Le cabinet de Physique de Sigaud de Lafond

 

 

 

Bouteille de Leyde  Tome 2  Pages 367 

référence planche XXIV , figure 1.

NOMBRE CINQUIEME

Des Appareils pour l'Expérience de Leyde, & pour expliquer la théorie de cette Expérience

L'EXPERIENCE de Leyde est trop connue, & fait une époque trop distinguée parmi les découvertes électrique , pour ne donner ici l'histoire, que nous avons exposée dans notre Précis historique & expérimental des phénomènes électriques : qu'il suffise de rappeler ici que le hasard seul produisit cette belle découverte. Le célebre Muschenbroek vouloit électrifier une masse d'eau renfermée dans un bocal dans lequel pendoit une chaîne des conducteurs : il tenoit ce bocal d'une main, & de l'autre il voulut tirer l'étincelle de la chaîne. Il éprouva alors une commotion des plus violentes, qui se fit sentir & et dans ses bras, & dans sa poitrine. Veut-on néanmoins répéter cette expérience de maniere à ne point avoir à se repentir de cette tentative ? on se sert de l'appareil suivant.

PREMIER APPAREIL

A (Pl. XXIV, fig. 1. ) est une bouteille de verre à col renversé qu'on remplit d'eau, de menu plomb, ou dont on enduit la surface intérieure avec de la limaille de fer & du vernis gras, dont on empâte cette surface jusqu'aux deux tiers, ou aux trois quarts de sa hauteur. Fermée avec un bouchon de liège, on y fait pénétrer une tige de cuivre a b , garnie vers le bas de plusieurs fils de cuivre , lorsqu'elle est enduite de limaille de fer.
Cette tige de métal se termine au dehors par un arc, à l'extrémité duquel on voit une boule c de même matiere.

   

USAGE DE CET APPAREIL

ON tient cette bouteille dans la main , & on approche la boule c du principal conducteur ; on fait tourner la glace , & la bouteille se charge d'électricité.
1°. Si la personne qui tient à la main cette bouteille excite l'étincelle de l'autre main, en approchant le doigt de la boule c, elle décharge la bouteille & elle reçoit une commotion plus ou moins forte qui se fait sentir dans les deux bras.
2°. Le même effet a lieu si cette personne donne la main à une seconde, celle-ci à une troisième, & ainsi de suite. Quel que soit le nombre de personnes qui composent cette chaîne, toutes éprouveront la même commotion, si la dernière vient à tirer l'étincelle, en approchant le doigt ou tout autre corps susceptible de s'électriser par communication, de la boule c.
3°. Si, chargée d'électricité, on pose cette bouteille sur une table, on n'éprouvera qu'une faible commotion, si on se contente de toucher d'un doigt seulement le ventre ou l'extérieur de la bouteille, & qu'on excite l'étincelle de l'autre main : on la recevra plus forte si on touche l'extérieur de la bouteille de deux doigts : plus forte encore si on la touche de trois ou quatre doigts : observation importante, qui jette beaucoup de jour sur la théorie de cette bouteille, qu'on trouvera savamment exposée dans l'excellent ouvrage de M. Franklin, & que nous avons développée fort au long dans notre Précis historique & expérimental des phénomènes électriques. On y apprendra qu'une bouteille, quelque chargée d'électricité qu'elle soit, n'en contient cependant point au-delà de la dose qu'elle contient naturellement, parce qu'à proportion de l'une de ses surfaces, l'intérieure, se charge d'une nouvelle dose d'électricité, la surface opposée, l'extérieure, perd & abandonne au réservoir commun une quantité semblable de l'électricité qu'elle contient naturellement ; d'où il suit que lorsqu'une bouteille est fortement électrifiée, il y a une surabondance de fluide électrique accumulée sur l'une de ses surfaces, & un déchet proportionné de même fluide dans la surface opposée. De-là, on conçoit que si on touche d'une main à la surface extérieure de la bouteille, & de l'autre à sa surface intérieure, en approchant le doigt de son crochet, on rappelle à la surface extérieure, une quantité d'électricité semblable à celle dont elle s'est dépouillée : ce fluide passant alors, avec la plus grande rapidité, à travers le corps de la personne qui rétablit cet équilibre, elle éprouve une commotion plus ou moins forte, proportionnée à la quantité d'électricité qu'elle met en jeu, & à la sensibilité de ses fibres.
Cette expérience réussit également avec une lame de verre, une glace revêtue d'étain sur ses deux surfaces ou de toute autre substance métallique, & ce fit ce qui donna lieu à M. Franklin d'imaginer le tableau magique (p. 370).

SECOND APPAREIL

ON arrête dans une bordure ABCD (Pl. XXIV, fig. 2.) une glace a b c d ; un verre blanc un peu épais produit le même effet. On recouvre le verre d'une feuille d'étain qu'on colle exactement sur ces deux surfaces, jusqu'à dix-huit à vingt lignes près des bords, qui doivent être exactement bien nets & bien essuyés lorsqu'on veut faire l'expérience. On prend une estampe, un portrait de la grandeur du verre ; on en coupe les bords tout autour, de façon que le milieu qu'on enleve soit de mêmes dimensions que la lame d'étain qui recouvre la surface du verre. On colle cette portion de l'estampe sur la garniture d'étain ; la lame métallique se trouve alors cachée, & les bords du verre restent à découvert. On colle sur la partie opposée & tout autour de la garniture d'étain, les bords enlevés de l'estampe, de façon qu'ils se rapportent aux parties d'où ils ont été enlevés. Les bords du verre ne sont donc plus à découvert que du côté de la figure, ou sur la surface antérieure du verre. On colle par derriere une bande d'étain e qui vient de la garniture ou de la lame d'étain qui recouvre le verre de ce côté, & on amene cette bande sur le bord AB du cadre, de façon qu'elle touche à l'anneau g. On met un carton qui recouvre toute la surface postérieure, & on le retient dans la bordure, ainsi que le verre; par des bandes de papier collées ; car il faut avoir soin d'exclure de cet appareil, les pointes de fer dont on se sert communément pour arrêter les verres dans leurs cadres.

USAGE de cet Appareil

ON pose ce tableau sur une table ; l'estampe étant en dessus, on accroche une chaîne à l'anneau g, & on la laisse pendre sur le plancher. On amene du conducteur une tige de métal qui se termine en pointe & qui vient à une demi-ligne près de l'estampe, & on l'électrise. Le tableau, ou mieux la glace, se charge d'électricité : lorsqu'elle est bien électrisée, on conçoit qu'elle produit l'effet d'une bouteille de Leyde, qu'elle donne une commotion, si on touche d'une main à l'anneau g ou à la bande d'étain e, & de l'autre à tout point quelconque pris sur toute l'étendue du portrait.
Pour rendre cette expérience plus surprenante & un peu magique, M. Franklin fit coller une bande d'étain sous la partie AB de la bordure : tout le côté AB communiquoit, par ce moyen, par l'intermède de la bande e, avec la garniture postérieure de la glace, & conséquemment il suffisoit de tenir le cadre par un des points du côté AB, pour recevoir la commotion, tandis que quiconque le prenoit par-tout autre point pris sur l'un de trois autres côtés de la bordure, pouvoit impunément toucher de l'autre main à l'estampe, sans recevoir de commotion. Il faut lire dans l'Ouvrage de ce célèbre Physicien, le détail de cette expérience ingénieuse, qu'il appelle l'expérience des Conjurés.

 

La bouteille de Leyde a été réalisée pour la première fois dans cette cité des Pays-Bas (entre La Haye et Amsterdam) en 1745 par Peter van Musschenbroek, alors qu'il essayait d'électriser l'eau. Elle est l'ancêtre des condensateurs qu'on utilise si souvent de nos jours ; sa capacité s'évaluait en bouteilles, unité sensiblement équivalente au nF.

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