Définition de l’ouverture numérique
Considérons un objectif de microscope observant un point A d'un objet d'indice no, recouvert d'une lamelle d'indice nv, séparée de la lentille frontale de l'objectif par un liquide d'immersion d'indice n. Supposons que le rayon ABCD (fig. 1) soit le rayon le plus incliné sur l'axe optique, capable d'entrer dans l'objectif et d'en ressortir. Son inclinaison à la traversée des dioptres plans séparant les milieux prend les valeurs successives uo, uv, U tels que
Fig. 1
Cette quantité invariante n sin U est l'ouverture numérique de l'objectif. Plus encore que son grandissement, cette grandeur est sa caractéristique principale. Outre qu'elle régit la quantité de lumière entrant dans l'instrument, c'est elle qui définit sa profondeur de champ et sa propriété la plus essentielle : sa limite de résolution.
Ouverture numérique et limite de résolution de l’objectif
Doter l’objectif d'un grandissement suffisamment
fort pour agrandir l'image n'est pas suffisant. Il est encore nécessaire, à
l'intérieur des limites de l'objet, de résoudre ses détails. La limite de
séparation entre deux points habituellement utilisée n'est pas vraiment
significative pour définir la qualité d'un objectif de microscope destiné à
l'observation d'objets étendus.
En microscopie, de même qu'en photographie et en astronomie
(hormis l'observation des étoiles), on peut considérer que l'objet, telle une
photographie tramée, est constitué d'une structure analogue à un ensemble
d'objets périodiques de fréquences « spatiales », de contrastes et
d'orientations différents. La limite de résolution de l'objectif est alors
définie comme étant la plus petite période résolue par l'objectif. Cette limite
de résolution varie selon les dimensions de la source éclairant le champ du
microscope.
Considérons un objet ne présentant dans une direction que
des variations de transmission purement sinusoïdales de période spatiale p.
Immergé dans un milieu d'indice n, éclairé par une onde plane i
émise par une source ponctuelle S placée au foyer d'un condenseur Cd
(fig. 2), il se comporte comme un
réseau diffractant la lumière de longueur d'onde
dans deux directions symétriques inclinées sur l'axe d'angles
tel
que
Fig. 2
Tant que
reste inférieur à U, angle d'ouverture objet, il existe deux ondes
1
et
2
diffractées par le réseau. L'ensemble condenseur-objectif fournit dans le plan
de la pupille de sortie P'o de l'objectif deux images de la source S1
et S2 centres de deux ondes sphériques
'1
et
'2
cohérentes entre elles, reconstruisant par interférence une image conforme de
l'objet. La limite de résolution est, en éclairage cohérent, la période pc
(fig. 5) telle que
et, pour toute fréquence spatiale 1/p inférieure
l'image obtenue est de contraste unité alors que les fréquences spatiales
supérieures ne sont pas transmises. Notons que plus généralement, un objet
périodique spatialement est décomposable en un ensemble de composantes
sinusoïdales fournissant chacune une paire d'ondes diffractées reconstruisant
une image conforme tant qu'elles sont transmises par la pupille. À la limite, si
seules les ondes correspondant à la fréquence spatiale
/p
la plus basse, c'est-à-dire la fréquence fondamentale de l’objet, sont
transmises par la pupille, l'image reconstruite par interférences est purement
sinusoïdale.
Inversement, si la source est infiniment étendue (éclairage
incohérent), elle est néanmoins limitée par l'image dans son plan de la pupille
de sortie P'o. L’objet sinusoïdal en intensité fournit une onde
directe remplissant toute la pupille et deux ondes diffractées formant dans ce
plan deux images S1 et S2 de la source (fig. 3). Dans les
zones communes à deux de ces ondes existent des points homologues donnant
naissance à des systèmes d'interférences identiques reconstruisant une image de
l'objet.
Fig. 3
Il y a perte d'énergie et le contraste, proportionnel à l'aire commune aux cercles S1-P'o et S2-P'o, diminue quand la fréquence spatiale augmente et s'annule (fig. 5) lorsque les images S1 et S2 sont tangentes extérieurement à P'o pour une fréquence spatiale :
La période correspondante pi constitue la limite de résolution absolue de l’objectif :
Le contraste pour les faibles fréquences spatiales peut être augmenté - ce qui est constaté depuis fort longtemps par les microscopistes utilisant couramment cette procédure - en réduisant l'ouverture numérique du condenseur à une valeur n sin uc inférieure à celle de l'objectif à l’aide d’un diaphragme d'ouverture Do dont l'image dans le plan de la pupille de l'objectif est plus petite que cette pupille (fig. 4).
Fig. 4
Par un raisonnement analogue aux précédents, on voit que, avec cet éclairage partiellement cohérent, le contraste de l'image (fig. 5) reste égal à l'unité tant que
et s'annule pour une limite de résolution ps telle que
Fig. 5
La
limite de résolution est donc d'autant meilleure que l'ouverture numérique est
grande, ce qui justifie l’immersion éventuelle de l’objet pour l’augmenter aux
grandissements les plus forts. S’il existe des objectifs à sec (n = 1)
d'ouverture atteignant 0,95 d’angle U égal à 72°, de limite de résolution
absolue égale à 0,3 µm, l'immersion homogène (l’indice n = 1,518 étant celui de
la lamelle couvre-objet et de la lentille frontale) permet des résolutions
inférieures à 0,2 µm pour une ouverture de 1,25
d’angle U égal à 55°.
L’ouverture numérique ne détermine pas seulement la limite
de résolution de l’objectif du microscope. Elle conduit aussi à une limitation
du grossissement commercial du microscope et définit à la fois la profondeur de
champ de l’objectif et la latitude de mise au point du microscope.
Le microscope, instrument associé à l’œil
Le microscope est un instrument associé à l'œil
d'un observateur formant l'image définitive. La performance acquise par
l’objectif grâce à sa limite de résolution ne doit donc pas être réduite par la
limite de perception de l'œil. Or celle-ci varie en fonction de la luminance du
champ et pour les luminances moyennes rencontrées en microscopie : la limite de
perception est optimale si la pupille de l’œil est diaphragmée à un diamètre
o
compris entre 0,5 et 0,8 mm. Dans ces conditions, la pupille de sortie du
microscope
'
(fig. 6) doit avoir un diamètre
Fig. 6
puisque h / f'ob = n sin U, si
'
est exprimé en millimètres et en appliquant les formules de conjugaison dites de
Newton particulièrement bien adaptées au microscope où la distance
'ob
est normalisée pour respecter la correction des
aberrations des objectifs et des oculaires.
Le grossissement optimum du microscope GM doit
donc vérifier la double inégalité
Le choix du grossissement ne s'effectue donc pas en choisissant le grandissement de l'objectif et le grossissement de l'oculaire, mais en fonction de la résolution souhaitée, déterminée par l’ouverture numérique de l’objectif, ce qui conduit aux compositions maximales limites idéales :
Objectif : |
10 / 0,25 |
25 / 0,45 |
40 / 0,65 |
60 / 0,85 |
100 / 1,25 |
Oculaire : |
25 x |
16 x |
16 x |
12,5 x |
12,5 x |
Compte tenu de la forte valeur des angles d’ouverture dans
l’espace objet (de 15 à 60°), les conditions de l’approximation de Gauss ne sont
plus satisfaites et ses propriétés ne peuvent être utilisées pour vérifier la
conservation du stigmatisme dans un plan perpendiculaire à l’axe optique et le
long de celui-ci.
L'objectif de microscope doit former une image d'un objet
situé dans un plan perpendiculaire à son axe optique. Stigmatique pour un couple
de points objet-image A-A' situés sur l'axe, il doit également l'être pour un
couple de points B-B' infiniment voisins situés dans des plans perpendiculaires
à l'axe (fig. 7). S'il respecte ces conditions, l'objectif est dit aplanétique
et il satisfait à la condition d'Abbe ou condition des sinus qui, l'angle
d'ouverture image étant faible et si le milieu intermédiaire est l'air, peut
s’écrire :
n y sin u = y' u'
n étant l’indice de réfraction du milieu objet, y et y' les
grandeurs de AB et A'B', u et u' les inclinaisons sur l'axe d'un même rayon
lumineux quelconque passant par les points A et A'.
Fig. 7
Dans le cas de l’objectif de microscope, le point objet stigmatique Ao est très proche de son foyer objet et l’on peut admettre que la condition d'aplanétisme s'écrive alors :
n f'ob = h / sin u
où (fig. 8) la hauteur pupillaire h est la distance à l'axe
du rayon émergent correspondant à un rayon incident passant par Ao
d'inclinaison u.
Fig. 8
La quantité h / sin u étant constante, la surface
principale, lieu du point d'intersection I des rayons incident et émergent
correspondants, est une sphère de rayon n f'ob centrée en Ao.
La différence des chemins optiques parcourus le long de deux rayons quelconques
entre Ao et tout point de cette sphère étant nulle, le chemin optique
entre Ao et son image à l'infini est conservée, ce qui exprime la
condition de stigmatisme. Cette sphère principale peut être assimilée à une
surface d'onde issue du point Ao considéré comme source lumineuse
ponctuelle. Pour un second point objet A1 situé sur l'axe optique à
la distance z
de Ao, on admet que la condition de stigmatisme se conserve si la
différence entre les chemins optiques parcourus le long des rayons A1I
et A1H appelée différence de chemin optique aberrant, H étant sur
l'axe, est inférieure à
/4,
critère suffisant pour que la correction des aberrations ne soit pas affectée et
qu’ainsi la qualité de l'image reste acceptable. Cette condition fixe la valeur
maximale du défaut de mise au point tolérable pour un objectif d'ouverture
numérique n sin U
Cette faible quantité peut être considérée comme
une limite de résolution longitudinale.
En ce qui concerne la latitude de mise au point du
microscope, l'objectif et l’oculaire étant rigidement liés, il n’est donc pas
possible d’en dépointer l'ensemble par rapport au plan du point stigmatique Ao
(fig. 9) d'une quantité supérieure à cette limite.
Fig. 9
On ne peut donc tolérer un décalage de l’image intermédiaire A'B' par rapport au plan focal objet de l'oculaire déterminé par un raisonnement analogue au plus égal à
Pour un tel décalage, l'image définitive A"B" n'est plus à l'infini et sa distance à l'anneau oculaire du microscope est la plus courte distance d'accommodation permise. En négligeant la distance de l'anneau oculaire au plan focal image de l'oculaire devant la distance d'accommodation et par application de la formule de conjugaison de Newton, on en déduit la puissance d'accommodation Pac, inverse de la distance d’accommodation :
Il en résulte, en admettant que la puissance du microscope soit celle pour laquelle son grossissement optimal est maximum, une puissance d’accommodation tolérable maximale
Au delà de cette limite, il est préférable que les observateurs fortement amétropes conservent leurs verres correcteurs pour l'observation, ce qui est facilité par l’existence d’oculaires à pupille de sortie éloignée spécialement conçus pour porteurs de lunettes.