L’intérêt de la microscopie acoustique
La
microscopie acoustique est la seule méthode de visualisation à fournir des
images du cœur de la matière, à l’échelle du micromètre.
En effet, elle fournit des « images » de la structure
interne des matériaux opaques à la lumière mais transparents aux ultrasons. On
peut obtenir des images acoustiques d’échantillons de quelques centimètres
carrés de surface sur quelques dizaines de micromètres d’épaisseur.
Fig. 1 - Visualisation de la surface d'une résine et de sa structure interne. Echelle en nm, microscopie acoustique à balayage en mode B.
Par
exemple, le verre et le Plexiglas® donnent un contraste très faible en optique
car ils sont aussi transparents l’un que l’autre, mais un contraste important en
acoustique car le verre réfléchit mieux les ultrasons que le Plexiglas®.
Les images acoustiques obtenues peuvent fournir des
informations sur les propriétés mécaniques (densité, élasticité, viscosité,
porosité, etc.) et sur la structure (relief, microfissures, etc.).
Le principe de fonctionnement
La microscopie acoustique n’est ni corpusculaire, ni électromagnétique : elle utilise les ondes mécaniques longitudinales que sont les vibrations acoustiques. Elle permet ainsi l’obtention d’images en profondeur. Les ultrasons apportent des informations sur les propriétés mécaniques de la matière. À une fréquence de l’ordre du gigahertz, compte tenu de la vitesse du son dans les milieux solides ou liquides, leur longueur d’onde est de l’ordre du micromètre. Pratiquement (fig. 1), un générateur G fournit un signal électrique modulé agissant sur un cristal piézoélectrique très mince T1 placé entre électrodes métalliques produisant un faisceau d’ultrasons. Celui-ci est focalisé sur l'objet A immergé dans un liquide, telle l'eau, par une lentille Cd, convergente à face de sortie sphérique concave (son indice de réfraction ou impédance acoustique étant inférieur à celui du liquide d'immersion), généralement en saphir particulièrement transparent aux ultrasons. Le faisceau, après traversée d’une lentille objectif Ob redonne, grâce à un transducteur T2, un signal électrique adressé à un tube moniteur M dont le balayage peut être synchrone de celui de l’objet. Pour un champ de quelques dizaines de micromètres, des images au grandissement de 10 000 peuvent être obtenues avec une résolution au mieux de 0,1 µm.
Fig. 2 - Schéma des différentes pièces d'un microscope acoustique.
Si l’onde acoustique réfléchie par l’objet est recueillie par le transducteur T1, de même qu’en échographie médicale, elle fournit une image complémentaire de la précédente localisant les parties de l’objet transparentes aux ultrasons qui apparaissent totalement noires. Cette microscopie, avec immersion aqueuse, s’applique avec succès à la biologie, à condition que l’épaisseur d’eau, très absorbante aux ultrasons, reste très faible.
Les applications
Les
ultrasons, rayonnements non ionisants et non destructifs, permettent un
contrôle non destructif
(CND) des matériaux, par l’observation des solides ou des tissus vivants sans
les endommager (ultrasons de faible intensité, de quelques milliwatts à quelques
centaines de milliwatts), en particulier sans recourir à une attaque chimique.
Les applications sont nombreuses dans la recherche et
l’industrie pour détecter des défauts dans des matériaux multicouches
optiquement opaques, avec des résolutions allant de 1 µm à 1 mm. Cette technique
est également utilisée dans les domaines médical et agroalimentaire.
En microélectronique
Les composants électroniques sont riches en structures géométriques et multicouches. L’inspection des microcircuits permet de détecter les nombreuses défaillances nuisibles à la fiabilité des composants (défauts, problèmes d’adhérence dans des zones soumises à de fortes densités de courant électrique, etc.).
Dans la métallurgie
On
rencontre deux grands types d’applications : analyse en
profondeur pour
les problèmes de soudures, fractures, décollements ; analyse de la
surface
pour les revêtements, l’usure, etc.
On peut ainsi distinguer une couche adhérente d’une couche
décollée.
Des microscopes acoustiques assistés de robots sont utilisés
pour étudier en « environnement hostile » l’état d’endommagement des aciers
soumis à des irradiations d’origine nucléaire (expérience en « cellule
chaude »). L’instrument fonctionne à des fréquences de 15 MHz à 1 GHz, sur des
épaisseurs de 3 à 600 µm, avec une résolution allant du millimètre au
micromètre.
Ainsi, l’oxydation des tubes contenant le combustible au
sein d’un réacteur nucléaire, soumis à des pressions de 30 à 150 bars, à 350 °C,
a été étudiée à la centrale nucléaire de Chinon (Indre-et-Loire).
Concernant les polymères
Il est
possible de contrôler l’homogénéité de structure de nombreux polymères, la
structure moléculaire locale, l’orientation des chaînes, etc.
Des études sont faites sur le passage monomère/polymère sous
l’action du rayonnement ultraviolet (UV), ainsi que sur le vieillissement des
matières plastiques, affectées par les UV.
Fig. 3 - Mise en évidence de la texture interne d'une résine époxy (pseudocouleurs).
Surfaces interne et externe de la résine mises en évidence par MAB en mode B
(échelle : nm).
Concernant les matériaux poreux
La
vitesse des ondes est fonction de la taille des pores par rapport à la longueur
d’onde utilisée.
Il existe des matériaux poreux naturels (pierre,
sédiments, etc.) ou synthétiques (brique, ciment, béton, verre fritté,
semi-conducteurs poreux, etc.). Le CND intervient à trois niveaux : contrôle
pour des utilisations mécaniques, contrôle de capteurs à base de matériaux
poreux, contrôle de la protection de ces matériaux.
Certains capteurs qui associent le silicium poreux et des
composants électroniques, peuvent être complètement contrôlés par ces méthodes.
Des mesures de porosité ont été effectuées sur du
combustible nucléaire vierge ou irradié, tel le dioxyde d’uranium UO2,
mesures importantes pour définir la qualité du combustible nucléaire et
connaître ses propriétés mécaniques. Ces tests permettent de quantifier le
vieillissement des éléments exposés aux radiations, ce qui aide à déterminer la
durée de vie des centrales et a donc une grande importance économique.
Dans le domaine biomédical
L’intérêt majeur est de pouvoir observer des organes ou des tissus vivants sans
les colorer et sans perturber leur fonctionnement (biopsies en salle
d’opération). Les applications médicales les plus courantes utilisent des
fréquences de 5 à 30 MHz, pour étudier par micro-échographie les structures
situées par exemple sous la peau (vaisseaux sanguins sous-cutanés).
En particulier, plusieurs techniques d’imagerie par
ultrasons permettent de mesurer la vitesse d’écoulement sanguin dans les
vaisseaux. On trouve, d’une part des techniques utilisant l’effet Doppler
(Christian Johann Doppler, 1842) : le décalage en fréquence entre l’onde
incidente et l’onde réfléchie est proportionnel à la vitesse de déplacement des
globules rouges ; d’autre part, la technique appelée
imagerie vasculaire couleur (IVC)
qui permet, grâce à un traitement élaboré du signal échographique, de mesurer la
vitesse des globules rouges indépendamment de la fréquence des ultrasons et avec
une meilleure résolution spatiale.
À des fréquences de 400 MHz à 1 GHz, on peut explorer par
microscopie acoustique des échantillons d’os ou de cartilage, étudier des
pathologies telles que l’ostéoporose (par la mesure de la densité minérale de
l’os) ou l’arthrose (mesure de l’élasticité du cartilage, constitué de fibres de
collagène : voir paragraphe sur les applications concernant les polymères
ci-dessus), ou même le mécanisme d’action de molécules thérapeutiques.
C’est aussi par cette technique que, par exemple, on a pu
étudier l’émail de dents fossiles rares.
Dans le secteur agroalimentaire
On commence à utiliser ces procédés microscopiques dans le contrôle de produits frais soumis à des techniques de conservation et de stockage diverses. Ainsi on peut suivre l’élasticité de certains composants de la viande en fonction de son état de maturation, ou bien contrôler la torréfaction des grains de café ou de cacao.
Les principales techniques de microscopie acoustique
La micro-échographie acoustique
Assez
simple à mettre en œuvre, elle s’apparente à la technique du sonar ou de
l’échographie médicale. Elle utilise le balayage X,Y avec un signal ultrasonore
court (impulsion) et un faisceau de petit angle (voir fig. 2). L’étude de
l’amplitude du signal réfléchi permet de réaliser des images acoustiques
caractéristiques des propriétés de la surface de l’échantillon (géométriques ou
mécaniques). Les informations recueillies sont qualitatives. Les signaux se
déplacent dans le volume de l’objet. La mesure du temps mis par le signal
transmis pour le traverser permet, connaissant la vitesse longitudinale dans le
matériau, de calculer la profondeur d’un défaut, l’épaisseur de l’échantillon et
quelques constantes élastiques.
Remarque
Dans le liquide de couplage, l’onde incidente est
longitudinale (onde de compression). À l’interface liquide-solide, elle donne
naissance à une onde réfléchie longitudinale et à deux ondes transmises : l’une
longitudinale, l’autre transversale (phénomène analogue aux ondes sismiques de
cisaillement, transversales, ou de compression, longitudinales), qui se
propagent à des vitesses différentes. Ces ondes obéissent aux mêmes lois de
réfraction qu’en optique pour les matériaux transparents.
Fig. 4 - Dispositif de micro-échographie acoustique.
La micro-interférométrie acoustique : images et signatures acoustiques
La micro-interférométrie acoustique utilise un signal de durée plus longue (mode train d’ondes), à des fréquences de 25 à 300 MHz et un faisceau à grand angle. Le faisceau est dit alors « défocalisé » sur l’objet, et l’interaction des ultrasons et de l’objet génère des ondes de surface qui se propagent à la surface du matériau, d’une façon évanescente (ondes pseudo-périodiques amorties). Sur leur trajet, ces ondes rencontrent les ondes réfléchies issues des ondes arrivées en incidence normale. La « combinaison » de ces deux catégories d’ondes, à l’arrivée sur le capteur, fournit un signal V(z) appelé signature acoustique. Lorsque l’échantillon est déplacé vers la lentille suivant l’axe z (voir fig. 3), les trajets des deux types d’ondes sont modifiés et V(z) varie. Le trajet de l’onde évanescente dépend de sa vitesse à la surface, vitesse liée aux constantes élastiques du matériau : l’étude de V(z) renseigne donc quantitativement et point par point sur les propriétés du matériau.
Fig. 5 - Schéma d'un micro-interféromètre acoustique.
Remarque
Notons l’existence de microscopes acoustiques munis d’une
pointe de microscope à force atomique comme détecteur, ce qui fournit une
résolution spatiale liée à la dimension de cette pointe, indépendante de la
longueur d’onde utilisée, et améliorée d’un facteur 10 par rapport au microscope
acoustique classique.