2: CHROMATOGRAPHIE EN PHASE GAZEUSE



APPAREILLAGE

Un appareil de chromatographie en phase gazeuse comporte trois parties : injecteur, colonne et détecteur (figure 2.1) à travers lesquelles un gaz vecteur entraîne les substances d’un mélange à séparer. Le gaz vecteur le plus utilisé est l’hélium, les autres sont l’hydrogène, l’azote ou l’argon. Il doit être très pur et surtout ne contenir ni oxygène, ni eau. Le débit du gaz est ajusté par un régulateur.



Figure 2.1. Schéma d’un appareil à chromatographie en phase gazeuse.



A. INJECTEUR

Il sert à l’introduction du mélange à analyser dans la colonne.

Cette opération est faite - à l’aide d’une micro seringue - pour les liquides et les solutions
- à l’aide d’une vanne à boucles - pour les mélanges gazeux

Règle générale, la chambre d’injection doit être à une température plus élevée que celle de la colonne pour faciliter l’évaporation des échantillons. La température idéale est celle qui est 20o plus élevée que le point d’ébullition de la substance la moins volatile.

Le choix de l’injecteur est dicté par le type de colonne utilisée (remplie ou capillaire) et par la nature des produits à séparer (leur résistance à la décomposition lorsqu’ils sont soumis à de hautes températures).

Il y a essentiellement deux techniques d’injection, si on ne tient pas compte de la vanne à boucles: la vaporisation directe “dans la colonne” et l’introduction dans la colonne d’une fraction de ce qui est injecté (split/splitless). Cette dernière technique est utilisée avec les colonnes capillaires.

Pour éviter les décompositions catalytiques causées par les métaux qui composent le corps de l’injecteur, on y place un tube de verre dans lequel est introduit le mélange à analyser.

1. L’injection à chaud avec vaporisation directe dans le corps de l’injecteur (figure 2.2). Ce type d’injection présente l’inconvénient de favoriser la décomposition des substances fragiles car la température de l’injecteur est passablement plus élevée que celle de la colonne. Surtout utilisées avec les colonnes remplies.


Figure 2.2. Injecteur avec vaporisation directe à chaud. Remarquez la simplicité de cet accessoire.



2. L’injection à chaud “dans la colonne” avec vaporisation directe évite la décomposition des substances sensibles au niveau de l’injecteur mais présente deux inconvénients:

- l’obstruction de la seringue parce qu’elle risque de piquer dans la phase stationnaire;
- la perte de phase stationnaire dans la section de colonne qui se trouve dans l’injecteur.


3. Injecteurs split/splitless
Les injections sur colonnes capillaires ou mégabores doivent obéir à trois critères importants:
- garantir la composition du mélange (fiabilité);
- ménager la colonne;
- maintenir la reproductibilité des injections (précision).

Ce type d’injecteur ne laisse entrer dans la colonne qu’une petite partie du volume injecté. Cette fraction est ajustable et peut atteindre 1/200. Il est aussi équipé d’une purge de septum qui joue deux rôles :

- celui de compenser l’augmentation de volume lors de l’évaporation de l’échantillon;
- celui de laisser sortir le surplus de gaz provenant de l’injection précédente.



Figure 2.3. Injecteur split/splitless du modèle 8310 de la compagnie Perkin-Elmer.



4. L’injection à froid suivie d’une brusque montée de la température est utilisée lors de la séparation de substances très fragiles. Cette technique permet la condensation à l’entrée de la colonne de produits qui ne supportent pas les hautes températures des injecteurs conventionnels. Une fois l’injection faite, la température de l’injecteur est très rapidement élevée de façon à ne chauffer les substances injectées que sur un temps beaucoup plus court que celui passé dans un injecteur à chaud.



B. COLONNES

Il existe deux types de colonnes avec des variantes (figure 2.4 et 2.5):
- colonnes remplies ou à garnissage (packed);
- colonnes capillaires (open tubular).


Figure 2.4. Colonne remplie
Figure 2.5. Colonne capillaire.
Les représentations ne sont pas à l’échelle entre colonnes remplie et capillaire.


Caractéristiques des colonnes remplies ou à garnissage (packed)
- diamètre interne : 1/8" (3,2 mm) ou 1/4" (6,4 mm)
- longueur : 0,5 à 3 mètres
- tube : acier inoxydable - assez inerte et bon conducteur de chaleur
verre - inerte mais mauvais conducteur de chaleur


1. Garnissage pour chromatographie gaz-solide

granulé polymérique de gel de silice traitée à très haute température ou par un procédé hydrothermique par lequel il est possible d'obtenir des pores de dimensions voulues. La surface de ce matériel poreux peut atteindre 500 m2/g.

polymère organique du type éthylvinylbenzène-divinylbenzène qui possèdent des pores dont le diamètre varie de 0,0075 a 0,8 mm.


2. Garnissage pour chromatographie gaz-liquide

support solide de poreux et inerte imprégné d'un liquide non volatil appelé phase stationnaire qui peut être de nature diverse (voir plus loin).

nature du support - surtout gel de silice

- provenant de terre de diatomées
- peut être actif s'il possède beaucoup de groupements -Si-OH libres
- peut être désactivé par réaction avec le dichlorodiméthylsilane ou le diméthylsilazane.
- lavé à l'acide (acid washed) pour enlever les oxydes métalliques, en particulier les oxydes de fer
- lavé par une base pour permettre la chromatographie de substances basiques.


L’efficacité des colonnes remplies (figure 2.6) est limitée par:
- la dispersion des molécules du soluté dans les diverses trajectoires à travers les grains;
- la différence de rétention provenant de la non uniformité de la répartition de la couche stationnaire sur les grains.



Figure 2.6.



3. Caractéristiques des colonnes capillaires

- diamètre interne : voir le tableau 2.1
- longueur : 15 à 100 mètres
- tube : silice fondue recouvert d’une mince couche de polyimide



L’efficacité des colonnes capillaires (figure 2.7) ne dépend que de la vitesse de passage dans la phase stationnaire.



Figure 2.7.



Tableau 2.1

Quelques caractéristiques des colonnes remplies et colonnes capillaires
diamètre interne
(mm)
capacitéa
(ng)
plateaux théoriques
par mètre
débit optimal
(mL/minute)
0,20 5-30 5000 0,40
0,25 50-100 4170 0,70
0,32 400-500 3330 1,40
0,53 1000-2000 1670 2,50
0,75 10000-15000 1170 5,00
2,00b 20000- 2000 20,00
a capacité en fonction de l’épaisseur de la couche de la phase stationnaire
b colonne remplie



4. Choix des phases stationnaires

Ce choix se fait en fonction de la nature des substances à séparer.



Tableau 2.2

Molécules Exemples Phases stationnaires
non-polaires
liaisons C-H et C-C
hydrocarbures normaux
(n-alcanes)
SPB-octyl
poly(méthylsiloxane), SE-30
SPB-5, PTE-5, SE-54
polaires
liaisons C-H et C-C
liaisons C-Cl, -Br, -F
liaisons C-N, -O, -P, -S
alcools, éthers, thiols,
amines, acides carboxyliques,
esters et cétones
poly(méthylphénylsiloxane)
poly(cyanopropylméthylsiloxane)
PEG, Carbowax 10, 20M
polarisables
liaisons C-H et C=C
et acétyléniques
alcènes aromatiques poly(cyanopropylsiloxane)
poly(cyanopropylphénylsiloxane)
TCEP




C. DÉTECTEURS


1. Détecteur à conductibilité thermique - catharomètre

Principe

Une résistance sensible à la température - tungstène, platine ou thermistance - est placée dans un flux gazeux. Un équilibre thermique est atteint quand le refroidissement de cette résistance provoqué par le passage du gaz vecteur compense son réchauffement au moyen d'un courant électrique. Cet équilibre est modifié par l'arrivée d'un soluté entraîné par le gaz vecteur (à condition que la conductibilité du soluté soit différente de celle du gaz vecteur) car la capacité de refroidissement du mélange, différente de celle du gaz vecteur seul, entraîne une variation de la résistance.

Cette résistance est un élément d'un pont de Wheatstone (figure 2.13) opposé à une autre résistance où ne circule que le gaz vecteur. Le déséquilibre de ce pont génère un signal qui indique la présence d'un soluté.



Figure 2.13. Détecteur à conductibilité thermique.



Sur l’appareil à chromatographie en phase gazeuse de marque Hewlett-Packard, le détecteur à conductibilité thermique n’utilise pas un pont de Wheatstone conventionnel. Il n’y a qu’une résistance qui sert de référence et de mesure à tour de rôle.

En voici le schéma:

Figure 2.14. Sur le schéma de gauche, le gaz vecteur est dirigé sur la filament. À la sortie de colonne, le gaz vecteur contenant le soluté est envoyé directement vers la sortie. Sur celui le schéma de droite, le gaz vecteur est envoyé vers la sortie et le gaz vecteur contenant le soluté est dirigé vers la filament.


Caractéristiques:
- moyennement sensible;
- non destructif;
- économique et d'entretien facile;
- sensible aux changements de température et de débit.


Un des inconvénients de ce détecteur réside dans le fait que la conductibilité thermique d'un mélange soluté-gaz vecteur n'est pas une fonction linéaire de la concentration. Mais le fait de travailler dans un domaine de très grande dilution et celui d'utiliser un gaz de très grande conductibilité thermique (tableau 2.6) comme He ou H2 permettent de surmonter cette difficulté.


Tableau 2.3

Conductibilité thermique
par rapport à l’azote
à 100oC
Hydrogène 6,95
Hélium 5,54
Méthane 1,72
Azote 1,00
Argon 0,71



2. Détecteur à ionistion de flamme

Principe

Des ions sont formés par la flamme provenant de la combustion de l'hydrogène dans l'air. Si une substance carbonée (organique) est présente dans cette flamme, le nombre d'ions formés argentent considérablement. La buse du brûleur étant une des bornes d’un circuit et une électrode collectrice l'autre, les ions produits captés par cette dernière permettent le passage du courant et indique par le fait même la présence d'un soluté.

La réponse du détecteur FID est proportionnelle à la masse du soluté qui passe dans le brûleur. Sa linéarité dépendrait plus de la géométrie du système et que de la quantité injectée.



Figure 2.15. Détecteur à ionisation de flamme du modèle 8310 de la compagnie Perkin-Elmer.


Caractéristiques:
- très sensible;
- montre une réponse linéaire en fonction de la masse de soluté;
- sensible aux changements de température et de débit;
- non sélectif - universel;
- destructif - les substances sont brûlées.


Les détecteurs décrits précédemment, bien qu'économiques et universels, ne donnent aucun renseignement sur la nature des substances détectées ; le temps de rétention n'étant pas une caractéristique spécifique d'un composé.

Avec l'avènement de l'électronique moderne, il est possible maintenant de coupler des spectromètres aux chromatographes en phase gazeuse.


3. Détection par spectroscopie infrarouge

Cette détection peut se faire de deux façons. La première consiste en la condensation à froid de l'éluant gazeux sur du KBr et l'enregistrement des spectres des différents échantillons. Cette méthode, mieux adaptée aux appareils dispersifs ne permet pas d 'obtenir le chromatogramme en temps réel.

L'arrivée sur le marché des spectromètres à transformée de Fourier a permis de prendre les spectres des solutés pendant le temps de sortie des pics en faisant passer l'échantillon à travers un tube chauffé dans le faisceau infrarouge.


4. Détection par spectrométrie de masse

Le couplage du chromatographe et du spectromètre de masse est simplifié du fait de la nature de la phase mobile qui est gazeuse. Le problème réside dans les différences de pression qui existent entre les deux appareils ; le chromatographe fonctionnant à pression atmosphérique et le spectromètre de masse sous un vide très poussé. Pour maintenir ce vide dans les cas où le débit est relativement grand et pour éviter que le vide se fasse dans la colonne, on intercale un séparateur à jet moléculaire (figure 2.16).


Figure 2.16. Couplage entre le chromatographe en phase gazeuse et le spectromètre de masse par un séparateur à jet moléculaire chauffé pour éviter la condensation des substances éluées.