Les microscopes en champ proche, microscopes à balayage apparus dans les années 1980, ont des résolutions latérale et longitudinale à l'échelle atomique. L’un de ces instruments (STM ou Scanning Tunneling Microscope) met en œuvre l'effet tunnel électronique.

 

La microscopie à effet tunnel électronique

À la surface d'un conducteur existe un nuage d'électrons dont la densité décroît exponentiellement avec la distance à la surface. En approchant une pointe de dimension théoriquement monoatomique également conductrice à quelques dixièmes de nanomètre, les nuages d'électrons correspondant aux deux conducteurs se mélangent. Il leur est possible de franchir une barrière de potentiel (effet tunnel).
Si l’on applique une différence de potentiel entre les deux conducteurs, cela donne naissance à un courant électrique décroissant exponentiellement avec la distance, ce qui permet de mesurer par balayage le profil de la surface au centième de nanomètre près avec une résolution latérale de quelques dixièmes de nanomètre. Pour une différence de potentiel de l’ordre du volt, la distance entre objet et pointe étant d’un nanomètre, ce courant est de l’ordre du nanoampère.
Pratiquement (fig. 1), entre la pointe en tungstène et l’échantillon, une différence de potentiel V est appliquée. La pointe est solidaire de trois céramiques piézoélectriques CxCyCz pilotant le balayage de l’objet dans deux directions et réglant la distance de la pointe. En effet, on ne procède pas à la mesure du courant à hauteur de pointe constante, mais on opère à courant constant en asservissant la position à distance constante de la pointe par une tension Vz appliquée à la céramique Cz. L’enregistrement de cette tension de commande fournit la topographie de l’échantillon. De l’ordre de 5 pm, l’incertitude sur la distance peut être considérée comme l’ordre de grandeur de la résolution longitudinale. La résolution latérale, qui ne dépend que de la qualité de la pointe, est du domaine du nanomètre.

 

Fig. 1 - Microscope à effet tunnel électronique.

 

À ces faibles distances les forces d’attraction-répulsion ne peuvent pas toujours être négligées et la méthode précédente ne peut non plus être appliquée aux matériaux non conducteurs à la surface desquels n'existe pas de nuage d'électrons. Ces considérations ont conduit à la conception de la microscopie à force atomique (AFM pour Atomic Force Microscopy).

 

La microscopie à force atomique

À quelques dixièmes de nanomètres, des forces atomiques s’exercent entre les atomes d’une pointe et ceux de la surface de l'objet. D’abord attractives et de quelques nanonewtons, elles deviennent répulsives en augmentant quand la distance décroît pour atteindre la centaine de nanonewtons. Les instruments conçus dans cet esprit (fig. 2) sont dotés des mêmes éléments de motorisation et d’asservissement que les précédents. La pointe, en diamant ou en silicium monocristallin, est solidaire d’une lame ressort dont les déplacements sont enregistrés pour restituer la topographie de l’échantillon. Ces déplacements peuvent être mis en évidence soit électriquement par effet capacitif, soit grâce à l’association d’un STM, soit encore optiquement en détectant la déflexion d’un faisceau lumineux ou par interférométrie. Avec de tels instruments, on atteint une résolution longitudinale de 10 pm et latérale de 0,3 nm.

 

Fig. 2 - Microscope à force atomique.

 

Les deux instrumentations précédentes ne permettent pas d’accéder à certaines propriétés des matériaux, comme les propriétés optiques des diélectriques nécessitant l’emploi d’une sonde optique. Pour y parvenir, et en application de principes fondamentaux comparables aux précédents, c'est la microscopie optique en champ proche qui a été développée. Elle met en œuvre ce que l’on peut appeler l’effet tunnel optique.

 

La microscopie optique en champ proche

En microscopie optique classique, on utilise, à distance plus grande que la longueur d'onde de la lumière (en champ lointain), les ondes propagées après diffraction par l'objet. La résolution latérale est nécessairement limitée à la demi-longueur d'onde de la lumière car l’angle d’ouverture de l’objectif ne peut dépasser 90°. Ainsi la direction de propagation des ondes est limitée à l'incidence rasante. Or, un objet plus petit que cette limite détectable, correspondant à des fréquences supérieures à 2/l, diffracte une onde possédant des composantes non radiatives à ces fréquences. Celles-ci ne se propagent pas et restent localisées au voisinage de l'objet (constituant le champ proche) avec une amplitude décroissant exponentiellement avec la distance à sa surface (onde évanescente). Il est donc nécessaire de pouvoir capter les informations qu’elles contiennent sur ces hautes fréquences. Or, par principe de réciprocité, si un petit objet placé dans une onde propagative crée une onde évanescente, à l'inverse, placé dans une onde évanescente, il en transforme une partie en onde propagative pouvant être détectée par une optique classique. Il suffit alors d’éclairer l’objet au travers d’un trou de dimension inférieure à la demi-longueur d’onde ou par la pointe effilée d’une fibre optique, définissant ainsi la résolution latérale, pour créer l’onde évanescente. Les premiers instruments apparus dans les laboratoires (NFOS pour Near Field Optical Scanning microscopes) étaient conçus suivant ce principe. Plus récemment ont été développés d’autres instruments (STOM pour Scanning Tunneling Optical Microscope ou PSTM pour Photon Scanning Tunneling Microscope) basés sur un autre principe de production de l’onde évanescente.

Une onde évanescente confinée au voisinage d'une surface peut être produite par réflexion totale (fig. 3). Une onde se propageant dans un milieu d'indice n1 subit une réflexion totale interne à l'interface avec un milieu d'indice n2 inférieur à n1 quand l'angle d'incidence θ1 est supérieur à l'angle limite
θL tel que

sin θL = n2 / n1

Fig. 3 - Production d'une onde évanescente par réflexion totale.

Une onde évanescente confinée au voisinage de l'interface est alors produite dans le milieu d'indice plus faible, son amplitude décroissant exponentiellement avec la distance au dioptre. Cette onde redonne naissance à une onde propagative par le phénomène dit de frustration de l'onde évanescente, sorte d'effet tunnel optique relatif aux photons, si l'on approche suffisamment près de l'interface (à une distance inférieure à la distance dite de pénétration égale à ?/2 p n1 (sin2?1 - sin2?L) un milieu d'indice n3 au moins égal à n1. L'onde s'y propage, avec une amplitude plus faible que celle de l'onde initiale, dans une direction ?3 telle que n1 sin ?1 = n3 sin ?3.

Dans un instrument construit en application de ce principe (fig. 4), l'objet est déposé sur la face plane d'un prisme hémicylindrique. Un laser He - Ne l'éclaire au travers de ce support sous un angle d’incidence supérieur à l'angle limite et réglable afin d'adapter la distance de pénétration à l'épaisseur de l'objet. Un polariseur permet d’agir sur le niveau d’intensité du faisceau d'éclairage. L'onde évanescente est recueillie par la pointe d’une fibre optique de rayon de courbure inférieur à 50 nm. Des composants piézoélectriques pilotent le déplacement de la fibre dans trois directions afin d'assurer pointage et balayage. Pour une résolution latérale inférieure à 10 nm, la résolution longitudinale est inférieure à 0,5 nm. Ce type de réalisation, assez proche de celles des STM ou AFM, peut profiter des mêmes éléments périphériques.

 

Fig. 4 - Exemple d'instrument à effet tunnel optique.