Des
limites à la connaissance ?
Le savoir de
l’homme est-il sans fin ? Faut-il alors le restreindre volontairement ?
Emmanuel KANT pose deux facettes du problème : en se représentant la
surface terrestre, il lui vient deux connaissances à l’esprit . Selon
l’apparence sensible, la Terre est une assiette sans fin ; cette connaissance
semble bloquée, mais pas sa description : il semble en effet plus judicieux de
considérer la Terre comme une sphère . La connaissance sensible, réelle admet
des bornes que ne connaît pas la connaissance intelligible et intuitive peut-être
quelque part : « Les limites de la connaissance ne peuvent légitimement
être fixées qu’a priori, c’est-à-dire avant la rencontre aléatoire des
bornes sur lesquelles elle peut buter . » expliquait le philosophe
allemand . La science est plutôt la deuxième forme de connaissance, celle qui
utilise le sensible mais ne le privilégie pas au détriment d’une théorie
peut-être moins évidente . Ainsi, si l’on efface ces aspects a priori, la
connaissance semble bien infinie, sans bornes, et c’est là que se pose un
nouveau problème .
Comment éviter de s’égarer dans le vaste domaine de la connaissance ?
Il faut alors mettre des bornes à la connaissance pour « ne pas égarer
la recherche sur des sujets inabordables » (Auguste COMTE) . De même,
avant de se lancer dans une dissertation, il faut définir les limites du sujet,
et la science fonctionne de la même façon . Cependant, s’il faut restreindre
le sujet auquel on s’intéresse, il faut veiller à ne pas l’étrangler :
« Il est toujours imprudent et défavorable de fixer des termes absolus
par avance à la connaissance scientifique »(G. BACHELARD) car soit ils
sont vite défaits soit ils constituent une entrave au développement
scientifique . Tout problème admet une solution, si elle n’apparaît pas, il
faut revenir sur le problème .
La
science et l’homme étant indissociables, la première connaît les limites
que son instigateur, le second, lui donne, et ce grâce à sa morale, à sa réflexion
ou à son émotivité selon le contexte : c’est l’homme qui limite ses
connaissances, et l’homme seul . Mais « l’homme » est un concept
complexe qui rassemble tout d’abord des milliards d’individus, tous parents,
tous différents . Tant de facteurs extérieurs viennent toucher le domaine
scientifique qu’il est impossible de tous les détailler, mais on peut les
regrouper en plusieurs .
Le problème des limites de la connaissance peut en effet se poser à
travers l’éthique scientifique : jusqu’où peut oser aller la science ? Le
débat est toujours d’actualité quelle que soit l’époque, en particulier
dans les biotechniques ; l’astronomie est pour l’instant relativement épargnée,
mais pour combien de temps encore : il y a quelques années, on avait proposé
de l’argent à quiconque donnerait sa vie pour quitter le système solaire .
En effet, nos vaisseaux n’étant pas assez rapides, il fallait envisager un équipage
qui se renouvellerait de lui-même . Humainement, le projet est inconcevable ...
De même, si l’on entrait en contact avec des entités extraterrestres,
quelles qu’elles soient, comment réagir ?
Les découvertes prodigieuses et relativement récentes (au XXème siècle)
de la science entraînent qu’aujourd’hui les possibilités de la science
semblent illimitées : on projette déjà de coloniser l’ensemble du système
solaire, et, pourquoi pas, d’autres galaxies que la nôtre . L’utopie est
pourtant difficile à contourner : ces projets sont beaux et nobles, mais
techniquement encore impossibles, et pour longtemps encore . La construction
d’engins spatiaux susceptible d’atteindre la vitesse maximale - et pourtant
à peine suffisante devant la grandeur de l’Univers, puisqu’ils mettraient
la galaxie la plus proche à quelques millions d’années - n’est pas envisagée
pour un futur même lointain . Il faut donc rester prudent : la science
rencontre les limites que ses lois lui imposent; il est vrai qu’elle est
capable parfois de les reculer, comme ce fut le cas de la physique classique
avec l’arrivée de la Relativité, mais chaque recul fixe de nouvelles limites
sans que l’on sache si ce seront les dernières . C’est dans cette optique
que la science n’admet aucune limite dans sa progression .