de Priestley repose sur sa découverte de l'eau gazeuse, ses traités sur l'électricité, et ses études sur les différents « airs » (gaz), le plus connu étant celui que Priestley baptise l' « air déphlogistiqué » (oxygène). Cependant, la détermination de Priestley à défendre la théorie phlogistique et son rejet de ce qui allait être la révolution chimique l'isola au sein de la communauté scientifique.

Les recherches scientifiques de Priestley sont partie intégrante de sa réflexion théologique, et de manière constante il cherche à proposer une synthèse entre rationalisme des Lumières et théisme chrétien. Dans ses textes métaphysiques, Priestley tente de combiner le théisme, le matérialisme et le déterminisme, un projet que l'on juge « audacieux et original ». Il estime que la bonne compréhension du monde naturel, fera progresser l'être humain et entraînera, éventuellement, l'avenue du millénarisme. Priestley, qui croit fermement en un échange d'idées libre et ouvert, plaide pour la tolérance religieuse et l'égalité des droits pour les dissidents religieux, ce qui l'amène à apporter son soutien à la fondation de l'Unitarisme en Angleterre. La nature controversée des publications de Priestley combinée avec son franc soutien à la Révolution française lui vaut d'éveiller la suspicion du public et du gouvernement, il est finalement contraint de se réfugier aux États-Unis, après qu'une foule ait brûlé sa maison et son église en 1791.

Chercheur et enseignant tout au long de son existence, Priestley apporte également d'importantes contributions à la pédagogie, notamment par la publication d'un ouvrage sur la grammaire anglaise et l'invention de l'historiographie moderne. Ces écrits sur l'éducation sont parmi les œuvres les plus populaires de Priestley. C'est cependant ses travaux métaphysiques qui ont l'influence la plus durable : des philosophes de renom, comme Jeremy Bentham, John Stuart Mill, Herbert Spencer les citent comme références principales de l'utilitarisme.

 

 

Priestley est né dans une famille dissidente de l'Église d'Angleterre à Birstall, non loin de Batley dans la région historique du West Riding of Yorkshire. Il est l'aîné des six enfants de Mary Swift et Jonas Priestley, contremaître dans une manufacture de textiles. Afin de soulager sa mère, Priestley est confié à son grand-père vers l'âge d'un an. Après la mort de sa mère, cinq ans plus tard, il retourne chez lui. Quand son père se remarie en 1741, Priestley va vivre chez son oncle et sa tante, riches et sans enfant, Sarah et John Keighley. Priestley étant précoce (à l'âge de quatre ans, il savait réciter sans hésiter les 107 questions et réponses du Westminster Shorter Catechism), sa tante qui le voit bien entrer dans les ordres, fait en sorte qu'il reçoive la meilleure éducation. Durant sa jeunesse, Priestley est inscrit dans les écoles de la région où il apprend le grec, le latin et l'hébreu.

Vers 1749, Priestley tombe sérieusement malade et croit qu'il va bientôt mourir. Élevé dans la foi calviniste, il pense qu'il faut avoir expérimenté la conversion au christianisme pour assurer son salut et doute qu'il ait vécu une telle expérience. Ce bouleversement émotionnel le mène finalement à remettre en question son éducation théologique et lui fait rejeter la thèse de la prédestination et accepter celle du salut universel. De ce fait, les anciens de sa paroisse refusent de l'admettre parmi eux.

Les séquelles de sa maladie sont un bégaiement permanent, aussi Priestley abandonne-t-il l'idée d'entrer dans les ordres. Afin de pouvoir rejoindre un membre de sa famille commerçant à Lisbonne, il étudie le français, l'italien et l'allemand en plus du chaldéen, du syrien et de l'arabe. C'est le révérend George Haggerstone qui l'aide dans cette tâche et lui enseigne les rudiments des mathématiques, de la philosophie naturelle, de la logique et de la métaphysique à travers les travaux d'Isaac Watts, Willem Gravesande et John Locke.

Priestley décide cependant de revenir à ses études théologiques et s'inscrit, en 1752, à Daventry, une académie dissidente. Parce qu'il a déjà beaucoup lu et appris, il est autorisé à sauter les deux premières années. Il poursuit avec ardeur ses études, ce qui, de concert avec l'atmosphère libérale de l'école, oriente sa théologie plus à gauche et fait de lui un dissident rationaliste, détestant les dogmes et le mysticisme religieux. Les Dissidents rationalistes mettent l'accent sur l'analyse rationnelle de la nature et de la Bible.

Priestley va écrire plus tard que le livre qui l'influença le plus, à l'exception de la Bible, fut Observations on Man de David Hartley paru en 1749. Les traités psychologiques, philosophiques et théologiques de Hartley postulent une philosophie matérielle de l'esprit. Hartley vise à construire une philosophie chrétienne dans laquelle « faits » religieux et moraux peuvent être prouvés scientifiquement, un but qui va occuper Priestley jusqu'à la fin de son existence. Lors de sa troisième année à Daventry, Priestley décide de se consacrer au ministère, qu'il décrit comme « la plus noble de toutes les professions ».

Robert Schofield, le principal biographe moderne de Priestley, décrit son premier « appel », en 1755, pour une paroisse dissidente à Needham Market dans le Suffolk, comme une « erreur », aussi bien pour Priestley que pour la congrégation. Priestley aspire à une vie urbaine et au débat théologique, alors que Needham Market est une petite ville rurale avec une congrégation attachée à la tradition. La fréquentation et les dons chutent brusquement lorsque ses paroissiens découvrent l'étendue de son hétérodoxie. Bien que sa tante lui ait promis son soutien s'il devenait ministre du culte, elle lui refuse son aide lorsqu'elle réalise qu'il n'est plus calviniste. Pour gagner un peu mieux sa vie, Priestley propose d'ouvrir une école, mais les familles du voisinage l'informent qu'elles refusent d'y envoyer leurs enfants. Il donne aussi une série de conférences scientifiques intitulées Use of the Globes qui ont plus de succès.

Les amis de Priestley à Daventry l'aident à obtenir un autre poste et, en 1758 il s'installe à Nantwich, dans le Cheshire, son existence y est plus heureuse. La congrégation s'intéresse moins à son hétérodoxie et il parvient à fonder une école. Contrairement à de nombreux instituteurs de l'époque, Priestley enseigne à ses élèves la philosophie naturelle et leur achète même des instruments scientifiques. Atterré par la qualité des ouvrages de grammaire anglaise à sa disposition, il écrit son propre ouvrage The Rudiments of English Grammar (rudiments de la grammaire anglaise) en 1761. Ses innovations dans la description de la grammaire anglaise, en particulier ses efforts visant à la dissocier de la grammaire latine, ont conduit les universitaires du XXe siècle à le décrire comme « l'un des plus grands grammairiens de son époque ». Après la publication de son Rudiments et de la réussite de son école, la Warrington Academy lui offre un poste d'enseignant en 1761.

En 1761, Priestley s'installe à Warrington pour y prendre son poste d'enseignant en langues modernes et rhétorique à l'Academy, bien qu'il préférerait enseigner les mathématiques et la philosophie naturelle. Il s'intègre bien à Warrington et s'y fait rapidement des amis. Le 23 juin 1762, il épouse Mary Wilkinson de Wrexham. À propos de son mariage, Priestley écrit :

« Cela s'est avéré une très convenable et heureuse occasion, mon épouse étant une femme d'une excellente compréhension, bien formée par la lecture, d'une grande force d'âme et d'esprit, et d'un tempérament affectueux et généreux au plus haut degré; ayant de très forts sentiments pour les autres, et très peu pour elle-même. Ainsi qu'excellant en toutes les affaires relatives au ménage, ce qui me permit d'offrir tout mon temps à la poursuite de mes études, et aux autres devoir de ma charge. »

Le 17 avril 1763, ils ont une fille qu'ils baptisent Sarah comme la tante de Priestley.

Tous les livres publiés par Priestley à Warrington soulignent l'étude de l'histoire; Priestley la juge essentielle pour la réussite matérielle ainsi que pour l'accomplissement religieux. Il écrit l'histoire des sciences et du christianisme dans un effort visant à révéler les progrès de l'humanité et, paradoxalement, la perte d'un pur, « christianisme primitif ».

Dans ses Essay on a Course of Liberal Education for Civil and Active Life (1765)[22], Lectures on History and General Policy (1788) et d'autres ouvrages, Priestley fait valoir que l'éducation de la jeunesse doit anticiper leurs besoins matériels futurs. Ce principe d'utilité guide son choix d'un programme non conventionnel pour ses étudiants de Warrington qui aspire à intégrer la classe moyenne. Il recommande l'étude des langues modernes plutôt que classiques et l'histoire moderne, plutôt que de l'ancienne. Les conférences de Priestley sur l'histoire sont vraiment révolutionnaires, il parle d'une histoire providentialiste et naturaliste, en faisant valoir que l'étude de l'histoire fait avancer la compréhension des lois naturelles de Dieu. En outre, sa perspective millénariste, est étroitement liée à son optimisme concernant les progrès scientifiques et l'accomplissement de l'humanité. Il estime que chaque époque génération est meilleure que la précédente et que l'étude de l'histoire permet aux gens de percevoir et de faire avancer ce progrès. Alors que l'étude de l'histoire est un impératif moral pour Priestley, il préconise également l'éducation des femmes de la classe moyenne, ce qui est inhabituel à l'époque. Certains spécialistes de l'éducation décrivent Priestley comme l'écrivain anglais le plus important dans le domaine de l'éducation, entre John Locke au XVIIe siècle et Herbert Spencer au XIXe siècle. Lectures on History est bien accueillit et est employé par de nombreux établissements d'enseignement, tels que le New College de Hackney, Brown, Princeton, Yale et Cambridge. Priestley conçoit deux diagrammes pour servir de de soutien visuel à ses conférences. Tous deux restent populaires pendant des décennies, et les administrateurs de Warrington sont si impressionnés par les conférences et les diagrammes de Priestley, qu'ils conviennent que l'université d'Édimbourg lui décerne un doctorat en droit, en 1764.

L'atmosphère intellectuelle stimulante de Warrington, que l'on surnomme fréquemment l'« Athènes du nord », au cours du XVIIIe siècle, encourage l'intérêt croissant de Priestley pour la philosophie naturelle. Il donne des conférences sur l'anatomie et réalise des expériences sur la température avec un autre professeur de Warrington, son ami John Seddon. Priestley, malgré un horaire chargé, décide de rédiger une histoire de l'électricité. Des amis lui présentent les principaux chercheurs de ce domaine en Grande-Bretagne, John Canton, William Watson et un visiteur, Benjamin Franklin, qui encouragent Priestley à réaliser les expériences qu'il veut inclure dans son historique. Tout en répliquant les expériences des autres, Priestley est intrigué par des questions restées sans réponse et entreprend alors ses propres expériences. (Impressionnés par ses diagrammes et le manuscrit de son histoire de l'électricité, canton, Franklin, Watson, et Richard Price proposent Priestley pour une bourse de la Royal Society; il l'obtient en 1766.)

En 1767, les 700 pages de The History and Present State of Electricity (L'histoire et l'état actuel de l'électricité) sont publiées et reçoivent des commentaires positifs. La première moitié du texte est une histoire de l'étude de l'électricité jusqu'en 1766, la seconde et plus influente est une description des théories contemporaines sur l'électricité et des suggestions pour de futures recherches. Priestley mentionne certaines de ses propres découvertes dans la deuxième section, telles que la conductivité du charbon de bois et autres substances, ainsi que le continuum entre conducteurs et isolants.

Cette découverte bouleverse ce qu'il décrit comme « l'une des premières et plus universelles idées reçues concernant l'électricité », que seule l'eau et les métaux sont conducteurs. Cette expérience et d'autres sur les propriétés électriques des matériaux et sur les effets électriques des transformations chimiques, montre l'intérêt croissant de Priestley sur la relation entre substances chimiques et électricité. Sur la base d'expériences avec des sphères chargées électriquement, Priestley est également le premier à proposer que la force électrique suit une loi en carré inverse, semblable à la loi de Newton sur la gravitation universelle. Cependant, il n'élabore pas la formule elle-même, qui sera énoncée dans les années 1780 par le physicien français Charles Augustin de Coulomb et connue depuis sous le nom de « loi de Coulomb ».

La grande force de Priestley en tant que philosophe naturel est basée sur la qualité plus que sur la quantité de ses recherches. Son étude sur le « courant d'air » entre deux points chargés électriquement, par exemple, sera repris plus tard par Michael Faraday et James Clerk Maxwell lors de leur recherches sur l'électromagnétisme. Le texte de Priestley devient durant un siècle l'ouvrage de référence sur l'histoire de l'électricité; Alessandro Volta (qui inventa la pile électrique), William Herschel (qui découvrit le rayonnement infrarouge) et Henry Cavendish (qui découvrit l'hydrogène), tous se fient à lui. Priestley écrit aussi une version populaire de son History of Electricity pour le grand public, intitulée A Familiar Introduction to the Study of Electricity en 1768.

Peut-être contraint par la santé fragile de Mary Priestley, ou en raison de problèmes financiers, ou désireux de s'imposer à la communauté qui le rejeta dans sa jeunesse, Priestley quitte Warrington et s'installe avec sa famille à Leeds en 1767. Il y devient ministre du culte de la Mill Hill Chapel. Les Priestley y célèbrent la naissance de deux fils: Joseph junior le 24 juillet 1768 et William trois ans plus tard. Theophilus Lindsey, recteur à Catterick, devient l'un des rares amis de Priestley à Leeds, qui écrit à son sujet : « J'ai choisi de ne jamais rien publier, à ce moment, concernant la théologie sans le consulter. » Bien que Priestley ait de la famille éloignée vivant à proximité de Leeds, il ne semble pas qu'ils aient communiqué. Schofield suppute qu'ils le considéraient comme un hérétique. Chaque année, Priestley se rend à Londres pour s'entretenir avec son ami proche et éditeur, Joseph Johnson, et pour participer aux réunions de la Royal Society.

Bien que Priestley affirme que la philosophie naturelle n'est qu'un passe-temps, il le prend au sérieux. Dans son History of Electricity, il décrit le scientifique en tant que promoteur de la « sécurité et du bonheur du genre humain ». La science de Priestley est éminemment pratique et il ne s'encombre que rarement de questions théoriques, son modèle est Benjamin Franklin. Quand il s'installe à Leeds, Priestley poursuit ses expériences électriques et chimiques (ces dernières favorisées par un approvisionnement régulier en dioxyde de carbone provenant d'une brasserie voisine). Entre 1767 et 1770, il présente cinq documents à la Royal Society sur de premières expériences, les quatre premiers articles explorent l'effet corona et d'autres phénomènes liés aux décharges électriques, tandis que le cinquième est un rapport sur la conductivité du charbon provenant de différentes sources. Ses expériences subséquentes se concentrent sur la chimie et de l'énergie pneumatique.

Priestley publie le premier volume de son projet d' « histoire de la philosophie expérimentale », The History and Present State of Discoveries Relating to Vision, Light and Colours (considéré comme son traité d'optique et auquel il est souvent fait référence en anglais comme son Optics), en 1772. Il accorde une attention toute particulière à l'histoire de cette matière et y présente d'excellentes explications des premières expériences d'optique, mais ses lacunes en mathématiques lui font rejeter plusieurs théories contemporaines importantes. En outre, il n'y inclut pas de sections pratiques qui ont rendu son History of Electricity si utile à la pratique des philosophes naturels. Contrairement à son History of Electricity, l'ouvrage de devient pas populaire et n'est l'objet que d'une seule édition. Il reste cependant le seul livre en anglais sur le sujet pendant 150 ans. Le texte écrit à la hâte se vend mal, les coûts de la recherche, de l'écriture et de la publication d'Optics incitent Priestley à renoncer à son « histoire de la philosophie expérimentale »

On envisage d'offrir à Priestley le poste d'astronome de la Seconde expédition de James Cook dans la mer du Sud, mais on lui préfère finalement William Wales. Il contribue cependant un peu à l'expédition en enseignant à l'équipage la marche à suivre pour fabriquer de l'eau gazeuse, qu'il pense à tort être un remède contre le scorbut. Il publie ensuite un pamphlet intitulé Directions for Impregnating Water with Fixed Air (1772), qui n'est autre que la méthode permettant de gazéifier de l'eau. Si Priestley n'exploite pas le potentiel commercial de son invention, d'autres, comme Johann Jacob Schweppe (1740-1821), avec son fameux Schweppes, vont faire fortune avec ce procédé. En 1773, la Royal Society reconnait la valeur des travaux de Priestley en lui décernant la Médaille Copley.

Les amis de Priestley, inquiets de sa situation financière, désirent lui trouver une source de revenus plus sure. En 1772, à la demande de Richard Price et de Benjamin Franklin, Lord Shelburne écrit à Priestley lui demandant de diriger l'éducation des ses enfant et de devenir son conseillé. Bien que Priestley soit réticent à sacrifier son ministère, il accepte ce poste, démissionnant de Mill Hill Chapel le 20 décembre 1772 et prononçant son dernier sermon le 16 mai 1773.

Les années que passent Priestley à Calne sont les seules de son existence dominée par les investigations scientifiques, elles sont également les plus fructueuses dans ce domaine. Ses expériences sont été presque entièrement consacrées aux « airs », et conduisent à la publication de ses plus importants textes scientifiques : les six volumes d'Experiments and Observations on Different Kinds of Air (1774–86). Ces expériences contribuent à répudier les derniers vestiges de la théorie des Quatre éléments, que Priestley tente de remplacer par sa propre variante de la théorie phlogistique. Selon la théorie du XVIIIe siècle, la combustion ou oxydation d'une substance correspond à la libération d'une substance, le « phlogistique ».

Les travaux sur les « airs » de Priestley ne sont pas aisément classifiables. En tant qu'historien des sciences Simon Schaffer écrit, ils « ont été vus comme une branche de la physique, ou de la chimie, ou comme une version hautement idiosyncratique des inventions de Priestley ». Qui plus est, les ouvrages sont une entreprise scientifique aussi bien que politique pour Priestley, dans lesquels il affirme que la science peut détruire « l'autorité usurpée et excessive » et que le gouvernement a « raison de trembler, même devant une pompe à air ou une machine électrique ».

Le Volume I, d'Experiments and Observations on Different Kinds of Air, décrit plusieurs découvertes : nitrous air (monoxyde d'azote, NO); vapor of spirit of salt, baptisée plus tard « air acide » ou « air acide marin » (chlorure d'hydrogène, HCl); alkaline air (ammoniac, NH3); diminished ou dephlogisticated nitrous air (protoxyde d'azote, N2O); et le plus fameux, dephlogisticated air (oxygène, O2) ainsi que d'autres résultats expérimentaux qui conduiront à la découverte de la photosynthèse. Priestley développe également un « test de l'air nitreux » afin de déterminer la « qualité de l'air ». Avec une pompe à air, il mélange de l'« air nitreux » avec un échantillon test, au-dessus d'eau ou de mercure, et mesure la diminution du volume; le principe de l'eudiomètre. Après une courte partie sur l'histoire des airs, il explique ses propres expériences dans un style ouvert et sincère. Comme l'écrit un de ses premiers biographes, « tout ce qu'il sait ou pense, il le dit : les doutes, les incertitudes, les erreurs sont mentionnées avec la plus rafraîchissante franchise ». Priestley y décrit également ses appareils expérimentaux, bon marché et faciles à assembler, ses collègues pourront ainsi, estime-t-il donc, plus facilement reproduire ses expériences. Confronté avec des résultats expérimentaux incohérents, Priestley employe la théorie phlogistique. Ce qui l'amène à la conclusion qu'il n'existe que trois type d'« airs » : fixed, alkaline et acid. Priestley rejette l'essor de la chimie à son époque. Au lieu de cela, il se concentre sur les gaz et les « changements dans leurs propriétés sensibles », comme l'ont fait avant lui les autres philosophes naturels. Il isole le monoxyde de carbone (CO), mais apparemment, ne se rend pas compte que c'est un « air » différent.

En août 1774, il isole un « air » qui semble être tout à fait nouveau, mais il n'a pas le temps d'en poursuivre l'étude car il doit partir pour son tour d'Europe avec Shelburne. Cependant, alors qu'il se trouve à Paris, Priestley tente de présenter son expérience à d'autres, dont le chimiste français, Antoine Lavoisier. Après son retour en Grande-Bretagne en janvier 1775, il reprend ses expériences et découvre le vitriolic acid air (dioxyde de soufre, SO2).

En mars il écrit à plusieurs personnes au sujet du « nouvel air » qu'il a découvert en août dernier. L'une de ces lettres est lue en séance de la Royal Society et un article présentant la découverte, intitulé An Account of further Discoveries in Air, est publié dans le journal de la Société, le Philosophical Transactions[95]. Priestley a nommé la nouvelle substance dephlogisticated air. Il l'a produite en concentrant les rayons du soleil sur un échantillon d'oxyde de mercure. Il la teste en premier sur une souris, qui le surprend en survivant alors qu'elle est confinée avec cet « air », puis sur lui-même, écrivant qu'il est « cinq ou six fois meilleur que l'air habituel pour la respiration, l'inflammation, et, je le pense, que tout autre usage de l'air atmosphérique habituel ». Il vient de découvrir le gaz oxygène (O2).

Priestley réunit ses articles sur l'oxygène et quelques autres dans un second volume d' Experiments and Observations on Air, publié en 1776. Il n'insiste pas sur sa découverte du dephlogisticated air (laissant cela pour la troisième partie de l'ouvrage) mais soutient plutôt dans la préface combien ces découvertes sont importantes pour la religion rationnelle. Son exposé raconte la découverte par ordre chronologique, relatant les longs délais entre les expériences et de ses premières perplexités. Il est donc difficile de déterminer à quel moment exact, Priestley, a « découvert » l'oxygène. Cette date est importante car aussi bien Lavoisier que le pharmacien suédois Carl Wilhelm Scheele ont vivement revendiqué cette découverte; Scheele pour avoir été le premier à isoler le gaz (même si il a publié après Priestley) et Lavoisier pour avoir été le premier à le décrire comme air purifié « sans changement et sans altération » (il est le premier à expliquer l'oxygène sans recours à la théorie phlogistique).

Dans sa publication Observations on Respiration and the Use of the Blood, Priestley est le premier à suggérer un relation entre le sang et l'air, bien qu'il le fasse en s'appuyant sur la théorie phlogistique. Selon sa méthode habituelle, il préface son ouvrage par un historique de l'étude de la respiration. Un an plus tard, clairement influencé par Priestley, Lavoisier débat également de la respiration à l'Académie des Sciences. Les travaux de Lavoisier débutent une longue chaîne de découvertes qui vont aboutir à la publication d'ouvrages sur la respiration de l'oxygène et culmineront par un renversement de la théorie phlogistique et la mise en place de la chimie moderne.

Vers 1779, se produit la rupture entre Priestley et Shelburne, pour des raisons qui demeurent obscures. Shelburne reproche à Priestley son état de santé, alors que Priestley affirme que Shelburne n'a simplement plus besoin de lui. Certains contemporains émettent l'hypothèse que le franc-parler de Priestley nuit à la carrière politique de Shelburne. Schofield fait valoir que la raison la plus probable est le récent mariage de Shelburne avec Louisa Fitzpatrick, qui apparemment, n'aimait pas les Priestley. Bien que Priestley examine la possibilité de s'installer en Amérique, il accepte finalement l'offre de la congrégation de Birmingham New Meeting pour devenir son ministre du culte.

Beaucoup d'amis que Priestley se fait à Birmingham sont membres de la Lunar Society, un groupe d'industriels, d'inventeurs, de philosophes naturels qui se réunissent chaque mois pour discuter de leurs travaux. Le noyau du groupe comprend des hommes tels que l'industriel de Matthew Boulton, le chimiste et géologue James Keir, l'inventeur et ingénieur James Watt, ou le botaniste, chimiste et géologue William Withering. Priestley est invité à se joindre à eux et contribue beaucoup aux travaux de ses membres. Cet environnement intellectuel stimulant, l'amène à publier plusieurs articles scientifiques, notamment Experiments relating to Phlogiston, and the seeming Conversion of Water into Air (1783). La première partie tente de réfuter les arguments de Lavoisier concernant ses travaux sur l'oxygène, la seconde partie décrit la façon dont la vapeur est « convertie » en l'air. Après avoir réalisé plusieurs variantes de l'expérience, avec différentes matières comme carburant, et plusieurs dispositifs de collecte (qui produisent des résultats différents), il en conclu que l'air peut voyager au travers de plus de substances qu'il ne l'a précédemment supposé, une conclusion « contraire à tous les principes connus de l'hydrostatique ». Cette découverte, ainsi que ses travaux antérieurs sur ce qui sera plus tard connu comme la diffusion gazeuse, va amener John Dalton et Thomas Graham à formuler la théorie cinétique des gaz.

En 1777, Antoine Lavoisier a publié ses Réflexions sur le phlogistique pour servir de suite à la théorie de la combustion et de la calcination, le premier de ce qui s'est avéré être une série d'attaques contre la théorie phlogistique; c'est contre ces attaques qui Priestley répond en 1783. Alors que Priestley accepte une partie des théories de Lavoisier, il n'est pas prêt à approuver la grande révolution proposée par ce dernier : le renversement du phlogistique, chimie conçu autour des éléments et de leurs composés, ainsi qu'une nouvelle nomenclature chimique. Les expériences originales de Priestley sur le dephlogisticated air (oxygène), la combustion et l'eau ont fourni les données dont Lavoisier a besoin pour construire la plus grande partie de sa théorie, mais Priestley ne va jamais accepter les nouvelles théories de celui-ci et continuer à défendre la théorie phlogistique tout au long de son existence. Le concept de Lavoisier est largement basé sur le concept « quantitatif » que la masse n'est ni créée ni détruite par les réactions chimiques (principe de conservation de la masse). En revanche, Priestley a préféré observer des changements « qualitatifs » de chaleur, de couleur et, en particulier, de volume. Ses expériences examine les « airs » pour « leur solubilité dans l'eau, leur pouvoir d'entretenir ou d'éteindre une flamme, si ils sont respirables, comment ils se comportent en présence d'airs acides ou alcalins ou avec de l'oxyde nitrique et des airs inflammables, et enfin comment ils sont affectés par une étincelle ».

Le refus de Priestley, d'accepter la « nouvelle chimie » de Lavoisier ; comme la conservation de la masse ; et sa détermination à adhérer à une théorie moins satisfaisante, a rendu perplexe de nombreux chercheurs. Schofield l'explique ainsi : « Priestley ne fut jamais un chimiste; au sens moderne ni même au sens « lavoisien » du terme, il ne fut jamais un scientifique. Il était un philosophe naturel, soucieux de l'économie de la nature et obsédé par l'idée d'unité, dans la théologie et dans la nature. » L'historien des sciences John McEvoy approuve largement, décrivant la vision de Priestley sur la nature comme coextensive avec Dieu et donc infinie, ce qui l'encourage à se concentrer sur les faits plutôt que sur des hypothèses et des théories, ce qui l'amena à rejeter le système de Lavoisier. McEvoy fait valoir que « l'opposition isolée et solitaire de Priestley à la théorie de l'oxygène permet de mesurer sa passion pour les principes de la liberté intellectuelle, de l'égalité épistémique et de l'étude critique.» Priestley lui-même affirme dans le dernier volume Experiments and Observations que ses travaux les plus précieux sont théologiques, car ils sont « supérieur [en] dignité et importance ».