Introduction à la chromatographie






Séparation d'isomères de molécules de phénol très semblables
de façon surprenante par Véronique Dion et Véronique Payant




1: GÉNÉRALITÉS CHROMATOGRAPHIQUES



A. SÉPARATION CHROMATOGRAPHIQUE

Le mécanisme de la séparation chromatographique s’explique par les différences de répartition des molécules des composés d’un mélange entre deux phases non-miscibles: l’une mobile et l’autre stationnaire. En chromatographie les constituants d'un mélange se partagent entre les deux phases: l’une phase mobile et l’autre stationnaire (figure 1.1 mais où la répartition entre les deux phases peut être différente). Ce phénomène est dynamique, les molécules passant continuellement d'une phase à l'autre; ce qui crée un état d'équilibre entre la phase mobile et la phase stationnaire pour un constituant en particulier. À ce moment le rapport des concentrations est égal au rapport des répartitions dans les deux phases ou coefficient de partage K.




Plus K est grand, plus le composé est absorbé fortement dans la phase stationnaire et plus la rétention est grande et inversement.

La valeur de K dépend - de la structure du composé qui détermine son affinité pour chacune des phases
- de la nature de la phase stationnaire qui est un adsorbant ou un solvant pour chacun des composés
- de la phase mobile, seulement si elle est un liquide, et donc un solvant pour chacun des composés
- de la température qui affecte les pressions de vapeur et les solubilités



B. CLASSIFICATION DES TECHNIQUES CHROMATOGRAPHIQUES SELON LES PHASES MOBILES ET SELON LES MÉCANISMES DE SÉPARATION

Tableau 1.1

Chromatographie en phase gazeuse
type phase stationnaire
gaz/solide adsorption solide poreux
gaz/liquide partage
(partition)
dans les colonnes remplies, solide poreux
inerte enrobé de liquide
dans les colonnes capillaires, paroi interne
de la colonne qui sert de support



Tableau 1.2

Chromatographie en phase liquide
type phase stationnaire
liquide/solide adsorption solide poreux
échange d'ions solide à la surface duquel se trouvent des sites ioniques
qui permettent à l'aide d'un solvant approprié l'échange
d'ions présents dans la phase mobile
d'exclusion
(filtration sur gel,
perméation de gel)
solide dont la dimension des pores permet la séparation
des espèces selon leur taille
liquide/liquide partage
phase normale
solide poreux inerte enrobé de liquide
(de moins en moins utilisée)
partage
phase inversée
solide poreux sur lequel sont greffées
des chaînes hydrocarbonées non-polaires



Tableau 1.3

Chromatographie en phase supercritique
gaz supercritique/solide
gaz supercritique/liquide



C. SÉPARATION EN CHROMATOGRAPHIE D’ADSORPTION

En chromatographie d’adsorption, la répartition des molécules se fait entre la phase mobile et la surface de la phase stationnaire qui n’est pas liquide, donc qui ne joue pas le rôle de solvant. La figure 1.1 représente le mécanisme de l’adsorption et de la désorption.



Figure 1.1. Répartition des molécules entre les deux phases dont l’une est solide. Ici les molécules sont adsorbées à la surface du solide.


Les forces de Van der Waals, les liaisons hydrogène, etc... jouent aussi un rôle dans l’affinité qu’ont les molécules pour l’une ou l’autre phase.

La phase mobile

La phase mobile peut être un gaz (gaz vecteur) ou un liquide (ou solvant). Si la phase mobile est un gaz elle ne sert qu’à entraîner les constituants à travers la colonne. Le passage des constituants vers la phase mobile ne dépend pas de leur solubilité mais de leur pression de vapeur.

Si la phase mobile est un liquide elle a un double rôle : celui d’entraîner les composés à travers la colonne et celui de solubiliser les constituants du mélange.


D. SÉPARATION EN CHROMATOGRAPHIE DE PARTAGE

Différences de répartition des molécules des composés d’un mélange entre deux phases non-miscibles; l’une mobile et l’autre stationnaire constituée d’un liquide. Les différents composés d'un mélange sont entrainés par une phase mobile à travers une couche d'absorbant qui est fixe. Ils se déplacent plus ou moins rapidement selon leur répartition entre les deux phases décrites plus haut. Plus leur répartition dans la phase stationnaire est grande plus leur rétention est grande et inversement. L'affinité de chaque constituant pour la phase stationnaire dépend de sa solubilité dans cette phase et de sa polarité. Les forces qui entrent en jeu sont donc les forces de Van der Waals, les ponts hydrogène, etc.


Figure 1.2. Répartition (elle peut être différente) des molécules d’un composé entre les deux phases. L’absorption se produit devant le pic et la désorption derrière.

La phase stationnaire en chromatographie de partage doit être chimiquement inerte, c'est-à-dire qu'elle ne doit réagir avec aucun des constituants du mélange au cours de la séparation.


Figure 1.3. Migration de trois composés en fonction de leur répartition entre les deux phases. Plus l'affinité des différents constituants pour la phase stationnaire est grande plus leur rétention est grande et inversement. Un constituant plus soluble qu'un autre dans la phase stationnaire est retenu davantage et migre plus lentement.



E. ÉQUILIBRE EN CHROMATOGRAPHIE DE PARTAGE - ISOTHERMES

Si un composé se partage également entre la phase mobile et la phase stationnaire, comme le montre la figure 1.4 a, il apparaît sous la forme d’un pic parfaitement symétrique. Ce qui signifie que le partage (absorption dans la phase stationnaire ou adsorption) se réalise dans des conditions idéales. En réalité, la plupart du temps, les pics en chromatographie se présentent sous des allures bien différentes en figures 1.4 b et c.



Figure 1.4. a) le composé se partage également entre les deux phases;
b) le composé est absorbé trop rapidement dans la phase stationnaire, il migre trop vite et laisse un effet de queue;
c) le composé est absorbé trop lentement dans la phase stationnaire, sa migration est trop lente.



F. GRANDEUR DE RÉTENTION ET RÉSOLUTION

1. Le volume ou le temps de rétention

Soit la séparation de deux composés par chromatographie de partage (figure 1.5). Un des paramètres les plus importants en chromatographie sur colonne est le volume de rétention qui s’exprime comme



et pour un soluté non retenu, ce volume devient:



Le temps de rétention est habituellement utilisé à la place du volume de rétention et sa grandeur dépend:
- de la nature de la phase stationnaire
- de la nature de la phase mobile
- du débit de la phase mobile
- de la longueur de la colonne





tm = temps de rétention d’une substance non retenue sur la colonne
tr = temps de rétention
t’r = temps de rétention corrigé par rapport à tm
l = largeur du pic à la base
h = hauteur du pic
h’ = hauteur corrigée du pic


Figure 1.5. Chromatogramme typique montrant la séparation de deux constituants d’un mélange et les différents paramètres mesurables.


2. Le facteur de capacité k’

Ce facteur s’apparente au coefficient de partage puisqu’il exprime le rapport de la quantité de soluté dans la phase stationnaire à la quantité de soluté dans la phase mobile. Ce facteur, sans dimension, peut être relié au temps de rétention. Il a l’avantage de ne dépendre ni du débit ni de la longueur de la colonne. Il est facilement calculé pour une substance dont le temps de rétention est tr par l’expression:



3. Le facteur de sélectivité a

Ce facteur de sélectivité ou de séparation, sans dimension, est égal au rapport des facteurs de capacité de deux solutés dont on veut réaliser la séparation. Il s’exprime comme ceci :





4. La résolution R

La résolution est une mesure de la qualité d’une séparation.
Deux caractéristiques déterminent le degré de recouvrement des pics:
a) la distance séparant les sommets de deux pics mesurée par tr2 - tr1;
b) la largeur des pics à la base l.



Figure 1.6. a) les pics se recouvrent;
b) la distance séparant les sommets des pics est plus grande mais les largeurs à la base sont les mêmes qu’en a);
c) la distance séparant les sommets des pics est égale à celle trouvée en a) mais les largeurs à la base sont plus petites qu’en b).


Comme le montre la figure 1.6, la séparation idéale est réalisée en c) où la valeur de R est un peu plus grande que 1. Pour des valeurs de R beaucoup plus grande que 1, la séparation des pics n’est pas meilleure mais le temps de la séparation devient inutilement long.

Exprimée en termes de volume de rétention, la résolution est égale à



Exprimée en termes de temps de rétention, la résolution est égale à



5. Le nombre de plateaux théoriques N

C’est un paramètre qui sert à mesurer la performance d’une colonne à distillation fractionnée. Autant il est souhaitable dans une distillation fractionnée d’avoir le plus de distillations simples possibles pour obtenir la meilleure séparation des constituants d’un mélange autant il souhaitable que le passage d’une substance de la phase mobile à la phase stationnaire et inversement se fasse sur la distance la plus courte possible. Le nombre de fois que ce phénomène se passe correspond à un plateau théorique.

l = largeur du pic à la base
w = largeur du pic à mi-hauteur
La hauteur équivalente à un plateau théorique h est
LC = longueur de la colonne
et N = nombre de plateaux théoriques


L’équation de la résolution R vue plus haut est très utile pour mesurer le degré de séparation mais ne relie pas les paramètres fondamentaux de la chromatographie, sélectivité, facteur de capacité et nombre de plateaux théoriques à la résolution.

C’est pourquoi on utilise:



6. Variation de R avec a

Si a = 1, il n’y a pas de séparation quelle que soit la valeur de N.
Si a passe de 1,1 à 1,2, la valeur de R double.
Si a > 2, la valeur de R ne change presque pas comme le montre la figure 1.7.



Figure 1.7. Variation de R avec a.



7. Variation de R avec k’



À ce moment le temps de rétention devient très long et le pic de plus en plus large (figure 1.8).


Figure 1.8. Variation de R avec k’.


Variation de R avec N La valeur de R est proportionnelle à la racine carrée du nombre de plateaux théoriques. Si la longueur de la colonne est multipliée par 2, R est multiplié par 1,4. Cependant, N demeure un facteur important dans le processus de séparation des pics en chromatographie.



8. Facteurs dépendant des conditions d'opération


a) Le débit du gaz vecteur (phase gazeuse) ou du solvant (phase liquide)

La hauteur d’un plateau théorique h peut être affectée par la vitesse du gaz vecteur ou son débit. En effet plus le débit du gaz vecteur est grand, plus le soluté migre rapidement et inversement car le débit modifie le coefficient de partage. Cette relation entre débit ou vitesse moyenne du gaz vecteur et la hauteur d’un plateau théorique h a été mise en évidence par Van Deemter (fig. 1.9).



A dépend de la diffusion tourbillonnaire dans les canaux formés par les grains du support (colonnes remplies). A est inexistant dans une colonne capillaire.

B est facteur de la diffusion moléculaire dans la phase gazeuse.

C dépend de la résistance au transfert de masse en phase liquide.



Figure 1.9. Courbe de Van Deemter. Variation de la hauteur d’un plateau théorique en fonction du débit du gaz vecteur.


b) La température de la colonne

Vous pouvez télécharger ce programme, modifié par l'enseignant de mathématiques Charles Foucault, et remplacer les données comme exemples obtenues expérimentalement au laboratoire de chromatographie en phase gazeuse.

Ce programme qui s'appelle "Deemter_dvT.mws" pourra fonctionner dans MAPLE.