L'atome des physiciens

Pour Ekphantos, pythagoricien légendaire qui aurait été un contemporain de Démocrite, l'unité (le "1"), loin d'être une simple abstraction, est une particule ayant épaisseur et consistance. Partant de cette hypothèse, Ekphantos construisit une véritable "théologie arithmétique" selon laquelle la monade (le "1") et la dyade indéfinie (le "2", substrat matériel de la monade qui est cause) engendrent les nombres - qui engendrent les points, qui engendrent les lignes, qui engendrent les surfaces, qui engendrent les figures à trois dimensions, qui engendrent les corps sensibles..., construits à partie des éléments d'Empédocle, la terre, l'eau, l'air et le feu. (Successeur d'Ekphantos, Philolaos de Tarente aurait le premier identifié les éléments aux polyèdres réguliers, thèse reprise par Platon et déjà évoquée).
L'idée que le nombre puisse jouer un rôle fondamental dans le fonctionnement de la nature en général et dans celui de l'atome en particulier s'est imposée d'elle-même avec la découverte des spectres atomiques.
Paris, 1627. René Descartes examine la lumière du Soleil à travers un prisme. Il note qu'à la sortie du prisme les rayons, "s'allant rendre sur un ligne ou papier blanc, y peignent toutes les couleurs de l'arc-en-ciel".
Cambridge, 1666. Isaac Newton perfectionne l'expérience de Descartes et baptise "spectre" (spectrum) l'image colorée produite à la sortie du prisme.
Université de Heidelberg, sur le Neckar, XIXème siècle. Robert Bunsen (1811-1899) invente son célèbre brûleur dont la flamme est incolore. Gustav Kirchhoff dispose dans cette flamme une petite quantité de diverses substances. La flamme se colore aussitôt. Ce qu'il voit va révolutionner la Physique (et la chimie) : différent d'une substance à l'autre, le spectre constitue une véritable "signature d'identité" de la substance considérée.


Robert Bunsen

1859. Julius Plücker et Anders Ångström (1814-1874) étudient le spectre de l'hydrogène au moyen d'un spectrographe dans lequel la lumière à examiner passe par une fente étroite avant de traverser le prisme, produisant un spectre composé d'une série de raies distinctes (chaque raie étant une image de la fente). Ångström identifie et mesure soigneusement la position de quatre raies de ce spectre.


Anders Angström

La formule de Balmer
Bâle, 1885. Modeste professeur de mathématiques dans une école de jeunes filles - et pythagoricien convaincu -, Johann Jakob Balmer (1825-1898) examine avec attention les nombres d'ondes des quatre raies du spectre de l'hydrogène publiés par Ångström. Ces nombres n'ont a priori entre eux rien en commun : 15 233, 20 565, 23 032, 24373. Persuadé néanmoins qu'ils recèlent un secret de la nature et que "le monde, l'art et la nature forment un grand tout harmonieux dont il possible de rendre compte par des combinaisons appropriées de nombres entiers", Balmer se donne pour mission de découvrir une formule qui relierait ces quatre nombres entre eux de façon simple. Il en trouve une, qu'il publie aussitôt dans une revue scientifique locale.


Johann Balmer

La formule de Balmer a quelque chose de fondamental, d'élégant, d'incontournable. Etant donné le rôle qu'elle va jouer dans la suite de notre histoire, nous l'avons reproduite dans toute sa splendeur.

Remarque : une rafale de projectiles tous de même longueur l passe à la vitesse v, donnant l'impression de constituer une onde. Cette onde est caractérisée par le nombre de projectiles qu'elle contient par centimètre, appelé "nombre d'onde", désigné par un n surligné dans la formule précédente et exprimé en cm-1. Typiquement, pour le rayon rouge du spectre de l'hydrogène, l = 0,000 66 cm d'où un ombre d'onde de 15 233 cm-1.

Or, ce n'était que la proverbiale "pointe de l'iceberg". Sa formule publiée, Balmer la montre à un professeur de physique de l'université de Bâle. Celui-ci s'étonne : comment, vous ne le saviez pas ? Depuis les premiers travaux, "ils" ont identifié non pas quatre mais seize raies du spectre de l'hydrogène. Balmer se remet fébrilement au travail. Miracle ! sa formule rend compte avec précision de l'ensemble des seize raies. Et ce n'est pas tout.
Âgé de vingt ans à la mort de Balmer, Walter Ritz (1878-1909) fait en 1908 une découverte surprenante. Il annonce : les raies d'un spectre donné forment un "fouillis" en apparence inextricable, et cependant il est possible de les grouper en plusieurs "familles" ou "séries" distinctes, aisément identifiables et représentables chacune, façon Balmer, par la différence de deux termes dépendant chacun d'un nombre entier.

Walter Ritz

Friedrich Paschen

Cette hypothèse reçoit une confirmation éclatante l'année même de sa formulation avec la découverte par Friedrich Paschen (1865-1947), à Tübingen, d'une série jusque-là inconnue de raies du spectres de l'hydrogène, correspondant à la formule balmérienne

et celle, par Theodor Lyman (1874-1954) à Harvard, peu de temps après, d'une autre série correspondant, elle, à

Ces deux séries avaient jusque-là échappé à l'attention générale parce qu'elles correspondent à des raies situées pour les une dans la région infrarouge du spectre, pour les autres dans la région ultraviolette.
Admirons ici encore la merveilleuse prescience de la vision pythagoricienne du monde : du cosmos à l'atome, les nombres gouvernent l'Univers.

Entrons dans l'atome
Les idées de Balmer et de Ritz intriguaient beaucoup les physiciens, mais ils avaient d'autres préoccupations plus urgentes que celle de vouloir en expliquer le succès. Pourquoi, se demandaient-ils notamment, les électrons dans l'atome ne "tombent-ils" pas sur le noyau ? En principe, ils devraient le faire, en raison soit de leur poids (attraction gravitationnelle), soit de l'attraction électrique exercée par le noyau - une raison encore plus forte. Quelque chose, de toute évidence, les empêche de le faire. Mais quoi ?
Etudiant à l'université de Vienne en 1910, Arthur Haas (1884-1941) essaie de répondre à cette question. Il imagine un électron oscillant à l'intérieur de l'atome et exige que cette oscillation corresponde précisément à un quantum d'action de Planck. Il tire de ce modèle rudimentaire un "rayon" pour son atome égal à 0,55.10-7 millimètres environ. Remarquable résultat : pour la première fois, un calcul théorique a permis d'attribuer une "dimension" (plausible) à l'atome. (Hélas pour Haas, comme on ne prête qu'aux riches, son rayon est aujourd'hui connu sous le nom de... "rayon de Bohr").
Deux ans plus tard, à Cambridge, John Nicholson (1881-1955) reprend l'idée de Haas sous une forme améliorée : il imagine un électron de masse m tournant à la vitesse v sur une orbite circulaire à l'intérieur de l'atome, et exige que l'action pour compléter une orbite soit égale à un nombre entier de quanta. Cette action se calcule facilement : si le rayon de l'orbite est R, la longueur du chemin parcouru au bout d'un tour est 2
pR et l'action est donc égale à 2pRmv. Nicholson pose donc 2pRmv = kh, où k est entier.
Il est convenu aujourd'hui d'appeler "moment angulaire" de l'électron, et de désigner par la lettre L l'expression Rmv. Le résultat de Nicholson s'écrit alors

Il revient à dire que, dans l'atome, le moment angulaire de l'électron est "quantifié". Nous ne disons plus aujourd'hui "que les électrons tournent sur des orbites circulaires à l'intérieur des atomes", mais nous continuons à dire que leur moment angulaire est quantifié.

Les sauts quantiques
17 juillet 1912. Le plus grand mathématicien de son temps (l'un des plus grands de tous les temps), Henri Poincaré (né en 1854), meurt à son domicile, rue Gay-Lussac à Paris. Dans une série d'articles publiés sous forme de livre après sa mort, il écrit : "Il faut expliquer les lois si curieuses de la répartition des raies dans le spectre. D'après les travaux de Balmer, de Runge, de Kaiser, de Rydberg, ces raies se répartissent en séries et dans chaque série obéissent à des lois simples." Il jette les bases d'une explication : "De même qu'une corde vibrante a une infinité de degrés de liberté, ce qui lui permet de donner une infinité de sons dont les fréquences sont les multiples de la fréquence fondamentale, [...] l'atome ne pourrait-il donner, pour des raisons identiques, une infinité de lumières différentes ?"
Il note une difficulté, cependant : "D'après les lois spectroscopiques [contrairement à ce qui se passe avec une corde vibrante], la fréquence ne devient pas infinie pour les harmoniques de rang infiniment élevé." De fait, dans chaque série, la fréquence tend vers une limite. Dont, nous dit Poincaré, "l'idée doit être modifiée ou elle doit être abandonnée". Et il constate : "Jusqu'ici elle a résisté à toutes les tentatives, elle a refusé de s'adapter."
Poincaré fait état alors d'une curieuse idée proposée par Ritz, peu de temps avant sa mort, pour expliquer cette "anomalie" apparente : "[Ritz se représente] l'atome vibrant comme formé d'un électron tournant et de plusieurs magnétons placés bout à bout. Ce n'est pas l'attraction électrostatique des électrons qui règle les longueurs, c'est le champ magnétique créé par ces magnétons." Nous retrouverons cette idée - sous une autre forme - un peu plus tard.
Dans un deuxième article, intitulé "L'hypothèse des quanta", Poincaré affirme : "Un système physique [tel qu'un atome] n'est susceptible que d'un nombre fini d'états distincts ; il saute d'un de ces états à l'autre sans passer par une série continue d'états intermédiaires" (les italiques sont de Poincaré).


Henri Poincaré

Arrêtons-nous un instant sur ce texte, acte fondateur de la théorie moderne de l'atome. Que faut-il entendre par un "état" de l'atome ? La théorie de Nicholson nous le fait comprendre. Prenons l'exemple le plus simple, celui de l'atome d'hydrogène, qui ne contient qu'un électron. Selon Nicholson, cet électron se trouve sur une orbite correspondant à un nombre entier de quanta d'action. Ce nombre entier - ce nombre quantique - définit un état de l'électron et, plus généralement, un état de l'atome. Pour un atome à plusieurs électrons, la définition sera plus complexe, mais elle est du même ordre. Nous en reparlerons.
Intéressons-nous maintenant à la seconde partie du texte de Poincaré. Comment l'atome passe-t-il d'un état à un autre ? Selon Poincaré, en effectuant des "sauts" (nous disons aujourd'hui des sauts quantiques). Fort bien, mais comment - et pourquoi - l'atome effectue-t-il ces sauts ? Nous ne saurons jamais comment Poincaré, s'il avait vécu, aurait répondu à cette question. Nous savons seulement ce que d'autres ont accompli dans sa foulée.
Septembre 1911 : Niels Bohr (1885-1962), qui vient de défendre sa thèse de doctorat à l'université de Copenhague, arrive chez sir Joseph à Cambridge, pour un séjour d'études de quatre mois. Nicholson lui explique son idée concernant la quantification du moment angulaire de l'électron dans l'atome. Bohr n'est pas impressionné (il le dira plus tard), en partie parce que Nicholson avait appliqué sa théorie à un atome hypothétique, baptisé nebulium car on le croyait présent dans les nébuleuses ; nous savons aujourd'hui qu'il s'agissait en réalité d'un ion de l'atome d'oxygène.
Février 1913. Bohr entreprend la rédaction d'un long article sur l'atome. Hans Marius Hansen (1886-1956), spécialiste de la spectroscopie, lui demande : "Est-ce que votre article expliquera la formule ?" Bohr sursaute. La formule ? quelle formule ? Bohr s'initie aussitôt à la formule de Balmer dont nous avons parlé - contre toute attente en effet, lui, le spécialiste en puissance de l'atome, ne la connaît pas. C'est le coup de foudre . Bohr s'aperçoit que la formule de Balmer contient une théorie implicite de l'atome et que, pour comprendre l'atome, il faut essayer de comprendre ce que cette formule essaye de dire.

Comment fonctionne un atome ?
Tentons à notre tour de déchiffrer le message crypté de la formule de Balmer. Elle exprime la fréquence du rayonnement de l'atome sous la forme d'une différence entre deux termes. Séparons ces deux termes et multiplions-les par h, nous obtenons

Suivant Poincaré, admettons que chacun des deux termes de notre équation représente un état distinct de l'atome et admettons que l'atome effectue un saut quantique - "saute d'un état à l'autre" - lorsqu'il émet (ou absorbe) le rayonnement. Admettons que tout cela soit vrai. Que représentent alors Rh/2² et Rh/n² précisément ? Les traités de Physique répondent : "L'énergie de l'atome avant et après le saut."
En réalité, que se passe-t-il ? Nous avons, au départ, un noyau et un électron libres ; chacun a son énergie propre, l'énergie de l'ensemble est la somme des deux. L'électron entre dans le champ du noyau et forme avec lui un atome. Ce processus s'accompagne d'une perte d'énergie. C'est cette perte que nos termes représentent.
Théorie subtile de l'atome, la formule de Balmer nous permet de suivre la variation de l'énergie lorsque le noyau et l'électron s'unissent pour former un état quantique stationnaire.
Construit dans le but avoué de "reproduire" la formule de Balmer - elle-même délibérément concoctée pour rendre compte correctement du spectre d'hydrogène -, l' "atome de Bohr" incorpore au modèle de Nicholson (un électron tournant sur une orbite circulaire avec un moment angulaire quantifié) l'idée des sauts quantiques de Poincaré et les considérations sur le rayonnement que nous venons de présenter. Dans son ouvrage sur l'atome publié récemment, Bernard Pullmann raconte que le succès des propositions de Bohr "fut grand, et d'autant plus particulier qu'il ne reposait que sur des intuitions géniales, certes fondées sur de profondes réflexions". De la part de Bohr ? ou de la part de Haas, de Nicholson, de Poincaré et de quelques autres ? Mais c'est une autre histoire. Revenons à l'atome.

Combien y a-t-il d'électrons dans un atome ?
Lorsqu'on soumet un atome à l'action de rayons X, ces rayons éjectent un électron de l'intérieur de l'atome ; un second électron prend aussitôt la place de l'électron éjecté. La transition s'accompagne - et donc se manifeste - par l'émission d'un rayon X secondaire, parfaitement repérable.
Cambridge, 1913. Travaillant jour et nuit "à une vitesse stupéfiante et avec un excès d'énergie caractéristique de sa personnalité", Henry Moseley (1887-1915) mesure le rayonnement secondaire émis par les atomes de tous les éléments qui lui tombent sous la main. Il découvre que la longueur d'onde de l'une des raies du spectre secondaire - la raie que les spécialistes appellent Ka - varie d'un élément à l'autre en accord avec une formule toute simple du type formule de Balmer, ayant l'avantage, qui plus est, de dépendre explicitement du nombre d'électrons présents dans l'atome.
Admirons l'invraisemblable talent de Moseley qui, tout d'un coup, se met à compter les électrons à l'intérieur de l'atome et nous révèle l'un des grands secrets, jusque là bien gardé, de la nature. Curieusement, sur la base des résultats obtenus, sir Joseph émet d'abord l'opinion qu'il convient de grouper les éléments en deux familles, "les membres successifs dans chaque famille s'accroissant par addition d'une unité commune, quoi que les membres d'une famille ne puissent pas se convertir en ceux de l'autre par addition ou soustraction de cette unité". Sir Joseph changera d'avis : les meilleurs physiciens succombent parfois (provisoirement) à des mirages.

Nombres quantiques...
Munich, 1916. Arnold Sommerfeld (1868-1951), pythagoricien au fond de l'âme lui aussi, s'interroge : pourquoi l'électron de l'atome d'hydrogène serait-il contraint de tourner sur des orbites circulaires ? Pourquoi ne pourrait-il tourner tout aussi bien sur des orbites elliptiques ?
Comme Christophe Colomb découvrant l'Amérique en pensant aborder les Indes, Sommerfeld construit un nouveau modèle de l'atome qui l'entraîne loin du modèle lui-même, vers des terres inexplorées de la physique atomique naissante. Le modèle "naïf" de l'atome développé par Haas puis par Nicholson conduisait à définir un nombre quantique k, précisant le nombre d'unités d'action pour un tour de l'électron sur son orbite. Sommerfeld introduit deux nombres quantiques lui permettant de quantifier le mouvement en fonction des deux axes de ses ellipses.

Arnold Sommerfeld

Les ellipses de Sommerfeld se sont depuis "évaporées" de la physique, mais les nombres quantiques qui les sous-tendent sont restés. Partie intégrante des terres nouvelles découvertes par le génial munichois, ils sont au centre de la physique moderne de l'atome. Attachons-nous un instant à en évaluer la signification profonde. Nous suivrons, dans ce but, quelques étapes du raisonnement utilisé par Sommerfeld pour obtenir ses résultats. L'idée de Sommerfeld revient à dire que les deux axes a et b de l'ellipse qui constitue selon lui l'orbite de l'électron doivent avoir entre eux un rapport égal à celui de deux nombres entiers, n et k, selon l'équation

Comme dans une ellipse le petit axe b est au plus égal au grand axe a (auquel cas l'ellipse devient un cercle), k est donc au plus égal à n.
Pour rendre compte de certains détails du spectre de l'hydrogène dits "de structure fine", que les théories de Haas, de Nicholson et de Bohr avaient ignorés, Sommerfeld pose k = l + 1 et introduit dans son modèle un troisième nombre quantique m pouvant prendre les valeurs entières comprises entre -l et +l ; puis... un quatrième nombre quantique dont nous parlerons plus loin.
Fort bien, direz-vous, mais qu'est-ce exactement qu'un nombre quantique ? Pourquoi en faut-il quatre pour désigner les états de l'électron dans l'atome ? Il s'agit là certainement d'un mystère encore bien gardé par la nature. Examinons la chose de plus près.
Qu'est-ce qu'un nombre quantique ? Avec un seul nombre quantique, il était facile de dire qu'il mesurait l'action. Avec quatre nombres quantiques, la question se pose : pourquoi faut-il quantifier quatre fois l'action ?
Dans quatre "directions" différentes, direz-vous. C'est effectivement ce qui semble se produire. On admet généralement que les nombres l et m quantifient une "rotation" électronique dans l'atome (du type envisagé initialement par Nicholson). Le nombre quantique "principal" n, par contraste, semble quantifier une action n'ayant rien à voir avec une rotation. Quant au quatrième nombre... nous en parlerons dans un instant.
Tout cela demeure bien mystérieux, reconnaissons-le, à moins qu'on ne résigne à accepter les résultats sans chercher à les comprendre. C'est l'attitude de nombreux physiciens aujourd'hui, pour lesquels la physique peut - doit - se passer d'interprétations des phénomènes  autres que d'essence purement mathématique.
Il n'en reste pas moins, je le répète, que les nombres quantiques se réfèrent, tous et toujours, à la mesure d'une action...

... et nombres magiques
Munich, 1916. Un an après la mort de Moseley, le 10 août 1915 à la bataille de  Suvla Bay, en Crimée, Walter Kossel (1888-1956), élève de Sommerfeld, cherche à étendre les théories de son maître aux atomes à plusieurs électrons. Il conçoit un modèle tridimensionnel (Bohr à cette époque envisageait des atomes "plats" dont les électrons tournoyaient sur des orbites circulaires concentriques). Puis, prenant note du fait que les atomes des gaz rares - hélium, néon, argon et les autres - interviennent difficilement dans les réactions chimiques, il avance l'idée que, dans l'atome, les électrons occupent des couches concentriques tridimensionnelles, chacune d'elles ne pouvant recevoir qu'un nombre maximal d'électrons, ce nombre n'étant pas nécessairement le même d'une couche à l'autre : 2 pour la couche la plus proche du noyau, désignée par la lettre K ; 8 pour la deuxième couche, désignée par la couche L ; 8 pour la troisième couche, désignée par la lettre M, etc. Lorsque dans un atome les couches occupées sont saturées, c'est-à-dire qu'elles contiennent le nombre maximal d'électrons qu'elles peuvent recevoir, l'atome forme un petit système fermé particulièrement stable et peu enclin à gagner ou à perdre des électrons. Tout au contraire, lorsque l'une des couches est incomplète, l'atome est disposé à gagner - ou à perdre selon le cas - un ou plusieurs électrons pour atteindre une configuration stable.
2, 10, 18, ... la liste des nombres correspondant à des atomes particulièrement stables allait bientôt s'allonger de plusieurs nombres supplémentaires (36, 54, 86) correspondant aux atomes de krypton, de xénon et de radon, gaz rares eux aussi, nouvellement découverts. Mais pourquoi ces nombres ? Les "expliquer" - comme on avait déjà "expliqué" la formule de Balmer - devenait le problème numéro un de la physique atomique naissance.

Walter Kossel

Le spin de l'électron
Des choses intéressantes se passent dans l'atome quand on le soumet à l'action d'un champ magnétique (effet Zeeman) ou d'un champ électrique (effet Stark). Ces effets se manifestent notamment par une modification de l'allure du spectre. L'étude de ces modifications dans le cas de l'hydrogène a conduit Sommerfeld à inclure un quatrième nombre quantique dans sa théorie. Il avait introduit les trois premiers à partir de considérations purement géométriques : formes et orientations spatiales d'orbites électroniques. Pour expliquer l'effet Zeeman, découvert par Pieter Zeeman (1865-1943) à Leyde en 1896, Sommerfeld postule l'existence d'une "rotation cachée" de l'électron à l'intérieur de l'atome - rotation d'un type différent de celui envisagé  pour celle décrite par les nombres l et m.

Pietr Zeeman

1923. Virtuose de ces théories, Alfred Landé (1888-1975) améliore l'hypothèse de Sommerfeld en postulant que, contrairement aux autres nombres quantiques, le nouveau nombre quantique peut prendre des valeurs correspondant à des demi-entiers : 1/2, 3/2, etc. Devant ces brillantes avancées intuitives, Wolfgang Pauli (1900-1958), alors âgé de 23 ans, s'insurge : "Sommerfeld essaie de se débarrasser des difficultés... en suivant sa conviction intime de l'harmonie de la nature."
Hambourg, 1924. Pauli abat ses cartes : il y a bien une rotation cachée dans l'atome, affirme-t-il, et cette rotation correspond bien à des valeurs demi-entières, mais elle n'est pas attribuable à un mouvement de l'électron dans l'atome ; elle correspond à une "rotation intrinsèque" de l'électron sur lui-même, correspondant aux deux valeurs demi-entières, +1/2 et -1/2.
 

Alfred Landé

Wolfgang Pauli

Janvier 1925. Le jeune américain Ralph de Laer Kronig, venu faire un séjour d'études en Europe, arrive à Copenhague avec une brillante idée en tête, qu'il explique à Kramers, assistant de Bohr. Pauli, qui assiste à la conversation, ridiculise la suggestion : "C'est une idée brillante, qui n'a, bien entendu, rien à voir avec la vérité !" Kronig garde donc son idée pour lui.

20 novembre 1925. Etudiants à l'université de Leyde, George Uhlenbeck (1900-1988) et Samuel Goudsmit (1902-1978) publient une note dans laquelle ils annoncent que l'électron est animé d'un mouvement intrinsèque de rotation susceptible de deux orientations quand l'électron est placé dans le champ d'un aimant. De New York, Kronig apprend la nouvelle ; il écrit à Kramers : "A l'avenir, j'aurai confiance en mon propre jugement et moins en celui des autres." informé, Bohr exprime à Kronig "sa consternation et ses profonds regrets". Kronig lui répond : "je ne me suis plaint [...] que pour fustiger les physiciens du type "prêcheur" qui sont toujours tellement sûrs d'eux et infatués de leurs propres opinions." Beau joueur, Uhlenbeck devait déclarer en 1976 : "Il n'y a aucun doute que Ralph Kronig avait anticipé l'essentiel de notre idée."
Cette idée, la voici : l'électron possède un spin. Il est - éternellement ! - en rotation autour de lui-même avec une vitesse correspondant à... la moitié d'une unité d'action. A la moitié d'une unité ? Nous verrons plus tard comment comprendre cette apparente anomalie.

George Uhlenbeck

Samuel Goudsmit

Trois coups de tonnerre ébranlèrent la physique...
Paris, 1923. Persuadé que l'électron possède une "phase interne", sorte de petite horloge élémentaire qui l'accompagne dans ses déplacements, Lois de Broglie (1892-1987) suppose que "lorsqu'un électron décrit une orbite autour du noyau dans l'atome d'hydrogène, sa "phase interne" [...] varie d'un nombre entier de périodes pendant chaque tour sur l'orbite", faute de quoi, pense-t-il, "l'orbite serait instables."


Louis de Broglie

L'hypothèse ne donne pas immédiatement le résultat escompté. De Broglie la modifie. "Une grande lumière se fit alors dans mon esprit", devait-il dire plus tard ; il imagine que l'électron est une particule accompagnée d'une onde et obtient le résultat suivant : "Si l'électron décrit l'orbite en partant d'un point quelconque [...], l'orbite étant fermée (par exemple circulaire) et l'onde allant plus vite que la particule, elle rattrapera celle-ci" ; mais l'électron sera stable sur son orbite "si l'onde le rattrape en étant en phase avec lui", expliquant ainsi le rôle joué par les nombres entiers dans l'atome. Ainsi naquit, d'un coup de baguette magique, la mécanique ondulatoire de Louis de Broglie. Elle fit sensation, mais pas pour longtemps, car dans l'intervalle...
Île de Helgoland, Mer du Nord, 7 juin 1925. Werner Heisenberg (1901-1975), alors âgé de 23 ans, tente de se débarrasser d'une sévère crise d'asthme qui l'accable depuis plusieurs semaines. Assis sur un rocher à 3 heures du matin, il contemple la mer et se remémore un poème de Goethe, West-Östlicher Divan. C'est alors que, tout d'un coup... De retour à Göttingen, il rédige un article qu'il confie le 9 juillet au physicien Max Born (1882-1970), n'osant pas, lui dit-il, le soumettre à une revue scientifique sérieuse tant il est "loufoque". En lisant l'article, Born découvre qu'Heisenberg y a utilisé, pour expliquer l'atome une technique bizarre qui lui rappelle cependant quelque chose : elle ressemble à la technique mathématique obscure dite du "calcul matriciel". Aidé par son élève Pascual Jordan (1902-1980), Born rend l'article "intelligible" et l'envoie à la revue Zeitschrift fûr Physik, qui le publie.

Werner Heisenberg

Max Born

   

Pascual Jordan

Erwin Schrödinger

Zurich, novembre 1925. L'autrichien Erwin Schrödinger (1887-1961) prend connaissance de l'article de Heisenberg mais surtout de la thèse de doctorat de De Broglie, défendue en Sorbonne l'année précédente. La thèse l'impressionne. "Les nombres entiers interviennent en mécanique ondulatoire de la même façon naturelle que les noeuds interviennent dans la théorie des cordes vibrantes".

Schrödinger met alors au point l'équation qui va faire se gloire et... tout chambouler. Il montre que cette équation, équivalente à la théorie proposée par Heisenberg, résume tous les résultats connus à ce jour concernant l'atome, y compris, bien entendu, l'incontournable formule de Balmer ! Adieu la mécanique ondulatoire..., bonjour la mécanique quantique !
Nous avons vu que, pour De Broglie, l'électron est accompagné d'une onde dont la phase est l'élément important (c'est pour rester en phase avec son onde que l'électron suit un mouvement particulier - un mouvement quantifié). Schrödinger adopte l'idée de l'onde mais il met l'accent sur son amplitude. Il faut, dit-il, que l'amplitude s'annule là où l'électron ne peut aller, par exemple à l'infini. En obligeant l'onde à avoir des "noeuds" (endroits où son amplitude s'annule), ces "conditions aux limites" introduisent la quantification dans la théorie : le nombre de noeuds devient un nombre quantique.
Etonnante théorie qui, au grand dam de Louis de Broglie, eut notamment pour effet de reléguer la phase de l'onde au rayon des objets oubliés. Il faudra attendre... la fin du XXème  siècle pour que quelqu'un tente de restituer à la phase son rôle...
Revenons brièvement en arrière. Nous nous demandions pourquoi il fallait quatre nombres quantiques pour quantifier l'action dans l'atome. Ensemble, l'espace et le temps constituent l'espace-temps à quatre dimensions de la relativité - quatre dimensions, donc quatre directions dans lesquelles quantifier l'action. Délibérément construite sur la base de quatre composantes, l'équation inventée par Paul Dirac (1902-1984) en 1928 pour satisfaire aux exigences de la relativité introduit directement dans le modèle les quatre nombres quantiques (dont celui correspondant aux valeurs demi-entières du spin). Ce résultat justifie, sans toutefois l'expliquer tout à fait, pourquoi quatre (plutôt que trois) nombres quantiques sont nécessaires pour quantifier l'action dans l'atome.


Paul A.M. Dirac

... puis un éclair illumine le ciel
Princeton, Etats-Unis, 1941. Etudiant américain d'origine russe, Richard Feynman (1918-1988), alors âgé lui aussi de 23 ans, se rend à la Nassau Tavern pour y boire tranquillement une bière. En visite à Princeton, le professeur Herbert Jehle, un ancien collaborateur de Schrödinger à Berlin, s'assoit à sa table. Feynman lui demande s'il sait comment utiliser le concept d'action en mécanique quantique. Jehle répond que non, mais que Dirac (héros de Feynman) a publié un article sur ce sujet environ huit ans auparavant. Les deux hommes récupérèrent l'article en question le lendemain... dans une obscure revue soviétique, Physikalische Zeitschrift der Sowjetunion. Feynman prend une craie, s'installe devant un tableau noir et décortique l'article de son illustre aîné.
Jehle n'en croit pas ses yeux. Il ouvre un carnet, prend fébrilement des notes... Tout d'un coup apparaît devant lui l'équation de Schrödinger ! Feynman vient tout simplement d'inventer devant lui une nouvelle manière de faire un calcul en mécanique quantique !


Richard P. Feynman

La méthode inventée par Feynman ce jour-là nous intéresse au plus haut point car elle est entièrement fondée sur la notion d'action, qui nous est chère... et que la mécanique quantique avait largement délaissée entre temps. "Nous pûmes trouver une forme pour l'action de dépendant que du mouvement des charges, nous dit Feynman. Je pus aussi découvrir ce que les vieux concepts d'énergie et de quantité de mouvement signifient pour cette action généralisée."
1921. Occupé à mettre en place à Copenhague son Institut for Teoretisk Fysik, Bohr sillonne l'Europe, laissant partout entendre qu'il a calculé quelque chose, mais quoi ? Arnold Sommerfeld s'impatiente. Même Rutherford fustige Bohr. La situation est tendue. Car Bohr n'a... rien calculé. "La vérité, dira Kramers, était qu'il avait simplement créé, avec une vision divine, une synthèse entre les résultats de la spectroscopie et ceux de la chimie." Situation d'autant plus dramatique que le bruit commençait à circuler dans les milieux de la physique que Bohr (plutôt que Sommerfeld) avait été choisi pour recevoir le prix Nobel de physique cette année-là - ce qui se produisit effectivement le 16 décembre 1922.

Faire parler les spectres
En faisant "parler" le spectre de l'hydrogène, la formule de Balmer avait rendu possible l'élaboration d'un premier modèle de l'atome. La formule de Ritz, dont l'auteur était mort entre-temps à l'âge de trente ans, allait permettre d'approfondir ce modèle en facilitant notamment l'étude minutieuse du spectre des métaux alcalins : lithium, sodium, potassium, rubidium et césium.
L'atome des métaux alcalins contient un "électron de valence" dont le comportement rappelle fortement celui de l'électron de l'atome d'hydrogène. Prenons l'exemple le plus simple, celui de l'atome de lithium.
L'atome d'hydrogène contient un électron, l'atome de lithium en contient trois. Mais tout se passe comme si deux de ces électrons, intimement liés au noyau, pouvaient être ignorés dans l'étude des propriétés observables de l'atome. Cette constatation permet de concevoir l'atome de lithium et ceux des métaux alcalins en général comme des atomes d'hydrogène "modifiés", c'est-à-dire ne contenant, comme lui, qu'un seul électron.
L'analyse du spectre fondée sur cette affirmation permit de découvrir le fait remarquable suivant : l'atome ne "saute" jamais arbitrairement d'un état à un autre : seuls certains sauts semblent être autorisés et contribuent au spectre.
Cette constatation est à l'origine de ce que nous appelons aujourd'hui les "règles de sélection". La principale de ces règles attribue au nombre quantique l un rôle prépondérant dans l'atome : seules sont autorisées les transitions dans lesquelles l change d'une unité. Nous en reparlerons. Voyons maintenant quel parti les théoriciens surent tirer de ces observations dans leurs efforts pour approfondir et perfectionner la théorie quantique de l'atome.

Les nombres magiques expliqués
Décembre 1924.  Wolfgang Pauli examine de près l'information accumulée par les spécialistes de la spectroscopie dans l'interprétation des spectres.
Pour chaque atome, les spectroscopistes avaient établi, notamment, une liste des états quantiques contribuant au spectre - états qu'ils dénommaient "termes" puisqu'il les identifiaient à l'un des "termes" de la formule de Ritz. Du point de vue théorique, qu'est-ce qu'un terme ? Il correspond à un état quantique de l'atome dans lequel un ensemble de nombres quantiques est attribué à chaque électron. Il s'agit là, bien entendu, d'une approximation : en principe, seul l'ensemble du cortège électronique peut être quantifié. Mais sans cette approximation rien ne serait possible, tant les calculs sont difficiles. Nous nous en contenterons donc, au moins pour l'instant.
Pauli examine de près la liste des termes établie par les spécialistes. Il découvre ceci : aucun des termes inscrits dans la liste ne correspond à un état de l'atome dans lequel deux ou plusieurs électrons possèdent les même nombres quantiques. Tout se  passe, se dit Pauli, comme si de pareils états étaient "interdits". Il décide qu'ils le sont. Il formule donc et publie aussitôt son célèbre "principe d'exclusion" ou principe de Pauli, selon lequel "deux électrons dans un atome ne peuvent avoir les mêmes nombres quantiques", ou mieux : "Les électrons dans un atome ont tous des nombres  quantiques différents."
Ce qui est amusant dans la découverte de ce principe, c'est que les nombres quantiques dont il s'agit n'existent... que dans l'imagination du théoricien (en toute rigueur, nous l'avons dit, seul l'ensemble du cortège électronique peut être quantifié) ! Le principe est néanmoins valable, mais pour une raison qui n'apparaîtra que plus tard, après que le formalisme de la mécanique quantique aura substantiellement progressé.
Pour mieux apprécier l'enjeu, initions-nous à la notation inventée par les spectroscopistes pour désigner leurs termes. On se rassure, ces conventions ne sont pas difficiles à maîtriser.
Etant donné le rôle particulier que joue le nombre quantique l dans la théorie des spectres, il a été convenu de représenter symboliquement les valeurs qu'il peut prendre : s pour l = 0, p pour l = 1, d pour l = 2, f pour l = 3, etc. Ces désignations correspondent à des concepts spectroscopiques aujourd'hui oubliés : s pour sharp, p pour principal, d pour diffuse, etc.
Ensemble, n et l indiquent une configuration : dans l'ordre croissant des valeurs, les configurations possibles sont donc 1s, 2s, 2p, 3s, 3p, 3d, etc. ; 2s, par exemple, correspond à n = 2 et l = 0 ; 3d, par exemple, correspond à n = 3 et l = 2... Le nombre quantique m prend les valeurs entières comprises entre -l et +l, soit en tout (2 l + 1) valeurs distinctes. La configuration nl correspond donc à (2l+1) états distincts. Mais comme le nombre quantique correspondant au spin de l'électron peut prendre deux valeurs (-1/2 et +1/2), on aura en fin de compte 2 (2 l + 1) états distincts.
Nous voici au bout de nos peines. En plaçant en exposant le nombre d'électrons présents dans chaque configuration, les termes correspondant aux atomes des gaz rares sont : 1s2 pour l'hélium, 1s2 2s2 2p6 pour le néon, 1s2 2s2 2p6 3s2 3p6 pour l'argon, etc. ce qui nous donne, pour le nombre total d'électrons dans ces atomes : 10 pour le néon, 18 pour l'argon, 36 pour le krypton, etc. Miracle ! 10, 18, 36... Ces nombres sont nos nombres magiques évoqués plus haut !
Je rapporterai ici une autre manière d'obtenir ces nombres. Elle est fondée sur un petit jeu numérique qui aurait assurément enchanté Balmer et Ritz s'ils avaient pu le connaître. Je dis que nos nombres magiques sont... des sommes de carrés.
On a, en effet,

2(1² + 2²) = 10
2(1² + 2² + 2²) = 18
2(1² + 2² + 2² + 3²) = 36
2(1² + 2² + 2² + 3² + 3²) = 64
2(1² + 2² + 2² + 3² + 3² + 4²) = 86

pour ne citer que les cinq premiers de ces nombres. Mais que signifie ce résultat surprenant ?
Pour répondre à cette question - et c'est là notre jeu -, je ferai appel à un théorème tout simple de la théorie des nombres selon lequel "la somme des n premiers nombres impairs consécutifs est égale à n²", théorème qui nous permet de convertir en sommes de nombres impairs les carrés qui apparaissent dans nos formules, par exemple : 1² + 2² = 1 + (1 + 3). Or, tout nombre impair est de la forme générale (2 l + 1). Nos sommes de carrés se transforment donc en sommes de nombres de la forme (2 l + 1)... et la boucle est bouclée, en parfait accord avec les résultats obtenus par la méthode conventionnelle. Les nombres entiers sont décidément bien au coeur de l'atome !
Ainsi fut enfin "expliquée", sur la base d'une approximation partiellement empirique, l'origine de ces nombres qui avaient tant intrigué les physiciens au début de la grande aventure. Avec cette découverte, l'atome des physiciens et l'atome des chimistes, partis pourtant de points de vue profondément différents, fusionnaient enfin en un concept également satisfaisant pour les deux disciplines .
Que pouvons-nous en conclure ? Que la nature se présente à nous sous bien des aspects différents et que nous devons nous réjouir lorsque nous parvenons à formuler tel ou tel modèle de son fonctionnement qu'elle semble avoir au moins partiellement réalisé. Même si ces modèles ne sont, au vu et au su de tous, que de modestes approximations d'une réalité à jamais insaisissable.

 

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