Tycho Brahe
(Knudstrup 1546 - Prague 1601)

Son oeuvre marqua la frontière entre les astronomies anciennes, métaphysiques, et l'astronomie moderne, scientifique.

A la fin de l'année 1566, deux jeunes nobles danois s'affrontèrent en duel. Tyge Brah, âgé de vingt ans, perdit et le duel et son nez. Contre la volonté de son père, qui le destinait à une carrière juridique, il s'était inscrit à l'université de Rostock pour y suivre des études scientifiques. Selon lui, c'était l'observation d'une conjonction entre Jupiter et Saturne survenue trois ans auparavant qui l'avait mis sur cette voie. Les Tables Alphonsines avaient prévu le phénomène avec un mois d'écart ; les Tables Pruténiques, bien plus récentes, se trompaient de plusieurs jours. Le jeune homme, qui connaissait parfaitement la théorie de Ptolémée et était aussi un aristotélicien convaincu, ressentit cette incapacité des astronomes à représenter ces phénomènes avec exactitude comme un défi.

Après des séjours à Rostock, Bâle et Augsbourg, il revint au Danemark en 1569. A la mort de son père, en 1571, il alla vivre chez son oncle dans l'abbaye de Héridsvad, où il commença une série d'expériences d'alchimie. Là, le 11 novembre 1572, aussitôt après le coucher du Soleil, au zénith, un astre plus brillant que Vénus trône dans la constellation de Cassiopée : jamais vu auparavant, il n'aurait pas dû y être.
Tycho Brahe (son nom latinisé) utilise un sextant construit par lui (arc de 60° et rayons 1,60 m), avec un système de cercles gradués très précis, observe jour après jour le corps céleste. L'astre se déplace avec l'ensemble de la voûte céleste et Tycho Brahe ne relève aucun déplacement relatif (absence de parallaxe) : c'était donc sans doute une nouvelle étoile. Il consigne et publie le résultat de ses observations dans un petit traite, De nova stella, d'où le nom de "nova" qualifiant certaines étoiles est issu. Révélation terrible qui bouleverse la théorie d'Aristote, seule acceptée à l'époque, sur l'immuabilité du ciel où rien ne peut apparaître ni disparaître. Tycho Brahe y vit un miracle !

Le château céleste
En septembre 1574, ayant désormais acquis la célébrité, il déclara publiquement qu'il fallait admirer les mathématiques de Copernic, dont l'oeuvre avait été publiée trois ans avant sa naissance. Mais il semble alors qu'il continuait de penser que le système de Ptolémée était le bon.
En 1575, il s'adressa au Landgrave de Hesse afin qu'il appuie son projet de construction d'un Observatoire danois. LE Landgrave obtint du roi du Danemark Frédéric II qu'il lui donne une île de 8 km², à côté de Helsingfors (aujourd'hui en Suède), ainsi qu'une pension. A Hven, sur l'unique hauteur de l'île, Tycho fit construire une citadelle carrée de 85 mètres de côté, en style gothique Renaissance, traversé par deux rues dirigées vers les points cardinaux, avec ateliers, moulin, habitations, imprimerie et jardin (comptant 300 arbres). La construction centrale comportait deux tours d'observation principales, un laboratoire de chimie, un four et toutes sortes de globes et d'instruments ; pas moins de huit astronomes assistants devaient y travailler. Tycho baptisa ce lieu Uraniborg, le "château du ciel".

Grâce à de tels moyens, il eut les meilleurs résultats jamais obtenus jusqu'à l'invention du télescope. Outre déterminer la position de plus de 700 étoiles (ce qui n'avait pas été fait depuis Hipparque), du 13 novembre 1577 au 26 janvier 1578, il observa une comète. L'étude de sa trajectoire l'amener à formuler des conclusions révolutionnaires. Primo : se déplaçant bien au-delà de la Lune, il ne s'agissait donc pas d'émanations de la surface terrestre, comme Aristote l'avait soutenu dans sa conception du ciel se limitant à un espace infralunaire et un espace supralunaire. Secundo : la comète se déplaçait entre les planètes. Ces dernières ne pouvaient donc pas être soutenues par des sphères transparentes que la comète aurait dû heurter. Tertio : sa trajectoire n'était pas circulaire, et c'est là le point le plus important. Tycho ne parle pas encore d'ellipse, il mentionne seulement un mouvement "ovale".

Le système de Tycho
Il y avait déjà largement de quoi bouleverser les bases de la doctrine scolastique, bien avant les observations instrumentales de Galilée. Alors que ce dernier alla même contre les Saintes Ecritures en affirmant que la Terre tournait, Brahe, lui, en resta là, mais pas pour des raisons religieuses. Accepter une Terre en orbite aurait demandé d'observer les parallaxes annuelles des étoiles, à condition qu'elles ne fussent pas à des distances alors inimaginables. Ces parallaxes ne pouvant donc être mesurées, l'Univers serait devenu trop vaste pour Tycho Brahe. C'est pourquoi son système solaire maintient la Terre au centre de l'Univers et le Soleil, centre de la rotation des cinq autres planètes, tourne autour d'elle comme la Lune. Bien qu'ayant conservé à la Terre sa position centrale par rapport à la "sphère des fixes", Tycho Brahe, en admettant que les autres planètes tournaient autour du Soleil, avait cependant bien ébranlé la conception aristotélicienne de l'Univers.
Tycho quitta son observatoire en 1598 après un différend avec le nouveau roi du Danemark et vint s'installer à Prague comme astronome impérial. En 1600, âgé de trente ans, Kepler, copernicien convaincu, arriva dans son école. Brahe lui transmit ses carnets de mesures de position des planètes. Sur son lit de mort, il lui confia la tâche d'achever ses tables et de démontrer ainsi son système d'une manière irréfutable. Mais bientôt Kepler découvrit une erreur de huit minutes d'arc dans tous les calculs de Tycho ce qui le conduisit à repartir sur une hypothèse nouvelle qui allait déboucher sur les trois lois qui portent son nom.

Retour