4: DÉTECTEURS EN CHROMATOGRAPHIE LIQUIDE



1. Deux types de détection basés:

• sur les propriétés générales (solvant + soluté); ex: indice de réfraction, conductivité, constante diélectrique,...

• sur les propriétés des solutés; ex: UV, polarographie, radioactivité,...


2. Principaux paramètres:


bruit qui se définit comme la variation du signal de sortie d'un détecteur non attribuable au passage du soluté dans la cellule.

a) bruit à court terme: zigzags sur la ligne de base;
b) bruit à long terme: pics et vallées;
c) dérive: déviation constante de la ligne de base vers le haut et le bas de l'échelle.


sensibilité

a) absolue -mesurée par un déplacement sur toute l'échelle de l'enregistreur lorsque la sensibilité du détecteur est maximale sans interférence du bruit de fond.

b) relative concentration minimale de soluté détectable pour un signal au moins égal à deux fois la hauteur du bruit de fond.

la sensibilité peut changer avec la nature du bruit de fond (type de détecteur);

peut varier avec le débit (polarographie);
peut varier avec la température ambiante.

le volume mort, l'élargissement des pics dans la cellule et les raccords peuvent augmenter la quantité minimale détectable d'un échantillon.


linéarité: région où il y a une proportion linéaire entre le signal de sortie et la concentration du soluté.



LES TYPES DE DÉTECTEURS


A. SPECTROSCOPIE DANS L'ULTRAVIOLET ET LE VISIBLE

Mesure l'absorbance absolue d'un solvant + soluté ou la différence d'absorbance entre le solvant et le solvant + soluté (en présence d'une cellule de référence) à longueur d'ondes fixe de 254 ou 280 nm ou à longueur d'ondes variable entre 190 et 800 nm ou à longueurs d'ondes multiples comme les réseaux de diodes.

Les cuvettes doivent être construites de façon à empêcher la production de faisceaux parasites et éviter la formation de bulles d'air.


Figure 4.1. Schéma d'une cuvette trouvée dans un détecteur UV - visible.



Avantages:

Sensibilité - détection de substances de concentration égale à 5x10-7 et 5x10-8 M par utilisation de cuvette de volume aussi petit que 5 mL ( trajectoire optique = 1 cm).

Sélectivité - il est possible de choisir une ou des longueurs d'ondes qui permettront de voir apparaître le pic correspondant à certaines substances choisies plutôt que toutes. Les détecteurs pouvant mesurer l'absorbance à quatre longueurs d'ondes simultanément ou ceux à réseau de diodes permettent de s'assurer de l'homogénéité d'un pic et ainsi se rendre compte d'une possible coélution.

- renseignements spectraux sur substances par le spectre UV (réseau de diodes);
- peu sensible aux variations de débit et de température;
- utilisation et entretien facile;
- peut être utiliser en mode gradient d'élution.


Inconvénients:
- les substances doivent être chromophores;
- facteurs de réponse différents pour chaque composés;
- bandes passantes souvent trop larges (réseau de diodes);
- emploi plus difficile (réseau de diodes).





Figure 4.2. Schéma d'un détecteur à réseau de diodes qui mesure l'absorbance d'une substance sur une plage de longueurs d'ondes qui peut varier de 190 à 810 nanomètres.



B. FLUORIMÉTRIE

Mesure l'énergie de fluorescence d'un soluté excité par une radiation ultraviolette. L'émission de lumière est mesurée à angle droit du faisceau d'excitation.

Sert pour les composés fluorescents ou les dérivés fluorescents de certains composés.

Avantages:
- encore plus sensible que le détecteur UV;
- très spécifique;
- peu sensible aux variations de débit et de température;
- peut être utiliser en mode gradient d'élution.

Inconvénients: - les substances doivent être fluorescentes;
- sensible à l'oxygène dissous dans la phase mobile.


Figure 4.3. Schéma d'un détecteur à fluorescence d'Agilent. Remarquez qu'il peut combiner deux détecteurs: linéairement avec détection sur des photodiodes et à angle droit en fluorescence.



C. RÉFRACTOMÉTRIE

Mesure de manière continue la différence d'indice de réfraction entre une phase mobile (éluant + substance) et l'éluant circulant respectivement dans la cellule de référence et la cellule de mesure.

Deux types:
- réfractomètre à déviation mesure la déviation d'un faisceau lumineux traversant une cellule séparée en deux compartiments de forme triangulaire par une cloison de verre, chaque compartiment contenant un liquide d'indice de réfraction différent;

- réfractomètre à réflexion mesure la fraction de lumière réfléchie ou transmise par une interface verre-liquide, fraction qui est proportionnelle aux indices deréfraction des deux substances.

Avantages:

- détecteur universel qui n'est limité que dans le cas où la substance à analyser possède un indice de réfraction égal à celui de l'éluant;
- facteur de réponse semblable pour produits de même classe;
- faible sensibilité, utile en chromatographie préparative.

Inconvénients:
- manque de sensibilité en général;
- très sensible vis-à-vis la température qui doit être contrôlée à 0,001;
- sensible aux variations de débit;
- sensible à un soluté en particulier; dépend de la différence entre son indice de réfraction et celui de la phase mobile;
- gradient d'élution utilisable seulement dans le cas où les différents solvants ont des indices de réfraction semblables.



Figure 4.4. Schéma d’un réfractomètre de Bischoff. La lumière émise par une diode passe par une fente avant d’être déviée par un miroir semi-transparent vers le miroir concave et traversant les deux moitiés de la cuvette de mesures, le miroir semi-transparent de nouveau, le miroir de mise à zéro. Finalement, le faisceau lumineux est séparé en deux par un prisme. Les intensités relatives de ces faisceaux sont dirigés vers les deux photodiodes permettant la mesure de la position du faisceau original et ainsi de la différence Dn des indices de réfraction les deux demi-cellules de mesures.



D. AMPÉROMÉTRIE ET POLAROGRAPHIE

Mesure le changement de courant entre deux électrodes. Réactions d'oxydo-réduction sur des électrodes implantées dans des cellules et ajustées à des potentiels spécifiques.
a) électrode à goutte de mercure;
b) électrode à fil de platine.


Avantages:
- très spécifique - pour - ions métalliques, anions inorganiques, composés nitrés, acides aminés et alcaloïdes;
- très sensible.

Inconvénients:
- modification de l'échantillon;
- sensible à la phase mobile (pH);
- sensible à la présence d'oxygène dissous;
- sensible au débit et à la température;
- entretien constant des cellules.


Figure 4.5. Schéma d'un détecteur ampérométrique.


E. CONDUCTIVITÉ

Mesure la conductivité électrique due à la présence d'un soluté dans la phase mobile (de façon absolue ou différentielle).

Avantage: détecteur utilisé pour solutés ioniques.
Inconvénient: sensibilité très grande à la température.


Figure 4.6. Schéma d'un détecteur conductimétrique.



F. SPECTROSCOPIE INFRAROUGE

Mesure l'absorbance d'une substance dans l'infrarouge et permet l'acquisition du spectre IR des produits séparés par chromatographie liquide.

Avantage: - permet d'identifier une substance par son spectre infrarouge, d'en reconnaître les fonctions (sélectivité).

Inconvénients:
- manque de sensibilité;
- incompatibilité entre les solvants utilisés le plus souvent en chromatographie liquide (eau) et les sels utilisés comme matrices dans l'infrarouge (KCl et KBr).

Historique:
Les premiers détecteurs utilisaient une méthode astucieuse mais pas tellement pratique pour se débarasser de l'eau contenu dans la phase mobile en la faisant réagir avec un acétal. Cette réaction donnait du méthanol et de l'acétone qui sont des produits beaucoup plus volatils que l'eau.

L'utilisation de détecteurs à l'infrarouge devint plus populaire avec le développement de la chromatographie liquide capillaire qui exigeait beaucoup moins de solvant. Ce type de détecteurs fut simplifié.

Enfin, on utilise maintenant un procédé analogue à celui qui sert dans l'interfaçage de la chromatographie en phase liquide avec la spectroscopie de masse.


Figure 4.7. Schéma d'un détecteur à infrarouge.



Figure 4.8. Séparation de 60 ng de théophylline (pic C) et 60 ng de caféine (pic F).
Injection en A. Substances recueillies entre BD et EG à la surface du plateau de ZnSe.
Ce chromatogramme a été obtenu par détection en UV à 274 nm.
Figure 4.9. Spectres des substances déposées sur la plaque de ZnSe.
A, théophylline, pic C (fig 4.8), tache de 120x120 mm.
B, caféine, pic F (fig 4.8) tache de 82x114 mm.



G. POLARIMÉTRIE

Mesure l'activité optique de substances possédant un ou des centres d'asymétrie. Cette activité optique est généralement associée à l'activité biologique.

Les polarimètres traditionnels n'étaient pas assez sensibles pour être utilisés comme détecteurs.

Les nouveaux appareils équipés de laser permettent de détecter des rotations optiques de l'ordre du microdegré. Rotation optique de 1 ng d'une substance dont l'indice de rotation a = 100o sur une longueur de trajectoire = 1 cm et dans une cellule dont le volume = 1 mL.

Il peut être aussi utilisé en mode non sélectif comme le réfractomètre.


Figure 4.10. Schéma d'un détecteur polarimétrique.


Exemples de chromatogrammes obtenus à partir du détecteur polarimétrique.

Figure 4.11. Séparation du fructose et du raffinose et détection par polarimétrie. Figure 4.12. Séparation de composants de l'urine et détection: A, par spectrophotomètre UV à 254 nm; B, par polarimétrie. les substances non retenues sortent entre 0 et 2 min. Les quatre ou cinq pics qui suivent peuvent représenter des acides aminés puis qu'ils possèdent des indices de rotation négatifs. Enfin le pic à environ 16 minutes est attribué au glucose. C'est le seul pic dont la présence est due à une substance dont l'indice de rotation est positif.



H. SPECTROMÉTRIE DE MASSE


Transport sur fil ou bande

Première interface commercialisée - utilisée, au tout début, pour la détection des composés en chromatographie phase liquide par ionisation de flamme (FID); - utilisée comme interface entre la chromatographie phase liquide et le spectromètre de masse.

Procédé qui comportait trois étapes - déposition de l'éluant; - élimination du solvant; - volatisation des substances à analyser.



Figure 4.13. En (a), la déposition directe de l'éluant donne des pics larges et mal résolus à cause de la formation d'un film d'épaisseur variable et de la difficulté de chasser le solvant. En (b), la déposition par jet donne une couche plus uniforme de gouttelettes qui facilite l'évaporation du solvant même s'il contient plus d'eau et la volatilisation de l'échantillon.



Introduction directe de l'éluant dans la région de la source d'ions

- ne peut supporter un débit de 1 mL/min. Un tel débit donne un volume de gaz égal à 1,2 L/min ce qui dépasse de loin les capacités d'une pompe à vide;
exige un système split/splitless pour des débits aussi grands;
- s'adapte au débit d'une colonne capillaire qui est 10 à 50 mL/min;
les composés ne sont jamais complètement désolvatés.

Thermospray

Production d'ions sans source d'électrons ionisants. Volatilisation rapide par passage de l'éluant, dont le débit se situe entre 1 et 2 mL/min, dans un capillaire chauffé en présence d'un électrolyte comme l'acétate d'ammonium. Un système de pompage situé en face du capillaire produit un jet supersonique de vapeur contenant de très fines gouttelettes. La taille de ces dernières diminuent au fur et à mesure qu'elles se déplacent (vaporisation) et, à un certain moment, les ions s'en détachent et entre dans le spectromètre de masse.


APCI (Ionisation chimique à pression atmosphérique)



Figure 4.14. Ionisation à pression atmosphérique (API). Assez semblable au procédé thermospray, mais avec ionisation à pression atmosphérique.


Électrospray

L'éluant entre dans une chambre, maintenue à la pression atmosphérique, à travers un fin capillaire en acier inoxydable. Un potentiel élevé est appliqué entre un manchon composé d'une solution dont le rôle est de maximiser l'ionisation des molécules de l'éluant. Ce potentiel a pour effet de créer un champ électrique puissant qui provoque l'apparition de charges à la surface des gouttelettes qui sortent du capillaire en jet très fin. Ces gouttelettes se déplacent dans un courant d'azote à travers un orifice de la contre-électrode, processus qui contribue à l'évaporation du solvant présent dans les gouttelettes. Ce même courant d'azote transporte les ions dans le spectromètre de masse.

Les ions formés par ce type d'ionisation possèdent un rapport m/z (masse par rapport à la charge d'un électron) élevé, ce qui permet de faire l'analyse de molécules de masse molaire élevée comme les protéines.

Inconvénients:
- limité à un débit assez faible (quelques mL par minutes);
- problème de nébulisation si changement de solvant (utilisation de gradient).

Développements récents dans ce mode d'ionisation:
- addition de gaz qui aide à la nébulisation du liquide et à la désolvatation des ions;
- chauffage du capillaire (permet des débit de 1 mL/min).




Figure 4.15. Électrospray.




Figure 4.16. Détails de la partie encerclée de rouge de la figure 4.15.




Figure 4.17. Spectre MS de la phénylbutazone (m.m. = 308).



Figure 4.18. Spectre MS/MS du même produit, la phénylbutazone.




Dans les deux cas, figure 4.17 et figure 4.18, le spectre de masse a été pris après séparation en chromatographie liquide et détection en mode electrosray.

Deux modes de spectrométrie de masse MS-MS.


Figure 4.19. en a) un fragment est isolé et refragmenté. Dans ce cas on garde tous les ions produits par cette deuxième fragmentation; en b) un fragment est isolé et refragmenté. Dans ce cas on isole un des ions produits par cette deuxième fragmentation.



Tableau 4.1 (un peu dépassé)


Détecteurs en chromatographie phase liquide
Type
Limite de détection Sensibilité
commercial optimum au débit à la température
Absorption UV 100 pg -1 ng 1 pg non faible
Fluorescence 1 - 10 pg 10 fg non faible
Réfractométrie 100 ng - 1 mg 10 ng oui 10-4 / oC
Électrochimie 10 pg - 1 ng 100 fg oui 1,5% / oC
Conductimétrie 500 pg - 1 ng 500 pg non 2% / oC
FT-IR 1 mg 100 ng non faible
Polarimétrie - 1 ng - oui
Spectrométrie de masse 100 pg - 1 ng 1 pg - -