Le laser
Principes et applications
Sur le corps d'un laser du laboratoire, on peut lire les indications suivantes.
Puissance de sortie : > 0.5 - < 1 mW
Longueur d’onde : 650 nm (red) +/- 3 nm
Stabilité de puissance : +/- 5% en 24 hrs.
Diamètre du faisceau de sortie : 3.0 mm +/- 10%
Divergence : < 2 mrad (diamètre à 5 m < 8 mm)
Polarisation : aléatoire
Temps de montée électronique : 1 s (standard)
Stabilité de la puissance de sortie : 5 minutes (standard)
Alimentation secteur (inclue) : 220 V / 50 Hz to 12 V DC / 50 mA (min)
A quoi correspondent-elles ? Quelles sont les caractéristiques de la lumière laser ?
Les lasers produisent une lumière domptée bien différente de la lumière ordinaire produite par le Soleil ou les ampoules de nos maisons. Les propriétés de la lumière laser vont être à la base des applications utilisant ce type de lumière.
La lumière "ordinaire" est | La lumière laser est |
de plusieurs couleurs Avec un prisme, la lumière que l'on voit blanche peut-être décomposée en arc-en-ciel |
d'une seule couleur on dit qu'elle est monochromatique. Elle ne peut pas se décomposer en un spectre. Il existe de nombreux lasers de couleurs différentes. |
multidirictionnelle Les différentes ondes se déplacent dans toutes les directions de l'espace à partir de la source |
unidirectionnelle Toutes les ondes lumineuses se déplacent dans la même direction et forment un faisceau de lumière étroit non divergent |
désordonnée Les différentes ondes lumineuses ne sont pas émises en même temps. Elles oscillent de manière désordonnée, indépendamment les unes des autres. |
ordonnée On dit aussi cohérente. Toutes les ondes sont en phase, c'est-à-dire que leurs bosses et leurs creux sont aux mêmes endroits. |
L'émission stimulée
Un atome, un ion ou une molécule
excités (dont l'énergie est supérieure à leur énergie la plus basse)
peuvent libérer leur énergie par émission spontanée d'un photon. Cependant,
il existe un autre mode d'émission, l'émission stimulée d'un photon
prévue par Albert Einstein en 1917.
Décrivons un peu le phénomène. Une particule (atome, ion ou molécule)
excitée émet un photon grâce à la stimulation que provoque l'arrivée d'un
photon de même énergie que celui qu'il pourrait potentiellement émettre. La
particularité de ce type d'émission est que le photon stimulé prend
strictement les mêmes caractéristiques (couleur, direction de la trajectoire
et phase) que le photon de départ, comme si le second était la copie conforme
du premier.
L'émission stimulée agit donc comme une duplication de la lumière.
L'oscillateur laser
Pour fabriquer la lumière laser, il faut :
Ø un
oscillateur laser
Ø une
source d'énergie
L'oscillateur est une sorte de boîte en
forme de cylindre allongé avec, à chacune de ses extrémités, un miroir. Il
contient le milieu laser qui est une collection de particules excitables
(atomes, ions ou molécules) se trouvant sous forme de solide, de liquide ou de
gaz. Le rubis est un milieu laser solide. Les particules excitables sont les
ions chrome.
La source d'énergie fournit assez d'énergie aux particules pour obtenir une
inversion de population (plus de particules excitées que de particules non
excitées). L'énergie absorbée par les particules du milieu laser pourra être
potentiellement libérée sous forme de lumière.
L'inversion de population
L'émission stimulée agit donc comme une duplication de la lumière. En répétant de nombreuses fois ce phénomène, il est possible de créer une lumière qui est composée de photons tous identiques, de même couleur, émis en même temps et dans la même direction comme s'ils étaient la copie conforme les uns des autres : c'est la lumière laser.
La seule découverte de l'émission stimulée
n'a cependant pas été suffisante pour créer des lasers. En effet, dans la
matière, les atomes, les ions ou les molécules sont beaucoup plus nombreux
dans un état non excité que dans un état excité. Il n'est donc pas possible
de provoquer assez d'émission stimulée pour produire de la lumière laser.
Il fallait trouver un moyen de renverser la tendance et d'obtenir dans le milieu
plus d'atomes (ou ions ou molécules) excités que d'atomes au repos. Ce
processus est appelé inversion de population.
Obtenir l'inversion de population, c'est créer plus d'atomes excités que d'atomes non excités.
Le physicien français Alfred Kastler, en
1949, apporta une solution à ce problème : le pompage optique.
Cette méthode permet de transférer de l'énergie lumineuse à des atomes. Ces
résultats lui valurent le prix Nobel de
physique en 1966. Le premier milieu utilisé a été le rubis, un cristal
d'alumine contenant un léger pourcentage
(0,05 %) d'oxyde de chrome. Ces ions chrome absorbent facilement le vert et le
bleu (d'où la couleur rouge du rubis) et
peuvent être excités en les éclairant avec un flash intense de lumière
blanche. Ils émettent ensuite leur énergie
sous forme de photons de lumière rouge (694,3 nanomètres de longueur
d'onde) de manière stimulée ou non. Les premiers lasers furent donc des lasers
à rubis.
Le pompage optique n'est pas la seule façon d'obtenir l'inversion de
population. Celle-ci peut être aussi
provoquée par décharge électrique, par certaines réactions chimiques...
L'oscillateur laser va servir à produire la
lumière.
Imaginons un photon émis spontanément dans le milieu
laser dont la trajectoire est perpendiculaire aux
plans des miroirs. En rencontrant une particule excitée,
il va stimuler la libération d'un deuxième photon.
Les deux photons identiques peuvent à leur tour stimuler d'autres libérations de photons et ainsi de suite, jusqu'à ce que le groupe de photons rencontre le miroir. Leur trajectoire étant perpendiculaire au plan de celui-ci, ils seront renvoyés strictement en sens inverse et continueront de nouveau à provoquer des émissions stimulées.
Un peu comme dans une réaction en chaîne, le nombre des photons identiques qui vont et viennent entre les miroirs va donc augmenter à chaque passage : c'est la première amplification de la lumière laser.
Pour que le faisceau laser sorte de l'oscillateur laser, l'un des deux miroirs est semi-transparent (une partie de la lumière n'est pas réfléchie par le miroir, elle traverse le miroir comme s'il était transparent).
Lorsque la source d'énergie excite en continu les particules du milieu laser, l'oscillateur produit de la lumière laser en continu. Après une rapide phase de mise en route, le rayon sortant garde une puissance constante.
Si la source d'énergie envoie par intermittence une décharge d'énergie dans l'oscillateur, la lumière laser est produite de manière discontinue, par impulsions très brèves et très intenses. On dit que le laser est impulsionnel. C'est, par exemple, le cas avec le pompage optique où l'énergie est apportée par un flash lumineux comme celui d'un appareil photographique.
La couleur d'un laser
La couleur du laser est définie par le choix du milieu laser. Il existe des lasers de toutes les couleurs : rouge, bleu, vert... Certains lasers sont même faits de lumière invisible comme les ondes infrarouges ou ultraviolettes. Les multiples couleurs des lasers font la beauté des spectacles laser. Quelques exemples de lasers sont donnés dans le tableau suivant.
Type de laser | Milieu laser | Particules excitables | Couleur courante |
Diodes laser | semi-conducteur | électrons et trous | rouge et IR |
Laser hélium-néon | hélium et néon (gaz) | atomes de néon | rouge |
Laser à rubis | rubis (solide) | ions chrome | rouge |
Laser argon | gaz argon | ions argon | bleu, vert et invisible (UV) |
Laser krypton | gaz krypton | ions krypton | rouge |
Laser à excimères | mélange de gaz rares et d'halogènes : xénon et chlore ou krypton et fluor le plus souvent | groupement de deux atomes excités | invisible (UV) |
Laser à vapeur de cuivre | vapeur de cuivre | atomes de cuivre (deux niveaux d'excitation) | vert et jaune |
Laser CO2 | Mélange gazeux d'azote, d'hélium et de CO2 | molécules de CO2 | invisible (IR) |
Laser Nd-YAG | Grenat d'aluminium et yttrium (YAG) dopé au néodyme | ions de néodyme | invisible (IR) |
Laser verre-néodyme | verre dopé au néodyme (solide) | ions de néodyme | invisible (IR) |
Laser à colorants | Colorant dans un solvant | molécules de colorants | différentes plages de couleur selon le colorant |
La plupart des lasers ne peuvent émettre que
sur une seule longueur d'onde. Il existe cependant
des lasers dont on peut régler la longueur d'onde. On dit qu'ils sont
accordables. Les principaux sont les lasers à colorant. Leur milieu
laser est un liquide contenant un colorant, particule excitable. Les molécules
de colorant, une fois excitées, ont la particularité d'émettre sur un grand
intervalle de longueurs d'ondes. Des réglages optiques très précis vont
sélectionner la longueur d'onde désirée.
Or l'excitation d'un atome est, en fait, un changement de niveau d'énergie pour
l'électron. Quand l'électron a capté assez d'énergie apportée par des
lasers à colorant, il quitte l'entourage de l'atome qui devient alors un ion.
La puissance d'un laser
Dans le cas des lasers continus, l'étendue des puissances de sortie va du mW à 50 kW. Le plus gros laser industriel d'Europe a été implanté à Yutz-Thionville en 1994. Il s'agit d'un laser CO2 (dioxyde de carbone) dont la puissance de sortie continue est de 45 kW. Il est dédié à des applications de soudage sur une forte épaisseur.
Dans le cas des lasers impulsionnels, il
faut distinguer :
- la puissance moyenne de sortie, qui tient compte également des
intervalles de temps entre chaque
impulsion ;
- la puissance de crête, qui est la puissance atteinte lors de
l'impulsion.
Par exemple, un laser de un watt donnant sa lumière de façon continue aura une
puissance de 1 joule/s, mais s'il
concentre une énergie de un joule en une décharge lumineuse d'une milliseconde,
sa puissance de crête va être
multipliée par mille et sera de un kilowatt. Le fait de délivrer leur énergie
sur des temps très courts (nanoseconde
voire picoseconde) permet pour certains lasers d'étude d'atteindre des puissances
de crête extrêmement élevées (jusqu'à plusieurs térawatts).
Plus modeste, un laser industriel dédié au soudage, de puissance moyenne 1 kW, pourra disposer d'une puissance de crête de 25 kW.
La cohérence dans le temps et dans
l'espace
La cohérence du laser dans le temps et dans l'espace regroupe les propriétés d'unidirectionnalité et de monophase. Elle est souvent à la base des applications potentielles des lasers. C'est la cohérence du laser, par exemple, qui va permettre la lecture des disques laser.
Le faisceau laser est parfaitement rectiligne.
La propagation d'une onde lumineuse est parfaitement rectiligne. Or, comme toutes les ondes du laser se propagent dans la même direction, un faisceau laser n'est pas divergent comme la lumière d'une lampe de poche, par exemple. Il est parfaitement rectiligne et visible sur de grandes distances. Cette propriété est utilisée lors des spectacles laser où le rayon lumineux se poursuit loin dans l'espace ou bien pour l'alignement des tracés de routes et de tunnels... Ainsi, un laser a été utilisé lors de la construction de la tour Montparnasse.
Un laser a permis de calculer la distance
Terre-Lune.
Les lasers servent aussi dans la télémétrie, c'est-à-dire la mesure de
distance. Le faisceau laser atteint
une cible qui le renvoie en sens inverse. La vitesse de la lumière étant
connue, il est possible, en mesurant le
temps mis par le faisceau laser pour faire l'aller et le retour, de connaître
la distance séparant la source laser
d'un obstacle. Cette méthode a même permis le calcul de la distance Terre-Lune
L'éclairement par laser
Les diamètres des faisceaux émis par les lasers (plusieurs dizaines de mm pour les lasers de puissance industriels) ne permettent pas, le plus souvent, une utilisation directe de ces faisceaux. La focalisation permet d'augmenter considérablement l'éclairement qui se définit en nombre de watts par centimètre-carré, (W / cm2). Par exemple, l'éclairement du soleil peut atteindre 0,1 W / cm2 . Une loupe qui focalise la lumière du soleil peut permettre d'atteindre un éclairement de 100W / cm2, ce qui suffit pour enflammer du papier.
L'éclairement est défini par le nombre de watts par centimètre carré (W/cm2 ).
Pour les lasers, la focalisation peut être
obtenue par des systèmes optiques à lentilles si les flux et/ou la longueur
d'onde du faisceau le permettent, ou par des dispositifs à miroirs, ce qui est
un cas courant.
La focalisation est, par exemple, indispensable pour les opérations
industrielles de perçage, soudage et découpe.
Elle est aussi utile pour les lasers de puissance utilisés par les chercheurs
pour étudier l'interaction très forte
lumière-matière.
A contrario, on peut être amené à limiter et/ou homogénéiser l'éclairement. C'est le cas des opérations de traitement de surfaces.
Panneau indiquant la présence d'un laser SÉCURITÉ LASER
Les lasers sont des outils souvent
indispensables pour de nombreuses
applications, mais il ne faut pas en oublier les dangers.
Leur utilisation peut présenter des risques pour l'homme en fonction de
la puissance du laser. L'oeil est l'organe le plus fragile vis-à-vis de
la lumière laser. En effet, si le faisceau laser est dirigé dans l'oeil,
celui-ci focalise le faisceau laser, ce qui
augmente l'éclairement sur la rétine.
Cette dernière peut alors être endommagée même avec des
lasers de faible puissance (dès 1 mW).
Principales utilisations (en fonction de leur puissance)
Utilisation | Puissance | Mode de fonctionnement | Remarques |
Lecture des CD Lecture des codes-barres |
quelques mW | continu | petites diodes laser qui s'intègrent dans les appareils comme des composants électroniques ordinaires |
Lasers d'alignement pour les travaux
publics Guidage d'engins |
environ 10 mW | continu | petits lasers, le plus souvent He-Ne |
Lasers de transport des télécommunications | quelques dizaines de mW | continu ou impulsionnel | Petites diodes laser Ces faisceaux laser sont transportés à travers toute la planète et sur de très longues distances le long de fibres optiques tendues sous terre ou dans la mer. |
Discothèques, spectacles laser | quelques watts | continu | Lasers à argon ou He-Ne |
Applications médicales Chirurgie externe (sans ouvrir le corps) ou interne (oeil et décollement de rétine, caries, bistouri) |
variable selon les applications | continu ou impulsionnel | Lasers YAG ou lasers
à CO2. Les lasers utilisés pour des applications médicales sont assez puissants. Ils peuvent brûler une partie endommagée dans le corps, souder la rétine sur l'oeil ... Mais attention, le médecin ou le dentiste doivent avoir la main sûre. Cependant, aucun autre instrument ne permet une intervention aussi précise.
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Nettoyage ou préparation de surfaces (décapage au laser des monuments historiques) | Puissances crêtes de l'ordre de 107 à 108 watts | impusionnel : très courtes impulsions (quelques dizaines à quelques centaines de nanosecondes) | Lasers excimères ou YAG Ce procédé permet d'éliminer totalement ou de manière sélective des couches surfaciques recouvrant différents matériaux sans les altérer en-dessous, en concentrant le faisceau sur les zones à décaper |
Procédés d'enrichissement de l'uranium | quelques centaines de watts | impulsionnel (5 000 impulsions/seconde) | lasers à vapeur de cuivre pompant des lasers à colorants |
Soudage des métaux | Quelques dizaines de watts à 50 kW, selon l'épaisseur | continu ou impulsionnel | lasers YAG (100 W à 2 kW) laser CO2 (100 W à 50 kW) |
Découpage de matériaux (bois, Plexiglas, métaux) | 1 à 3 kW | continu ou impulsionnel | |
Lasers de puissance (recherche) |
En savoir plus, sur le site du CEA. Un présentation accessible à tous !
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