Une vie d'astronome

L'enseignement professionnel
La compréhension d'un objet céleste se veut globale : ses mouvements, sa composition, la structure de son sol s'il s'agit d'une planète, son évolution, l'éventualité même de phénomènes vivants à sa surface, aucune de ces questions n'échappe à l'astronomie. Aussi l'astronomie fait-elle appel à la quasi-totalité des disciplines scientifiques, comme nous l'avons déjà évoqué : mathématiques et physique y sont essentielles, mais également la chimie, la biologie même y trouvent leur place. Les termes de mécanique céleste, astrophysique, astroparticules, astrochimie, bioastronomie traduisent d'ailleurs cette diversité. En outre, les techniques d'observation, au sol comme dans l'espace, sont confrontées à la diversité des énergies qu'elles couvrent ou des signaux qu'elles traitent (photons, neutrinos, particules cosmiques, ondes gravitationnelles...), mais aussi à l'extrême sensibilité qu'elles recherchent pour détecter des objets faibles ou lointains : elles font donc appel à toutes les ressources, à tous les raffinement de la technologie ou de la physique expérimentale. Enfin, la gestion d'immenses volumes de données d'observation, tout comme la réalisation de codes numériques lourds, qui remplacent une instrumentation impossible ou un traitement analytique inaccessible, utilisent ou stimulent le progrès de l'informatique.
Cette diversité montre qu'il n'existe pas "un" profil d'astronome professionnel, et par voie de conséquence "une" voie de formation qui soit idéale. Le célèbre astronome Edwin P. Hubble était avocat de formation... Sans pousser à cet extrême, nombreux sont les physiciens tels que George Gamow ou Hans Bethe, qui au cours de leur carrière ont apporté une contribution décisive à l'astrophysique.

Un profil original de formation
Néanmoins, l'astronomie a sa spécificité : par le caractère particulier de sa démarche, tout d'abord, puisqu'il s'agit d'une discipline où l'expérimentation est délicate. L'observation et la modélisation en tiennent lieu, tout en s'appuyant sur la théorie mathématique ou physique. La spécificité requiert aussi une connaissance précise des objets (planètes, étoiles, galaxies ...) dont traite l'astronomie, car les liens entre ceux-ci ne peuvent être ignorés : on ne comprendra le problème très particulier et local qu'est, par exemple, l'abondance de l'élément hélium dans l'atmosphère de Jupiter qu'en référence à la formation du système solaire, voire à celle de la Galaxie qui le contient, mais aussi à la genèse de cet élément lors des phases primitives de l'Univers.
L'enseignement professionnel, lorsqu'il affiche l'astronomie comme sa finalité explicite, se doit donc de rallier à la fois des compétences - l'excellence, même - dans l'une ou l'autre des disciplines de base, mais aussi la vue synthétique, globale de l'Univers et des objets ou structures qui le peuplent. Les cursus de formation universitaires, selon les pays et les traditions, mettent alors l'accent sur une spécialisation disciplinaire plus ou moins poussée. Dans tous les pays, il est admis que le doctorat (ou l'anglo-saxon PhD, Philosophical Degree) est la voie normale d'accès aux carrières de recherche en astronomie. En France, au milieu des années 1990, une soixantaine de thèses de doctorat étaient soutenues chaque année dans le domaine astronomique au sens large, et un nombre comparable était observé au Royaume-Uni, pays de forte tradition astronomique.

Le cursus doctoral
Le cursus doctoral débute après l'obtention d'un diplôme tel que la maîtrise (ou M1), le Master of Science ou un titre d'ingénieur (dont la durée est en général de cinq ans après la fin des études secondaires). Ce cursus doctoral dure entre trois et cinq ans selon les pays. Il débute le plus souvent par une formation spécialisée intensive (Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) ou Master recherche (M2) en France, Diploma en Allemagne, Preliminary Requirements aux Etats-Unis) et se termine devant un jury, formé d'universitaires et de spécialistes du sujet, lors de la soutenance d'une thèse de doctorat : celle-ci est un travail original, qui explore une question et apporte des résultats nouveaux.
La diversité des thèses est considérable : du travail le plus expérimental au plus théorique, de longues nuits d'observation à la mise au point de codes informatiques, les thèses reflètent par leur diversité le caractère multiforme et pluridisciplinaire de l'astronomie. Leurs résultats sont communiqués, avant ou après soutenance, selon les méthodes usuelles d'échange d'informations dans la communauté scientifique : publications dans les revues spécialisées, communications à des colloques le plus souvent internationaux, ou plus récemment diffusion sur les réseaux informatiques.
Lors de ces années de formation, le doctorant est exposé à la vie de la discipline qu'il souhaite acquérir : séminaires où divers chercheurs viennent exposer l'état de leurs travaux ou celui des controverses de l'époque, écoles d'été ou d'hiver rassemblant pour quelques jours les spécialistes d'une discipline et les jeunes, congrès internationaux plus lourds faisant le point sur l'actualité du sujet. Extrême spécialisation, morcellement des disciplines, parcellisation des tâches (informatiques, observationnelles, expérimentales, ...) rendent souvent difficile, lors de ces années de formation, l'acquisition d'une culture générale pourtant indispensable au maintien de la créativité dans le long terme. Bien qu'encore doté du statut d'étudiant, le doctorant est aussi déjà un chercheur professionnel dont l'apport aux connaissances, par sa fraîcheur et sa disponibilité intellectuelle et pratique, est souvent considérable.
Au cours des années de doctorat, la mobilité géographique se développe, exposant le doctorant à des modes de raisonnement, à des approches diverses marquées des traditions universitaires propres à tel pays, telle équipe, tel héritage soigneusement préservé par les disciples d'un grand chercheur. En ce début de XXIème siècle, la constitution d'un espace scientifique européen retrouve des flux d'échanges intellectuels que l'Europe médiévale ou celle des siècles passés connaissait parfois de façon plus intense qu'aujourd'hui. La pratique de co-tutelles de thèse, associant une double ddirection dans deux laboratoires partenaires, s'étend progressivement.
A l'issue du doctorat, certains chercheront aussitôt un emploi, profitant des compétences souvent très recherchées acquises pendant la thèse.

Et après ?
La mobilité s'accentue dans la phase postdoctorale : transition entre les études proprement dites et le métier, elle se déroule le plus souvent dans un laboratoire différent de celui de la thèse. Elle est l'occasion d'une affirmation de la maturité scientifique, et c'est la marque personnelle que le jeune chercheur donne à son travail qui lui assurera, si le marché du travail n'est pas excessivement fermé, l'embauche dans un organisme de recherche ou dans une université, où il pourra exercer pleinement sa profession de chercheur en astronomie, développer et communiquer son savoir à ses pairs ou aux jeunes générations.

 

La vie quotidienne du chercheur
Au coeur même de tâches très diverses, un moteur : le désir de comprendre, la curiosité.

Comment émergent les sujets de recherche ?
Le chercheur doit maintenir en alerte sa curiosité, nourrir ce moteur qui permet la progression du travail de recherche. Il utilise pour cela journaux scientifiques spécialisés, séminaires, écoles d'été et colloques scientifiques.
Les journaux spécialisés rapportent les résultats des recherches effectuées à ce jour, qu'il s'agisse de comptes rendus d'observations, de modèles ou de simulations numériques, ou bien encore de développements instrumentaux. Ils reflètent l'activité scientifique de tout un champ de recherche et constituent un coffre à trésor où l'astronome peut venir puiser pour éclairer sa propre recherche. C'est un outil indispensable qui sert à mémoriser et ponctuer les avancées des connaissances sur telle ou telle question. C'est à la fois le point de départ et le point d'arrivée des travaux du chercheur.
Les séminaires sont des réunions au niveau du laboratoire où l'on expose un problème scientifique particulier : contexte général et enjeux de la question posée, méthode retenue pour y répondre, difficultés éventuelles, marges d'erreur sur les quantités mesurées ou prédites, résultats et moyens de parfaire l'étude.
Les colloques scientifiques sont le plus souvent des réunions thématiques, au niveau national ou international, auxquelles participent une centaine de chercheurs travaillant dans un domaine particulier. C'est en quelque sorte une plate-forme d'échange qui permet aux différents groupes de confronter leurs résultats, de définir de nouveaux objectifs de recherche et de mettre sur pied des collaborations. Les écoles d'été sont également des réunions thématiques, mais elles ont une tonalité plus pédagogique.
Par le biais de ces réunions, tout jeune chercheur est mis en contact avec ses pairs et la communauté au sein de laquelle il est amené à travailler. Elles constituent ainsi le creuset d'où émergent les interrogations nouvelles, où se dessinent les recherches futures et les stratégies associées.

Les étapes de la recherche en astrophysique
L'objectif ultime de l'astrophysique est de construire un  modèle cohérent de l'Univers. Les astronomes utilisent pour cela des approches multiples et complémentaires.
Vient tout d'abord l'observation des phénomènes astronomiques et, pour ce faire, la construction d'instruments qui poussent presque toujours les possibilités technologiques d'une époque à leurs limites. Les chercheurs sont extrêmement imaginatifs en la matière. Ce rôle de catalyseur du développement technologique s'illustre par exemple dans la mise au point des grands miroirs minces qui équipent la nouvelle génération de télescopes optiques au sol : 8 à 10 mètres de diamètre pour un disque de verre qui atteint à peine 20 centimètres d'épaisseur, et dont la forme optique est maintenue en permanence par un ensemble d'actuateurs sous contrôle informatisé.
Mise à part la construction de collecteurs de lumière - qui ressort surtout du domaine de l'ingénierie -, les chercheurs participent à la conception et à la mise au point d'instruments spécifiques qui permettent d'analyser la lumière collectée ou de former des images des sources astronomiques. Là encore, beaucoup d'ingéniosité et une attention constante sont portées aux technologies de pointe, tant pour les composants optiques et électroniques que pour les détecteurs.

Campagnes d'observations