Antoine de Sartine (1729 – 1801)
Son père, Antoine Sartine ou Sardine, bourgeois de Lyon, fils d'épicier devenu financier, est établi en Espagne au début du XVIIIe siècle où il jouit des faveurs de Philippe V. Chargé du ravitaillement des troupes françaises pendant la guerre de Succession d'Espagne, il en vient à siéger au conseil des finances du roi, qui lui accorde le titre de chevalier. Il est nommé comme Intendant en Catalogne. Il prend pour épouse Catherine Wilts, comtesse d'Alby, dame d'honneur de la reine d'Espagne, fille de Charles Wilts secrétaire d'État pour le Royaume d'Irlande.
Antoine Raymond de Sartine fut envoyé en formation auprès de Charles Colabeau,
homme d'affaires et ami de son père. Il obtient des lettres de nationalité en
1752, achète la charge de lieutenant criminel au Châtelet la même année, est
anobli en 1755, et enfin épouse, en 1759, la petite-fille de Charles Colabeau,
Marie-Anne Hardy du Plessis. Après cela, bien vu en cour, il est nommé
successivement aux offices de Lieutenant général de police (du 22 novembre au
mois de mai 1774), de maître des requêtes (9-12-1759), et quelques années plus
tard de directeur de la Librairie (1763 – 1774). En 1767, il est fait conseiller
d'Etat.
S'attachant à améliorer les services de la capitale, notamment ceux de
l'approvisionnement (il active la construction de la halle au blé), de
l'éclairage, il fait établir des lanternes à réverbère ainsi que la sécurité
publique, Sartine fait de Paris le modèle des capitales européennes. Il
substitue également aux tripots clandestins des maisons de jeu surveillées par
ses agents et taxées au profit du fisc. Excellent administrateur et politique
habile, Sartine pris à bras le corps les problèmes d’hygiène,
d’approvisionnement et de police en général lors de sa lieutenance. Les papiers
à la main lui prêtent des manœuvres occultes, l'accusant d'avoir entretenu un
« cabinet noir » et nombres d'ouvrages révolutionnaires devaient lui supposer un
réseau d'espionnage dans la capitale. Ainsi, pour Pierre Manuel :
« lorsque le libertin Sartine poursuivait les citoyens
jusques sous leurs toits tutélaires qu’il épiait même les secrets honteux de
leurs nuits, ce n'était que pour égayer un roi, plus libertin encore, de toutes
les nudités du vice ; c'était pour fournir à son maître des exemples et des
excuses, comme si son autorité et sa conscience en avaient eu besoin ! »
Proche du « parti Choiseul », il accède au Secrétariat d’État à la Marine
en 1774, place qu'il occupe jusqu'en 1780. Sous son ministère, il tente de
rationaliser l'administration de la Marine. Ainsi, il s'intéresse de près aux
fonderies en créant en particulier celle de l'Indret. Il confie au chevalier de
Fleurieu la direction des ports et des arsenaux royaux. Sartine entreprend là
aussi de grandes réformes mise aux points par sept ordonnances 1776. La haute
main sur la Marine est donnée aux officiers au détriment des administrateurs
civils. Les constructions navales sont activement poussées. Enfin la qualité du
corps des officiers recruté surtout dans la noblesse, est même considérablement
améliorée. Cette politique devait porter ses fruits lors de la guerre
d'indépendance américaine dans laquelle il mit à profit son expérience du
renseignement acquise dans la Police. Les historiens évoquent une « phase
Sartine » qui aurait précédée une « phase Castries » dans la chronologie des
opérations militaires.
Mais Sartine ne sait endiguer le gaspillage de ses officiers et en 1780, accusé
par Necker de détournement dans les caisses de l'État - on parle d'une somme de
vingt millions - il est disgracié le 14 août de la même année par Maurepas. Le
roi lui accorde néanmoins une gratification de 150 000 livres et une pension de
70 000 livres.
Détesté pour son usage « arbitraire » des Lettres de cachet, stigmatisé par les
libellistes, inquiété par les événements de 1789, il émigre dès 1790 en Espagne
où il meurt sans revoir la France. Il évite ainsi le sort de son fils,
Charles-Louis-Antoine de Sartine, et de sa bru restés à Paris, guillotinés sur
l'échafaud le 29 prairial an II (17 juin 1794).