Le Bélier
Aries, Arietis (Ari)
 

            Bélier, Taureau, Gémeaux... Cancer, Lion, Vierge... Balance, Scorpion, Sagittaire... Capricorne, Verseau, Poissons... Qui ne compte aujourd’hui encore, dans cet ordre, la suite des constellations zodiacales, oubliant que, depuis 2000 ans,  les Poissons ont pris la tête de ce train céleste qui parcourt, en un an, la route de l’Ecliptique ? Qui parcourt, que dis-je ? C'est le Soleil qui circule sur cette piste tracée d'avance (du moins en apparence, à cause du mouvement de la Terre autour du Soleil. Les signes astrologiques tiennent compte précisément du passage du Soleil dans les constellations du Zodiaque ; ainsi, vous êtes "du Bélier",  si vous êtes né quand le Soleil passait dans la constellation du Bélier; etc...). Bientôt, le Verseau prendra les rênes de ce char étoilé; dès lors, on entendra les écoliers chanter: “Verseau, Poissons, Bélier... Taureau, Gémeaux, Cancer... Lion, Vierge, Balance... Scorpion, Sagittaire, Capricorne." Tous les 2000 ans en effet, le chef de file change, si bien qu’en 25 800 ans - durée totale de la précession des équinoxes - tous auront pris en main la direction de cet étrange vaisseau naviguant sur les mers équatoriales et tropicales du ciel. Modèle de démocratie !

            Quant à nous, revenons à la case départ. Dans les plus anciens documents écrits de l'histoire des hommes, c'est le Taureau qui arrive en tête des douze signes du Zodiaque, il y a 6000 ans de cela. En cette époque lointaine qui vit la multiplication du genre humain, c'est lui qui régnait en maître, surveillant tout de son oeil rouge - Aldébaran . "Lorsque le Taureau brillant aux cornes dorées ouvre l’année..." écrit Virgile. Il a donc bien ouvert l'année, laquelle commençait alors - comme il convient - à l'équinoxe de printemps, seul jour - avec l’équinoxe d'automne - que l'on peut repérer sans problème. Savez-vous comment ? Très facile ! Prenez un bâton bien droit. Pointez avec lui le Soleil à son lever sur l'horizon - à condition que cet horizon en soit un, sans relief, comme la mer, une vaste plaine, ou le sommet des montagnes... Fixez alors votre bâton, en position horizontale, sur un pied stable. Si, le même soir, le soleil vient se coucher à l'autre extrémité du bâton, vous êtes au jour de l'équinoxe. Si non, vous allez vers l'été s'il se couche au delà (par rapport au sud), vers l'hiver s'il se couche en deçà. 180° séparent lever et coucher du soleil, le jour de l'équinoxe de printemps et d'automne. Et uniquement ces deux jours-là ! L'angle diminue en hiver, augmente en été.

            Des années 2000 avant Jésus-Christ à notre ère environ, c'est le Bélier qui a pris la tête du Zodiaque, se trouvant précisément à l'intersection de l'équateur et de l'écliptique - côté printemps - origine des coordonnées célestes. Assez réduite sa place dans le zodiaque, pour la bonne ou mauvaise raison, qu'il y fut introduit, parait-il, après les constellations géantes que sont les Gémeaux, le Lion, la Vierge... On compte 20 degrés à peine en longitude pour sa bergerie, près de 60° pour le parc du Lion ! Malgré ce handicap, il a su s'imposer, au point qu'aujourd'hui encore son nom reste et demeure cité au premier rang des signes astrologiques ! Indéracinable !...

            Un Bélier.  Pourquoi un bélier ? Souvenir, bien sûr, du bélier à la toison d'or (voir La Poupe)... Il était offert en sacrifice aux dieux. Abraham lui-même l'offrit à Yahvé en échange de son fils. "Père, je vois le feu et le bois, mais je ne vois pas l'agneau pour l'holocauste. - Dieu y pourvoira, mon fils." Israël en fit un rituel quotidien: sur l'autel des holocaustes, béliers, boucs, taureaux, agneaux... coulaient le sang, pour "expier les péchés du peuple"... Une fumée âcre planait jour et nuit sur Jérusalem, celle de leur chair brûlée... Loi exigeante... qui dura 2000 ans... jusqu'à la mort en croix de l'Agneau véritable... Hélas...

            Considérons maintenant la forme de cette constellation: deux étoiles brillantes la caractérisent, Alpha et Bêta  - la tête - et la corne, Gamma, moins lumineuse que les deux autres, dirigée vers le sud, renversée... Il aime la compagnie d'Andromède, qu'il côtoie par le sud, offerte elle aussi en sacrifice, attachée au rocher. Tout près (à l'ouest), Pégase, le cheval de Persée, piaffe son impatience. Le corps du Bélier se déploie à l'est de ces trois étoiles - peu visible.

            Puissant symbole, dit-on, que la “corne du bélier”, porte-bonheur, objet fétiche que l'on conservait jalousement. Pourquoi ce rite séculaire ? Parce qu'elle symbolise cette corne, la force, la puissance, la victoire... en bien ou en mal d'ailleurs. Jean l'évangéliste l'a vue, dans son apocalypse: "Je vis un Agneau immolé qui avait 7 cornes" (5/7), mais aussi : "Je vis dans le ciel un grand dragon rouge: il avait dix cornes... puis monta de la mer une bête qui avait dix cornes et sur ces cornes dix diadèmes... puis  monta de la terre une autre bête qui avait deux cornes semblables à celle d'un agneau et qui parlait comme un dragon." (ch. 12 et 13)

            Le casque d'Astérix en portait aussi des cornes ! Toujours le même symbole...

            Au XVIIème Siècle, le gendre de Képler eut une idée malheureuse. Il voulut ajouter une “Mouche” aux constellations existantes, comme si celles qui nous empoisonnent l’existence ne suffisaient pas !  "Une mouche sur un bélier, pourquoi pas ?" se dit-il. Alors, les étoiles qui portent aujourd'hui les numéros 33, 35, 39, 41, se muèrent en cet insecte volant.  La survie de ce diablotin ne dura pas un demi siècle, grâce à Dieu ! Il se métamorphosa bientôt en Fleur de Lys, oui ! pour sa gracieuse majesté: Louis XIV. Mais la fleur fana plus vite encore que la mouche ne creva, et les étoiles rentrèrent toutes à la bergerie.

a Arietis : "Hamal"

a  =  2 h 07 m 10 s           b  = 23° 27’ 45”     Sp : K2  III      T : 4500°          (BC : -0,7) m = 2,01          M = 0,48         L = 54              p = 49,48         Dist : 66 AL     simple

            Hamal : “Le Bélier”, et plus précisément la tête du bélier, qui corne, qui tape.... "Moi, dit-elle, j'ai gouverné pendant près de 20 siècles le troupeau des étoiles. Alors le ciel, je connais, et sa ronde éternelle... J'ai parcouru tous les rivages, brouté tous les pâturages... Montez dans mon train céleste, venez visiter les espaces..." Nous montons. Nous voici bientôt auprès de cette étoile, à 66 AL... Quelle belle couleur de feu s'échappe de ses rayons ! Par elle, tout le paysage est transfiguré, et ses planètes illuminées - si elles existent. Vaste rayon: 16 rayons solaires, soit 11 millions de km.!... 3,6 masses solaires nourrissent ce feu de joie. Réchauffons-nous à sa flamme, avant de poursuivre notre voyage dans les glaces intersidérales...

b Arietis : "Sheratan"

a  =  1 h 54  m 38 s                 b =  20° 48’ 29”          Sp : A5  V        T : 8600°          (BC : -0,15) m = 2,64          M = 1,33         L = 25              p = 54,74         Dist : 60 AL     double spectroscopique

            "Sheratan" : "La (première) Marque" de l'équinoxe de printemps, au temps où le point vernal partait du Bélier, et plus précisément de la corne du Bélier (b et g). Nous sommes ici à la racine de cette corne: corne d'abondance... Que contient-elle ? Deux étoiles blotties dans ce nid de rêve, invisibles à l'oeil, même télescopique. Un monde à deux, tapi à 60 AL de distance, loin des regards, noces éternelles.... En 107 jours, leur danse, mille fois, dix mille fois répétée, s'achève pour reprendre aussitôt, infatigable. 25 soleils habillent l'éclat de ces deux diamants.

            Quitterons-nous le Bélier sans parler de "Mesartim", Gamma Arietis, "La (deuxième) Marque" de l'équinoxe, la pointe de la corne ?... Impossible ! Regardez-la au télescope. Une paire de cornes  face à vous: prenez garde ! d'égal éclat : magnitudes 4,58 et 4,64. Un régal pour l'oeil. 7"61 séparent les composantes, aux teintes bleuâtres. On ne connaît ni l'orbite, ni la période de ce couple cornu. A supposer que leur écartement apparent corresponde à leur écartement réel, les deux cornes seraient espacées plus que Pluton du Soleil: 12 fois plus ! Pas étonnant que rien ne bouge ! 100 soleils mirent leurs feux communs dans ce double joyau. Nous sommes à 204 AL. Mersatim, tu nous frappes en plein coeur !