Construction de nouvelles disciplines scolaires
La physique particulière

A l'inverse de ce qu'on rencontrait dans les collèges de l'Ancien Régime, chaque phénomène est étudié indépendamment du corps qui le produit ou auquel il est associé. L'astronomie remplace l'étude des corps célestes, le feu (ou calorique) l'étude des corps combustibles, le magnétisme ou l'électricité supplantant l'étude des corps terrestres. L'étude de l'air est celle de la pression atmosphérique et sa mesure, accompagnée de questions météorologiques (vents, météores, ...). Le son et les instruments de musique lui font suite, comme air en mouvement : "[...] l'air [étant] le véhicule du son, et le son [une] émotion de l'air qui se rend sensible à l'organe auditif [...]" (Letourneau, école centrale d'Angoulême). Les chapitres se succèdent ensuite dans un ordre variable : astronomie, eau, feu ou calorique, lumière. Dans tous les cas, le magnétisme et l'électricité terminent la physique, la "chimie" (cette appellation n'est pas généralisée et la chimie reste souvent diffuse) étant parfois intercalée vers la fin du cours de physique. Les objets de l'astronomie physique sont décrits, sans calculs, mais toujours avec un historique des "systèmes du monde" ayant pour objectif d'appuyer la théorie newtonienne en détrônant les conceptions obsolètes. Le chapitre "feu" s'intitule aussi Chaleur ou Calorique. Il traite de la théorie des "éponges de chaleur", ou encore du fluide subtil qui "pénètre et dilate les corps, écartant les molécules contre l'air qui s'oppose" (Boisset, école centrale de Chambéry). La confusion entre chaleur et température n'est pas levée : "[La chaleur est la] sensation produite par l'accumulation de calorique [...] en tant qu'elle peut affecter le thermomètre." (Derrien, école centrale de Quimper). Selon que l'approche est davantage orientée sur les propriétés physiques ou sur les combustions, le chapitre traite de la calorimétrie et des changements d'états de l'eau, ou de la définition de feu comme calorique combiné ; notons que le calorique "libéré" est, par différence, celui que l'on mesure par la méthode du puits de glace mise au point par Lavoisier, et connue des professeurs.

Pour la lumière, les professeurs présentent les théories en cours, émission ou réception, en indiquant leur incapacité à trancher entre les deux. En revanche, l'étude de l'optique apparaît comme un champ bien déterminé avec l'optique géométrique et les lois (la catoptrique, la dioptrique) dont l'étude de l'œil et de la vision sont les applications, ainsi que celle des instruments d'optique.

Le magnétisme et l'électricité sont des sciences encore peu constituées. Les cours en présentent les premières notions : manifestations de l'aimant, procédés d'aimantation, boussole puis électrisation par frottement et premiers concepts d'électrostatique (corps idioélectriques ou isolateurs, et anélectriques ou conducteurs). Bien qu'assez nouvelle, la loi de Coulomb est présentée sous sa forme mathématique. On étudie aussi les décharges électriques avec bouteille de Leyde, le pouvoir des pointes et le paratonnerre. A cette occasion, les deux théories en présence - celle du fluide unique de Franklin et d'Aepinius, et celle des deux fluides proposée par Haüy - sont évoquées, mais sans prendre parti. Il s'agit toujours d'exposés illustrés d'expériences, sans calculs.
Le galvanisme (production d'électricité par la pile de Volta, puis électrocinétique au XIX^ème siècle) n'est jamais abordé sauf par Meaume qui est le seul à en parler : "[...] c'est une irritabilité produite par le contact de différents métaux sur des parties animales, en qui tout sentiment de vie semblait éteint : le galvanisme est ainsi appelé du nom de Galvani, le premier qui a fait l'observation de ce singulier phénomène." Ce champ de recherche est encore mal connu, et "mieux vaut avouer l'ignorance que de mal l'expliquer". Meaume ayant suivi les cours de l'Ecole polytechnique, est donc au courant de cette découverte récente qu'il présente sans en connaître la théorie.