Trous noirs et questions existentielles
C'est quoi ? Des objets dont la masse se comprime jusqu'à une densité "infinie" et dont rien, pas même la lumière, ne peut échapper à l'attraction. Ils sont dus à l'effondrement d'une étoile supergéante ou à l'accrétion de gaz et l'engloutissement d'étoiles par une galaxie.
Qu'est-ce qui permet de croire
qu'ils existent ?
Bonne questions, puisqu'on ne peut pas les "voir" !
"Un astre lumineux de même densité que la Terre, dont le diamètre serait 250
fois plus grand que celui du Soleil, ne laisserait, en vertu de son attraction
gravitationnelle, parvenir aucun de ses rayons jusqu'à nous : il est donc
possible que les plus grands corps lumineux de l'Univers soient par cela même
invisibles." A la fin du XVIIIème siècle, le mathématicien et physicien
Pierre-Simon de Laplace formule ainsi une intuition visionnaire : celle de
l'existence des trous noirs, les "corps obscurs", qu'aucun argument théorique de
permet alors d'étayer... Jusqu'en 1916, où le concept de "trou noir" offre une
solution élégante aux équations de la relativité générale d'Einstein. Dans ce
nouveau cadre conceptuel, les astrophysiciens modélisent la formation et
l'évolution des trous noirs. Certes invisibles, ceux-ci doivent fatalement
trahir leur présence par certaines perturbations de leur environnement.
Au tournant du XXème siècle, plusieurs preuves indirectes de leur existence ont été établies. Ainsi, la matière qui "tombe" dans un trou noir s'échauffe en émettant des rayons X - une "signature" qui a pu être détectée au sein même de notre Galaxie par le télescope américain Chandra en 1999. Des tourbillons de gaz et de poussières "aspirés" par les trous noirs supermassifs tapis au coeur des galaxies ont aussi été observés en infrarouge par le télescope Hubble. Plus troublant encore, des jets de plasma (ensemble de particules ionisées), décelées en rayonnement radio, auraient pour origine ces mêmes trous noirs supermassifs. Ce jaillissement de matière, qui défie les lois de la gravité, reste difficile à interpréter.
Pourquoi ne les a-t-on jamais vus ?
Parce que ce sont des corps noirs parfaits, n'émettant aucun
rayonnement, donc invisibles par nature. Lorsque le "cadavre stellaire"
résultant de l'explosion d'une étoile supergéante dépasse un seuil critique de
trois masses solaires - fixée théoriquement par les physiciens Oppenheimer et
Volkoff), il se comprime inéluctablement jusqu'à former un trou noir : à sa
surface, la vitesse nécessaire pour s'arracher à l'attraction gravitationnelle
est égale à celle de la lumière. Or, selon la théorie de la relativité générale,
la gravité peut s'interpréter comme une déformation de l'espace-temps au
voisinage d'un objet massif. Du coup, le trou noir, d'une densité théoriquement
infinie, creuse dans l'espace-temps une sorte de puits sans fond, susceptible
d'avaler lumière, matière et énergie passant à sa portée. Cette portée est
décrite comme l'horizon du trou noir : dès que cet horizon est franchi, l'objet
est aspiré et plus aucune information sur sa destinée de peut nous parvenir.
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Peuvent-ils être des passages vers
d'autres univers ?
Dans l'imagination fertile des auteurs de science-fiction, les trous
noirs sont les portes de tunnels intergalactiques permettant de se déplacer d'un
univers à l'autre. Pour fantaisiste qu'elle puisse paraître, cette idée ne
s'appuie pas moins sur des spéculations nées de l'esprit non moins fécond des
mathématiciens ! L'existence de "trous de vers" reliant un trou noir à un autre
situé dans le même univers, voire dans un hypothétique univers parallèle, est
une possibilité mathématique découlant - encore- de la relativité générale. Ces
"passages" naissent d'une déformation extrême de l'espace-temps, mais de façon
très fugace et dans des conditions inconnues dans la réalité, puisque leur
formation nécessiterait de la matière "exotique" de masse négative. En outre, un
vaisseau spatial qui s'aventurerait dans un tel trou de ver serait disloqué par
les forces de marées engendrées par l'incommensurable gravité.
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Un trou noir pourrait-il absorber
notre planète ?
L'attraction gravitationnelle exercée par un trou noir sur les objets
célestes est fonction de sa masse, égale à celle de la matière qu'il a
engloutie. Ainsi, si l'on substituait au Soleil un trou noir de même masse,
l'orbite de la Terre ne serait pas modifiée. En revanche, notre planète serait
irrésistiblement happée dans un trou noir, même de masse modeste, qui viendrait
à la frôler... mais cette rencontre préoccupe bien moins les vigies de l'espaces
que les astéroïdes aux mouvements erratiques.
Que se passerait-il maintenant si l'homme s'avérait capable de créer des trous
noirs sur Terre ? Ces "ogres" à l'appétit insatiable dévoreraient la moindre
parcelle de matière. Toujours plus massifs, ils développeraient leur pouvoir de
nuisance jusqu'à happer la Terre toute entière... L'hypothèse prête à sourire.
Pourtant, des rumeurs ont rapporté que des trous noirs microscopiques pourraient
être engendrés dans les accélérateurs de particules. Sur quoi reposent-elles ?
Sur l'hypothèse que deux particules entrant en collision avec une énergie
suffisamment grande pourraient s'effondrer l'une sur l'autre, la gravité prenant
le pas sur les autres forces qui régissent l'organisation de la matière. Il se
formerait, en somme, un trou noir lilliputien !
En 1999, l'hebdomadaire britannique The Sunday Times attirait ainsi
l'attention sur la mise en chantier d'un nouvel accélérateur du laboratoire de
Brookhaven (BNL), auxEtats-Unis, avec un titre choc : "La machine à big bang
pourrait détruire la Terre". Emoi du public, et démenti du directeur du BNL.
Aujourd'hui, c'est au tour du grand futur collisionneur à hadrons (LHC) du
laboratoire européen pour la physique des particules (CERN) d'être sur la
sellette. Il est en effet prévu pour délivrer une puissance gigantesque de 10
TeV (1012 eV). Aucun danger, rétorquent les spécialistes. L'influence
de la gravité sur les particules est si faible que, sauf à leur apporter une
énergie incomparablement plus élevée que celle du LHC, elle n'autorise aucun
rapprochement indécent... La possibilité de formation de micro-trous noirs dans
le LHC n'est cependant pas totalement exclue. Elle est en effet permise par la
nouvelle théorie des supercordes, qui propose une conception de l'Univers non
plus à quatre, mais à onze dimensions... Quoi qu'il en soit, ces micro-trous
noirs seraient inoffensifs, car ils s'évaporeraient en une fraction de seconde.
Dépaysant : une aventure parmi les trous noirs (pour amateurs de science-fiction scientifique)