Le tourbillon des baignoires

 

C'est une question classique, régulièrement posée... et la réponse fournit est bien souvent incorrecte. J'en veux pour preuve une collègue, enseignant l'histoire et la géographie, qui me soutenait mordicus que l'hémisphère dans lequel on observait le tourbillon conditionnait le sens de celui-ci.

Voici ce que le mathématicien russe D. Grave disait à ce sujet :
"Si l'on vide un réservoir de son liquide par un trou situé en son fond, alors on voit se créer un vortex qui, dans l'hémisphère Nord, tourne dans le sens opposé aux aiguilles d'une montre et, dans l'hémisphère Sud, dans la direction opposée. Chaque lecteur peut expérimenter ce fait élémentaire en vidant sa baignoire. Pour mieux observer cet effet, on peut jeter des petits morceaux de papier dans l'eau. On obtient alors une expérience intéressante et facile à réaliser, prouvant la rotation de la Terre."

Ces conclusions semblent tout à fait vraisemblables. La rotation de la Terre intervient effectivement dans de nombreux phénomènes tels que les cyclones, les courants marins... On pourrait donc s'attendre à ce que la Terre influence également les tourbillons d'eau dans les réservoirs et les turbines à eau comme il vient d'être énoncé.

Il ne faut cependant pas se fier à cette première impression. L'observation du vortex dans une baignoire peut être facilement vérifiée... et ne confirme pas toujours la théorie ! Le vortex tourne parfois dans le sens des aiguilles d'une montre, et parfois dans l'autre : non seulement il n'y a pas de sens de rotation privilégié, mais il n'y a même pas de tendance vers l'une ou l'autre des possibilités, en particulier si les observations sont réalisées dans des réservoirs de formes différentes.

Un calcul permet de préciser le résultat des opérations. Il montre que l'influence de rotation de la Tere est dérisoire dans ce genre de phénomènes. Pour cela, on utilise la relation

où a est l'accélération de rotation, v la vitesse du corps en mouvement, w la vitesse angulaire de rotation de la Terre pour la latitude j du lieu de l'observation. Par exemple, à la latitude de Paris avec une vitesse de l'eau de 1 m/s,

Comme l'accélération de la pesanteur est égale à 9,8 m.s-2, l'accélération de rotation est environ 100 000 fois plus petite : il est évident que la moindre irrégularité, la moindre dissymétrie du réservoir par rapport au trou va beaucoup plus influer sur l'écoulement de l'eau que la rotation de la Terre. Si l'on fait un grand nombre d'observations sur un même réservoir, on finit par obtenir un sens privilégié. Mais ce fait n'atteste nullement la règle de rotation dont on parle, elle prouve seulement une propriété de la forme du réservoir sur le sens de rotation du vortex.

Il est donc impossible de prédire le sens de rotation du vortex près de l'orifice dans un réservoir d'eau : il est défini par les caractéristiques de ce dernier. De plus, les vortex qui pourraient être créés dans les liquides par la rotation de la Terre doivent avoir, selon les calculs, des diamètres beaucoup plus grands que les tourbillons dans les réservoirs. Par exemple, à Paris avec une vitesse de l'eau de 1 m/s, le vortex doit avoir 18 m de diamètre.

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